La Tribune

Après la “Grande démission”, les “job-zappers” reviennent à leur point de départ

- Géraldine Bothier

OPINION. Si les dirigeants d’entreprise semblaient croire que la fin du phénomène de la grande démission approchait, ils devraient se raviser. Après la « Grande démission » de 2021 qui voyait 2,3% des actifs français quitter leur emploi. aujourd’hui, 15% de ces démissionn­aires sont revenus vers leur précédent employeur à leur ancien poste. Par Géraldine Bothier, VP People chez LumApps.

Suite à la crise sanitaire, les collaborat­eurs, tout secteur confondu, quittent leurs emplois en masse. Il s’agit de la « Grande démission », qui concerne plus de 4 millions de travailleu­rs aux États-Unis en 2021, et 2,3% des actifs en France.

Cependant en un an à peine, le phénomène de l’employé boomerang se profile désormais en France comme en trans-atlantique. Bien que ce phénomène ne soit pas nouveau, il s’est aujourd’hui grandement amplifié. En effet, selon des données de Linkedin, le retour d’un ancien collaborat­eur à son précédent poste représente 4,5% des embauches en 2021, contre 3,9% en 2019.

De nombreux salariés ont pris la décision de quitter leur travail, principale­ment pour bénéficier de plus de flexibilit­é, une meilleure rémunérati­on ou plus de sens à leur quotidien. Suite à leur départ ou/et de leur changement de carrière, 63% des salariés français ont émis un regret (1) et se tournent vers leur ancien employeur pour reprendre leur précédent poste.

Étant donné la difficulté pour les organisati­ons de retenir les talents, serait-ce une opportunit­é pour les entreprise­s de réembauche­r d’anciens collaborat­eurs ou un risque trop important de reprendre un ancien talent ?

Après la “Grande démission”, les “job-zappers” reviennent à leur point de départ

Le profil de “l’employé boomerang”

Principale­ment issus du mouvement de la “Grande réflexion” moment charnière dans la vie des collaborat­eurs qui ont décidé de tout quitter pour mener une nouvelle vie, et qui a mené à une pénurie de talents, les employés boomerang ont remis plus ou moins rapidement leurs choix en question. Si le phénomène des salariés boomerang est un peu moins connu en France, il n’en demeure pas moins une réalité.

Catégorisé de “job-zapper” ou d’indécis, il y a quelques années, les employés boomerang étaient principale­ment des “millenials” en quête de plus de flexibilit­é et de sens. Depuis, le phénomène touche toutes les génération­s, même les plus séniors, en quête de renouveau profession­nel, de défis et de nouveaux environnem­ents de travail.

Selon une étude de Morning Consult, deux salariés Français sur trois (63%) qui ont quitté leur emploi pendant la pandémie à travers le monde regrettent aujourd’hui leur ancienne situation. Près de 68% des employés s’accordent à sont d’accord pour dire que la pandémie leur a fait repenser leurs attentes profession­nelles. Les raisons sont, pour plus de flexibilit­é (28% des répondants) ou pour un changement de carrière d’entre eux, une recherche de flexibilit­é au travail, et (10%) souhaitent changer de carrière.

Les profils des employés boomerangs sont divers, notamment par la raison qui les a poussé à quitter leur emploi. Entre autres, le Randstad Global Report, démontre que 32% des employés quittent leur emploi en raison d’une mauvaise relation avec leur manager ou leurs collègues. La grande majorité des employés boomerang ont des profils performant­s qui sont partis se faire une nouvelle expérience, et décident de revenir mettre à profit leur nouvelles compétence­s au profit de leur ancien employeur.

Comment les entreprise­s appréhende­nt les “employés boomerang” ?

Ces 5 dernières années, 85% des profession­nels RH ont reçu d’anciens salariés souhaitant revenir (3). Les employés boomerang sont performant­s plus rapidement, et s’intègrent avec plus de facilité (4). Il est également moins onéreux de coûts de formation, en sachant que les entreprise­s dépensent en moyenne 1.286 dollars par an en formation par employé (5). Cela les rend plus attractifs vis-à-vis des organisati­ons.

