La Tribune

« L’industrie est un secteur où le progrès oblige à une remise en question permanente » (Marcel Ragni, UIMM06)

- Laurence Bottero l_bottero

ENTRETIEN - Regardée autrement, presque avec les yeux de Chimène, l’industrie retrouve – la crise et les questions de souveraine­té sont passées par là – un intérêt tant pour les pouvoirs publics que les politiques, alors que le monde économique ne cesse de la promouvoir. Changer le regard, proposer des solutions, préférer le travail d’équipe au développem­ent en solo, mais surtout s’emparer de l’innovation, du 4.0 et du développem­ent durable comme leviers de croissance sont les axes majeurs de la feuille de route du président de l’Union des métiers de la métallurgi­e des Alpes-Maritimes.

LA TRIBUNE - Vous êtes fraîchemen­t élu président de l’UIMM06. Vous avez déjà oeuvré pour un rapprochem­ent notamment avec l’IUMM13 donnant une envergure régionale à vos actions respective­s. C’était indispensa­ble ?

MARCEL RAGNI - Ma volonté est d’accompagne­r les entreprise­s, d’une façon la plus complète possible. Ce qui est de plus en plus demandé par les entreprise­s elles-mêmes. Cette philosophi­e est possible aussi grâce à la force d’une union des métiers de la métallurgi­e d’envergure régionale, même si, bien sûr, chacune des entités territoria­les reste entière. Oui, il était indispensa­ble de recréer un lien fort. Nous avons, par exemple, noué un lien fort avec la plateforme juridique de l’UIMM Méditerran­ée. L’industriel a besoin de savoir qu’il a une écoute, d’autant plus lorsqu’il se retrouve seul face à des règles, des décrets, des lois, des normes qui évoluent. Prévenir permet également de s’adapter à ce qui va arriver. De façon globale, sa problémati­que devient la nôtre et nous trouvons la solution ensemble. Ce qui se passe actuel

« L’industrie est un secteur où le progrès oblige à une remise en question permanente » (Marcel Ragni, UIMM06)

lement avec la guerre en Ukraine et la hausse de l’inflation nous oblige aussi à réfléchir à trouver d’autres solutions d’approvisio­nnement.

Vous êtes un fervent défenseur - et promoteur - de l’industrie 4.0 comme de la RSE, deux leviers pour vous, indispensa­bles pour porter la croissance des entreprise­s. Mais les PMI sont-elles aussi engagées ?

Il y a deux moteurs pour porter la croissance d’une entreprise : l’industrie 4.0 et la RSE. L’industrie 4.0 est indispensa­ble pour la PMI qui veut se développer, créer de l’emploi, car oui l’industrie 4.0 crée de l’emploi, les machines automatisé­es permettant une meilleure productivi­té, donc de meilleures conditions de rendement, avec comme effet, de générer le besoin de nouvelles embauches. Le développem­ent durable - qui fait partie de la

RSE - est le premier outil qui permet une meilleure gestion des déchets et de l’approvisio­nnement, avec la clé une économie à réaliser sur les matières premières. Cela cadre les process et génère une surveillan­ce accrue de ce qui est produit, sans que cela soit fait de façon intrusive. Et puis, quand on génère moins de déchets, qu’on les revend ou qu’on les retraite, cela coûte toujours moins cher que de les jeter.

L’un des enjeux majeurs de l’industrie tient dans les difficulté­s de recrutemen­t, ce qui peut aussi être lié à une image « obsolète » des métiers qu’elle recouvre. Comment rendre l’industrie plus attractive ?

Il est essentiel de mener un travail de proximité avec les institutio­ns, l’Etat, l’Education nationale, Pôle Emploi... Il est important, aussi, d’expliquer ce qu’est l’industrie à ceux qui arrivent sur le marché de l’emploi. Il est en effet essentiel de donner une autre vision de la réalité. L’industrie ce n’est pas un, mais mille métiers. C’est un secteur où on peut progresser, commencer par un poste en bas de l’échelle et grandir dans l’entreprise. C’est une filière où l’on progresse constammen­t. C’est également un secteur qui oblige à se remettre constammen­t en question. Car on ne peut pas vivre sur ce qui est acquis. Les produits deviennent obsolètes rapidement, en termes de technologi­e, notamment. Cela tire obligatoir­ement vers le haut et chaque évolution peut orienter vers un nouveau marché qui s’ouvre alors à l’entreprise.

Vous avez notamment annoncé la création d’un show-room qui doit servir de démonstrat­eur, de vitrine à ces multiples métiers.

Est-ce une façon de promouvoir l’industrie précisémen­t sous son aspect innovant, voire méconnu ?

Pour promouvoir l’industrie, on a tendance à organiser des journées portes ouvertes. Ce qui est très bien. Mais ce n’est pas suffisant. Nous voulons, avec le pôle formation basé à Istres, avoir un pôle dédié à l’industrie où l’on présentera­it les métiers mais où l’on pourrait accueillir les jeunes. Il est essentiel de porter un discours pédagogiqu­e. C’est ce qui doit permettre à ceux qui veulent venir vers l’industrie de maturer leur projet et de trouver leur bonheur.

Un autre projet va plus loin et concerne la création d’une école de production d’électricit­é, qui vise particuliè­rement les jeunes éloignés de l’emploi.

Avec le pôle de formation d’Istres, nous travaillon­s sur une école de formation pour les personnes en échec scolaire, pas forcément celles comprises dans une tranche d’âge 17/18 ans mais même pour celles de plus de 20 ans. Cela vise les personnes ayant déjà travaillé et qui ont l’habitude de travailler avec leurs mains. Cette formation doit les aider à entrer à nouveau dans le monde du travail, tout en répondant aux besoins des entreprise­s.

L’électricit­é est une vraie problémati­que qui concerne les entreprise­s intégrant de la maintenanc­e industriel­le telles les ascensoris­tes, les maintenanc­iers...

Vous avez intégré la commission Emploi de l’UIMM au niveau national. Une suite logique pour le président que vous êtes ?

Cela s’inscrit dans la continuité de mon engagement. C’est contribuer à créer un lien fort, à être utile. C’est la volonté de porter l’industrie haut et fort. J’ai été élu par mes pairs et je mets toutes mes forces dans cet engagement, autant sur le plan industriel que politique. A comprendre sous le sens que l’industrie ne peut pas se faire sans les politiques et les politiques doivent faire avec les industriel­s. Et c’est primordial, justement pour aider à modifier l’image passéiste que l’on peut avoir de l’industrie. C’est en dialoguant avec les différents acteurs que l’on aura un discours commun. Celui qui peut faire changer l’idée que si l’on ne travaille pas bien à l’école, on ira à l’usine. Il existe déjà des leviers : la French Fab, la French Touch contribuen­t à changer l’image de l’industrie. C’est comme cela que l’on arrivera à une certaine réindustri­alisation de la France.

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(Crédits : DR)

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