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Chine, Russie, Turquie..., ces pays qui baissent leurs taux quand les autres les relèvent

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Alors que de nombreuses banques centrales, notamment celles d’Europe, des Etats-Unis ou encore du Canada, ont fait le choix de remonter leurs taux directeurs pour tenter de ralentir l’inflation, d’autres les abaissent . Une stratégie visant à soutenir la croissance, mais qui pourrait alimenter la hausse des prix. Explicatio­ns.

Un peu partout dans le monde, les banques centrales tentent d’éteindre le feu de l’inflation. Stimulée dans un premier temps par la forte reprise de la demande et de la consommati­on face à une production dans l’incapacité d’y répondre, elle se nourrit désormais des effets de la guerre en Ukraine et des sanctions économique­s occidental­es. Depuis le début du conflit le 24 février, les prix de l’énergie (gaz et pétrole) et de l’alimentair­e ont grimpé en flèche. Un constat qui a poussé les institutio­ns monétaires à réagir : nombreuses sont celles à avoir augmenté leurs taux directeurs dans l’espoir de réduire la demande et donc d’endiguer l’inflation. Même la banque centrale européenne, jusque-là réticente à l’idée de resserrer sa politique monétaire par crainte de pénaliser la croissance de la zone euro, a dû s’y résoudre. Le Conseil des gouverneur­s de la BCE a ainsi annoncé son « intention de relever les taux directeurs de 25 points de base lors de la réunion en juillet » puis en septembre. Aux Etats-Unis, la banque centrale (Fed) qui a eu recours début mai à une forte hausse d’un demi-point pour la première fois depuis 2000 a annoncé, au regard des chiffres de l’inflation qui ne baissent pas, qu’il était « très difficile d’envisager une pause » dans cette stratégie, en septembre.

Lire aussi : Hausse des taux de la BCE : six questions pour comprendre la nouvelle politique monétaire européenne

Chine, Russie, Turquie..., ces pays qui baissent leurs taux quand les autres les relèvent

La méthode semble donc faire consensus .... Mais pas pour tous. Certains pays baissent leurs taux pour stimuler l’économie et par ricochet l’emploi. Parmi eux, on retrouve la Turquie, la Chine et la Russie, tandis qu’un autre, le Japon, les maintient. Coup de projecteur­s sur ces pays qui baissent les taux.

La Turquie

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À Ankara comme ailleurs, l’inflation ne cesse de battre des records : Elle se situait à 73,5% en mai, son plus haut depuis décembre 1998, selon les dernières données officielle­s. D’après des économiste­s turcs indépendan­ts du Groupe de recherche sur l’inflation (Enag), elle atteindrai­t en réalité 160,76 % sur un an. Pourtant, Recep Tayyip Erdogan reste inflexible. Le président turc refuse catégoriqu­ement de resserrer la politique monétaire du pays et intime régulièrem­ent à la banque centrale turque de maintenir les taux bas, voire même de les baisser davantage. En 2021, il a, en effet, demandé qu’elle abaisse son taux directeur de 19% à 14%. À l’inverse des autres dirigeants et des économiste­s, Erdogan soutient que remonter les taux favorisera­it l’inflation.

« Que personne n’attende cela de nous. Ce gouverneme­nt n’augmentera pas les taux d’intérêt. Au contraire, nous allons continuer de les baisser », a affirmé le chef de l’Etat turc en début de semaine. Le chef d’Etat craint surtout qu’un resserreme­nt monétaire ne vienne freiner la consommati­on au sein de son pays dont l’économie repose largement sur cette dernière et sur l’investisse­ment, notamment immobilier. Nombreux sont les vastes projets d’infrastruc­tures et les Turcs à avoir souscrit des prêts à des taux avantageux et qui seraient pénalisés par une hausse de ceux-ci. En attendant, la flambée des prix continue avec toutes les conséquenc­es que cela implique pour les ménages turcs.

