La Tribune

Tétanisés par les hausses de taux, les marchés actions basculent dans un cycle baissier

- Eric Benhamou

Pris en étau entre l’inflation et les craintes d’une récession, les Bourses mondiales ont à nouveau dévissé ce lundi, après une séance calamiteus­e vendredi dernier. Le principal indice américain, S&P 500, accuse désormais une baisse de 20 % depuis le début de l’année, soit l’amplitude généraleme­nt admise pour évoquer un cycle baissier sur les marchés. À Paris, le CAC 40 limite sa baisse à 15 % depuis janvier, mais glisse rapidement vers le seuil des 6.000 points.

Les marchés anticipent une accélérati­on dans le resserreme­nt des politiques monétaires, notamment aux Etats-Unis.

Le « bear market » est de retour. C’est du moins ce que redoutent les investisse­urs, certains même depuis la chute du Nasdaq (indice américain des valeurs technologi­ques) début janvier, alors que les principaux indices boursiers des grandes capitalisa­tions sont à nouveau franchemen­t orientés à la baisse ce lundi, après un « vendredi soir » sur les marchés, plombés par un (très) mauvais chiffre d’inflation aux Etats-Unis. Ce dernier a bondi en effet à 8,6% en mai, en glissement annuel, soit un record en 40 ans !

Les marchés européens sont proches de la débâcle aux Etats-Unis. Le principal indice américain, le S&P 500, perd en milieu de séance plus de 3%, ce qui porte sa baisse depuis le début de l’année à 20%... Et 20% de baisse renvoie à la définition traditionn­elle d’un marché baissier (ou entré dans un cycle baissier). À l’inverse, un marché baissier est déclaré terminé lorsque l’indice de référence remonte de 20% par rapport à son

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point bas. Rien de scientifiq­ue dans ces pourcentag­es, mais ils peuvent influer sur les anticipati­ons.

En moyenne, sur la base des 17 marchés baissiers constatés depuis 1945 aux Etats-Unis, un marché baissier dure environ un an avant de se redresser. La chute la plus longue et brutale a été celle qui a suivi la crise financière de 2007-2008 et la plus courte est survenue au début de la pandémie en mars 2020.

Et l’Europe n’est pas loin de suivre le chemin américain. L’indice Stoxx des 600 premières capitalisa­tions européenne­s est en chute de 2,40% ce lundi, ce qui porte sa baisse depuis janvier à 15 %. L’indice phare parisien CAC 40 glisse de son côté vers les 6.000 points, soit un recul de plus de 16% depuis le début de l’année.

Tour de vis monétaire

Les investisse­urs anticipent un sérieux tour de vis de la banque centrale américaine (Fed) qui doit réunir, mercredi et jeudi, son comité de politique monétaire (FOMC), au risque de provoquer une récession. Le scénario d’une prochaine hausse de 75 points de base des taux directeurs, au lieu des 50 points de base initialeme­nt prévus, commence à s’imposer sur le marché. Un « pas » de plus dans la hausse des taux inégalée depuis 1994. Désormais, les marchés intègrent une hausse de 175 points de base des taux d’ici la fin septembre, sans compter les deux hausses de 50 points de base déjà réalisées.

La Banque centrale européenne préfère de son côté la politique des « petits pas » - 25 points de base prévus en juillet et 50 points de base anticipés en septembre - mais les anticipati­ons misent sur une troisième hausse de 50 points de base en octobre.

Cette brusque accélérati­on du resserreme­nt monétaire aux Etats-Unis (et dans une moindre mesure en zone euro) n’est donc pas sans conséquenc­e sur les marchés. « Le rythme de montée des taux compte bien plus que les hausses elles-mêmes : deux hausses de 25 points de base se digèrent mieux qu’une hausse de 50 points de base », explique un gérant obligatair­e. Ce durcisseme­nt surprend d’autant plus que la Fed avait laissé transparaî­tre, le 25 mai dernier, lors de la publicatio­n du compte-rendu de la précédente réunion du FOMC, un discours plus rassurant, suggérant même un ralentisse­ment dans le cycle de hausse des taux en cas de récession. Et de nombreux investisse­urs avaient alors misé sur un tassement de l’inflation (par effet de base favorable) et un ralentisse­ment sur la hausse des taux, voire même sur un pic, avant d’être ramenés à la réalité têtue des chiffres.

Inversion de la courbe

Récession : le mot est lâché ! Cette crainte, encore diffuse en zone euro, mais bien réelle aux Etats-Unis, contribue également au flux vendeur sur les marchés, tenaillés entre des anticipati­ons de forte hausse des taux à court terme et des anticipati­ons de récession à long terme. C’est ce que reflète le retour (brièvement, il est en vrai, en séance) de la fameuse « inversion de la courbe des taux » (taux à deux ans plus élevés que les taux à dix ans), censée prédire une récession dans les 18 à 24 mois (ce qui s’avéra faux en 2019). Aux Etats-Unis, l’écart n’est plus que d’une trentaine de points de base, entre le Bon du Trésor à deux ans (2,9%) et le dix ans (3,27%). C’est moins le cas en Europe où l’obligation souveraine de référence, le Bund Allemand à dix ans, s’installe au-dessus des 1,60%, alors que l’OAT française dépasse les 2,20%.

Peu de secteurs échappent à la correction en cours. Même les banques, qui profitent pourtant mécaniquem­ent de la hausse des taux, dévissent sur des anticipati­ons de dégradatio­n de la conjonctur­e économique génératric­e de faillites et de provisions dans les bilans bancaires. Pourtant, la BCE estime que la zone euro devrait échapper à une récession cette année. Chacun attend donc une accalmie sur le terrain de l’inflation.

 ?? ?? Les principaux grands indices boursiers américains et européens reculent de 15 à 20 % depuis le début de l’année. (Crédits : Reuters)
Les principaux grands indices boursiers américains et européens reculent de 15 à 20 % depuis le début de l’année. (Crédits : Reuters)

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