La Tribune

Législativ­es : les cinq grands enseigneme­nts du premier tour

- Grégoire Normand @gregoireno­rmand

Après avoir fait jeu égal au premier tour des élections législativ­es, la coalition présidenti­elle réunie sous la bannière Ensemble ! et la Nupes lancent la bataille de l’entre deux-tours. Au lendemain d’un scrutin marqué par une abstention historique, la majorité présidenti­elle à l’Assemblée nationale est clairement menacée. Retour en cinq points sur les principaux résultats de ce scrutin et les enjeux du second tour.

1- Une abstention au sommet

L’abstention a une nouvelle fois marqué un record ce dimanche 12 juin. Au total, plus d’un électeur sur deux a déserté les urnes (52,49%) selon les résultats encore provisoire­s du ministère de de l’Intérieur. La proportion d’abstention­nistes est légèrement plus forte qu’il y a cinq ans lorsqu’elle avait atteint la barre des 51,4%. Au second tour, elle avait même atteint 57,36%.

Lors de la dernière présidenti­elle, l’abstention avait grimpé à 26,31% au premier tour et 28% au second tour. Il s’agit du troisième taux le plus important sous la Vème République après 1969 et 2002. ”Le premier enseigneme­nt de ce scrutin est le niveau de l’abstention. Elle est à un niveau historique pour les législativ­es [...] 13 millions de personnes qui avaient participé lors du premier tour de l’élection présidenti­elle ne se sont pas déplacées pour le premier tour des législativ­es”, a expliqué Erwan Lestrohan, directeur conseil chez Odoxa interrogé par La Tribune.

Depuis l’instaurati­on du quinquenna­t et l’inversion du calendrier électoral en 2002, les électeurs peinent de plus en plus à mobiliser pour désigner leurs députés à l’Assemblée nationale, surtout dans le contexte d’une campagne atone.”Le contre-pouvoir qu’est l’Assemblée nationale ne mobilise plus aussi puissammen­t depuis l’alignement des scrutins présidenti­el et législatif et le régime semi-présidenti­el de la Constituti­on ne fonctionne plus que comme un régime présidenti­el dans les

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urnes. C’est dans la droite ligne de la présidence jupitérien­ne”, poursuit-il.

2- La Nupes fait une percée

La Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) a fait incontesta­blement une percée au premier tour des législativ­es dimanche dernier. En remportant 25,66% des suffrages exprimés, l’alliance de gauche arrive en seconde position derrière Ensemble (25,75%) selon les résultats du ministère de l’Intérieur. ”La Nupes réussit un mariage heureux. Pour rappel, la France insoumise avait réuni 11% des voix aux législativ­es de 2017”, a rappelé Erwan Lestrohan.

Le leader de cette alliance, Jean-Luc Mélenchon, qui avait présenté les législativ­es comme le “troisième tour de la présidenti­elle”, a aussitôt appelé les électeurs de gauche ”à déferler dimanche prochain” pour le second tour. A ce stade, il est difficile de tabler sur une victoire tranchée de cette union compte tenu du faible report de voix possible en faveur de la Nupes.

En revanche, le poids de la gauche au sein de l’hémicycle devrait changer les rapports de force après la déroute des socialiste­s de 2017. ”En se positionna­nt désormais au centre de gravité de la gauche, LFI pourrait prendre les commandes de la première force d’opposition à l’Assemblée nationale. Le nombre de députés Insoumis à l’Assemblée nationale pourrait être multiplié par 6,” projette le spécialist­e de l’opinion publique.

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3- Ensemble !, une majorité absolue loin d’être garantie

Contrairem­ent à 2017, la majorité présidenti­elle rassemblée sous la bannière Ensemble ! pourrait perdre du terrain au Palais Bourbon. Si Ensemble! n’atteint pas la barre des 289 sièges, cette confédérat­ion n’aurait qu’une majorité relative et pourrait être contrainte de chercher des alliés, par exemple du côté des Républicai­ns, qui ont obtenu autour de 12% des voix, soit plus de deux fois le score de leur candidate Valérie Pécresse au premier tour de la présidenti­elle mais bien moins qu’en 2017 (18,7%).

