Défense : est-on vraiment entré dans une nouvelle ère ?
Bouleversements géopolitiques, retour des États puissance, de la guerre de haute intensité, multiplication des champs de conflictualité, nouvelles technologies, urgence écologique... sont autant de défis auxquels doivent faire face les pays européens. Dans un environnement changeant, comment préserver un modèle d’armée cohérent et équilibré, tout en sauvegardant la souveraineté ? L’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, le général Patrick Autellet, major général des armées, Patrice Caine, PDG de Thales et Michael Schoellhorn, président d’Airbus Defence & Space ont esquissé les contours de cette nouvelle ère qui se dessine en Europe, à l’occasion du Paris Air Forum, organisé par La Tribune.
Vidéo youtube: https://www.youtube.com/watch?v=fjRoKT0qdPc
Le constat d’Hubert Védrine est sans appel : ”ce que nous vivons pulvérise beaucoup de visions et d’illusions européennes”. Il évoque un ”choc énorme”, qui a occasionné le réveil de ”l’esprit de défense” dans la sphère européenne, à l’image du fonds spécial de 100 milliards d’euros pour l’armée allemande, ou encore de la levée de l’opt-out (option de retrait) du Danemark pour revenir dans le giron de la défense européenne. ”Les Européens sont en train de ré-atterrir dans le monde réel”, assuret-il.
De nouveaux concepts dans l’approche militaire
Côté militaire, il faut “mesurer les conséquences sur la manière de faire la guerre”, indique le général Autellet. La priorité est donnée aux nouveaux champs de conflictualité (cyber, spatial, informationnel...), avec de nouveaux concepts et de nouvelles
Défense : est-on vraiment entré dans une nouvelle ère ?
doctrines. Une nouvelle approche déclinée par le chef d’état-major des armées, qui avait présenté en octobre 2021 la feuille de route de l’armée française, intitulée ”gagner la guerre avant la guerre”. Occuper les nouveaux champs de conflictualité avant les engagements physiques, ”et si on doit y aller, être prêts à y aller”, explique le général Autellet.
Le numérique, enjeu crucial
”Le domaine conventionnel est toujours aussi important, mais il est augmenté et rendu encore plus efficace par le numérique”, expose Michael Schoellhorn. Le patron d’Airbus Defence & Space est rejoint dans son propos par le PDG de Thales. Selon Patrice Caine, “le numérique, c’est déjà parti”, mais il faut prévoir ”le coup d’après du coup d’après”, à savoir le quantique, pour démultiplier les capacités de calcul. Pour le général Autellet, il faut tirer ”toutes les possibilités” du monde numérique, qui est devenu une priorité du ministère des armées.
Pour Patrice Caine, “la prise de conscience elle est là. Sur quoi elle va déboucher, on ne sait pas encore. D’un point de vue industriel, il n’y a quasiment pas d’impact à très court terme. [...] L’enjeu est plutôt sur l’impact à moyen/long terme. J’ai envie de croire que ça va déboucher sur une augmentation graduelle et continue des budgets de défense”. Le général Autellet évoque un ”changement de paradigme” alors qu’Hubert Védrine appelle à ”agir à tous les niveaux, pour que les Européens deviennent plus réalistes, moins prétentieux, pas moins ambitieux ni moins exigeants”.