●●Lire aussi : inflation en Turquie : pourquoi la politique d’Erdogan pourrait provoquer une crise monétaire

La Chine

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En Chine non plus, la banque centrale ne semble pas prête à relever les taux. Bien au contraire. Le 20 mai dernier, elle a annoncé avoir baissé l’un de ses taux d’intérêt de référence pour les prêts hypothécai­res, le « loan prime rate » (LPR) à cinq ans, de 4,6% à 4,45%. Peu touchée par l’inflation, la Chine veut préserver sa croissance et par ricochet l’emploi qui montre des signes inquiétant­s. Le taux de chômage a, en effet, bondi en avril à 6,1%, un chiffre proche du record absolu et qui confirme que le pays enregistre ses pires performanc­es économique­s depuis deux ans. Des résultats qui mettent en péril l’objectif de Pékin d’une croissance à 5,5%. Avec des taux bas, la Chine peut donc réduire les coûts d’emprunt sur le marché et ainsi favoriser les investisse­ments et la demande, en logement notamment. Et pour cause, l’immobilier et la constructi­on pèsent plus du quart du PIB du pays et servent de locomotive à bien d’autres secteurs, comme l’acier ou l’ameublemen­t.

●●Lire aussi : Pourquoi la Chine abaisse ses taux d’intérêt quand les autres banques mondiales les relèvent

La Russie

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Autre pays à baisser ses taux, la Russie. Vendredi soir, la banque centrale russe a annoncé avoir abaissé son taux directeur de

11% à 9,50%. Selon elle, « l’inflation ralentit plus vite et le déclin de l’activité économique est moins important » qu’elle ne l’avait prévu. La hausse des prix avait atteint en avril un record jamais vu depuis 20 ans à 17,8% avant de diminuer à 17% le 3 juin, selon les derniers chiffres de la banque centrale qui a revu à la baisse ses prévisions. L’inflation devrait atteindre entre 14 et 17% en 2022 avant de revenir à son objectif de 4% en 2024.

La banque centrale russe justifie donc par ses chiffres son choix de rétablir son taux au niveau d’avant le début de l’invasion de l’Ukraine, le 24 février dernier. Peu de temps après le début du conflit, l’institutio­n monétaire avait brusquemen­t relevé son taux de 9,50% à 20% en réponse aux premières sanctions économique­s imposées par les occidentau­x et avait mis en place des mesures draconienn­es de contrôle des capitaux. Cela dans le but de soutenir sa devise qui s’est effondrée après l’entrée des troupes russes en Ukraine. Un pari gagnant puisque le rouble s’est depuis nettement renforcé pour atteindre des niveaux plus observés depuis 2015, aussi bien face au dollar qu’à l’euro, stimulé également par des exportatio­ns à des prix très élevés du fait de la hausse des prix des hydrocarbu­res et des importatio­ns en forte baisse.

Le Japon

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Le Japon ne baisse pas ses taux, mais ne les augmente pas. Ils restent d’ailleurs bas dans ce pays qui ne connaît pas l’inflation,

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même si une hausse des prix se fait sentir depuis plusieurs semaines.

La Banque centrale du Japon (BoJ) s’est engagée en avril dernier à les maintenir à un niveau faible. « La BoJ s’attend à ce que les taux d’intérêt directeurs à court et à long terme restent à leur niveau actuel ou à un niveau inférieur », avait-elle ainsi indiqué. Pourtant, le pays n’échappe pas à la hausse des prix provoquée par celle des coûts des matières premières. La hausse des prix à la consommati­on dans l’archipel (hors produits frais) a accéléré à 2,1% en avril sur un an, un niveau inédit depuis 2015.

D’autant que la politique accommodan­te de la BoJ entre en collision avec celle de la Fed qui s’est largement durcit entraînant la chute du Yen. La devise nippone a atteint ce vendredi un nouveau plus bas en vingt ans : un dollar s’échangeait contre 133,9 yens après avoir grimpé bien au-delà de 134 yens ces derniers jours. Si cela favorise en temps normal l’économie japonaise très axée vers l’internatio­nal en soutenant les exportatio­ns du pays, à l’inverse, cela rend les importatio­ns encore plus coûteuses, notamment les gros approvisio­nnements en énergies fossiles et pénalise les consommate­urs japonais. Pas de quoi décider la BoJ à opter pour un changement de cap pour l’instant dans un pays qui a longtemps souffert de la déflation.

(Avec agences)

 ?? ?? En Turquie, l’inflation atteignait 73,5% en mai, son plus haut depuis décembre 1998. (Crédits : Reuters)
En Turquie, l’inflation atteignait 73,5% en mai, son plus haut depuis décembre 1998. (Crédits : Reuters)
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