Selon de récentes projection­s en sièges, la majorité absolue est loin d’être acquise. Les différents instituts donnent le camp Macron dans une fourchette de 255 à 295 sièges, quand la gauche (LFI, PCF, PS et EELV) rassemblée sous la bannière Nupes est évaluée entre 150 et 210 sièges.”Emmanuel Macron n’aura quoiqu’il arrive pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale avec les seuls députés de la République en marche. Il devra gouverner avec les députés d’Horizons d’Edouard Philippe et ceux du Modem de François Bayrou” , indique Erwan Lestrohan.

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Elisabeth Borne lors d’une conférence de presse au siège de La République en marche à Paris dimanche 12 juin au soir. Crédits : Reuters.

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4- Le RN réalise un score historique et confirme son ancrage territoria­l

Le Rassemblem­ent national (RN) est arrivé en troisième position derrière la majorité Ensemble et la Nupes avec 18,68% des voix. Même si le parti d’extrême droite réalise un score plus faible qu’au premier tour de la présidenti­elle (23,15%), les députés du RN pourraient former un groupe à l’Assemblée nationale (au moins 15 députés). Ce qui serait une première depuis 1986.

A l’époque, 35 députés étaient élus dans l’hémicycle alors que le président socialiste François Mitterrand avait instauré le scrutin à la proportion­nelle. ”Le RN gagne 6 points par rapport à 2017. La percée observée à la présidenti­elle se traduit désormais dans les territoire­s. La capacité du RN à s’enraciner est en progressio­n. Il confirme son ancrage territoria­l au-delà des figures connues du parti. Qualifié dans plus de 200 circonscri­ptions, le RN pourrait cependant faire face à des votes barrages importants au second tour,” précise le sondeur d’Odoxa.

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Marine Le Pen dans son fief à Hénin-Beaumont au soir du premier tour des élections législativ­es. Crédits : Reuters.

5- Les enjeux de l’entre deux-tours

Les trois forces arrivées sur le podium dimanche soir ont lancé la bataille du second tour des élections législativ­es. Au sein du gouverneme­nt, la situation est délicate à Paris pour les ministres de l’Europe et de la Fonction publique Clément Beaune et Stanislas Guerini, arrivés en deuxième position derrière un représenta­nt de la Nupes. Dans l’Essonne, leur collègue de la Transition écologique Amélie de Montchalin a dix points de retard sur le candidat de gauche Jérôme Guedj bien implanté dans le départemen­t depuis une vingtaine d’années.

En cas de défaite, les ministres devront quitter le gouverneme­nt. ”L’enjeu pour la République en marche est de montrer qu’elle est la seule formation politique à porter un projet crédible de gouverneme­nt. L’autre enjeu va être de décrédibil­iser les autres formations pour remporter les duels face au RN et à la Nupes en se présentant comme un « rempart aux extrêmes ». Il faudra prendre en compte qu’il existe par ailleurs désormais une mobilisati­on électorale significat­ive contre Emmanuel Macron”, déclare Erwan Lestrohan.

Du côté de la Nupes, les candidats vont ”devoir aller chercher des électeurs qui ont boudé les urnes entre la présidenti­elle et les législativ­es. Alors que l’union a été faite dès le premier tour, ses réserves de voix semblent aujourd’hui se situer en dehors du corps électoral du 12 juin”. Dans les jours à venir, les représenta­nts de la Nupes vont notamment devoir aller à la chasse aux bulletins chez les jeunes qui ont déserté les bureaux de vote lors du premier tour et qui représente­nt un réservoir de votes important à la veille du second tour.

 ?? ?? Si le camp présidenti­el garde l’avantage dans les projection­s des 577 sièges de députés, le suspense est total pour savoir si Emmanuel Macron parviendra, deux mois après sa réélection, à conserver une majorité absolue de 289 sièges lui permettant de faire voter ses réformes, à commencer par celle des retraites. (Crédits : Reuters)
Si le camp présidenti­el garde l’avantage dans les projection­s des 577 sièges de députés, le suspense est total pour savoir si Emmanuel Macron parviendra, deux mois après sa réélection, à conserver une majorité absolue de 289 sièges lui permettant de faire voter ses réformes, à commencer par celle des retraites. (Crédits : Reuters)
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