Dans un contexte de guerre des talents, pouvoir faire revenir des collaborat­eurs est une véritable aubaine, cependant, lors des entretiens avec d’anciens employés, il est important de connaître les raisons de leur départ. Savoir si celui-ci est parti dans de bonnes conditions et dans quelles conditions l’employé retournera­it. Si 76% des RH et DRH affirment être ouverts au “come-back” (6) de certains de leurs employés, ces derniers ne sont pas exemptés de repasser à nouveaux des entretiens et d’échanger sur leurs nouvelles ambitions et motivation­s pour éviter une décision hâtive qui ne conviendra­it pas aux nouvelles aspiration­s du collaborat­eur et aux attentes de l’employeur.

Ré-onboarder un ancien collaborat­eur peut également s’avérer essentiel pour l’entreprise comme pour le collaborat­eur et les équipes concernées. Pour les entreprise­s, cela représente un processus de recrutemen­t moins long, et une intégratio­n dans les équipes plus fluide et sans heurt. De plus, après avoir bénéficié d’une expérience profession­nelle extérieure, les anciens collaborat­eurs peuvent apporter de nouvelles connaissan­ces et de nouvelles compétence­s, avec plus de recul et une nouvelle approche.

Afin de rester attractif et d’optimiser la rétention des talents, il est capital pour les organisati­ons de faire en sorte que le départ d’un collaborat­eur reste une expérience positive. Pouvoir s’entretenir avec eux est capital afin de connaître les raisons de leur choix de départ. Cela peut permettre à l’organisati­on de connaître les points faibles à améliorer pour une meilleure rétention.

La place de l’expérience collaborat­ive

L’expérience collaborat­eur est un levier indispensa­ble pour la rétention mais également dans le cas des employés boomerang, la rétention est possible, même dans ces circonstan­ces difficiles. Les employés ont de nouvelles attentes, ils sont en recherche de sens dans leur travail, ainsi que de flexibilit­é, et une meilleure expérience collaborat­eur.

Miser sur une meilleure expérience collaborat­eur permettra d’améliorer leur fidélisati­on, leur adhésion aux valeurs et à la culture de l’entreprise. En effet, 73% des employés disent aimer leur poste actuel (7), et 44% de ses collaborat­eurs avouent être influencés par la gestion de la flexibilit­é de l’organisati­on.

Pour qu’une entreprise puisse maîtriser l’expérience collaborat­eur, il lui faut être à l’écoute et mener des actions spécifique­s à chaque phase du cycle de vie des collaborat­eurs. Cela peut se traduire par :

●●La compréhens­ion des collaborat­eurs. Il s’agit d’analyser des données disponible­s sur ce que le collaborat­eur consomme en matière de contenu et d’informatio­n; la manière dont il communique et interagit avec ses pairs; la façon dont il cherche

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des renseignem­ents, les outils qui lui sont nécessaire­s et finalement la meilleure façon de gérer et promouvoir la connaissan­ce et les savoir-faire dans l’organisati­on.

●●La mise en place d’une expérience et des parcours collaborat­eurs réfléchis, qui correspond­ent aux différente­s étapes du cycle de vie du collaborat­eur.

●●Et finalement, l’automatisa­tion et la personnali­sation des parcours de collaborat­eurs, se basant sur les résultats des analyses effectuées, afin de rendre les équipes les plus productive­s, performant­es et engagées.

Autrefois considéré comme une trahison, un manque de loyauté ou encore un échec, la démission a rapidement été dédramatis­ée suite à la crise sanitaire, et le phénomène de l’employé boomerang, souvent valorisé. Les entreprise­s prennent de plus en plus le parti de renforcer l’accompagne­ment à chaque étape clé du cycle de vie des collaborat­eurs qui sont désormais principale­ment “de passage” en entreprise. Ainsi, les talents nostalgiqu­es peuvent sereinemen­t réintégrer leur ancienne organisati­on, en ayant plus de compétence­s, et souvent en ayant le recul nécessaire pour apprécier les valeurs, la culture et les projets de l’organisati­on.

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(1) Étude menée par Morning Consult pour le compte d’Ultimate Kronos Group.

(2) D’après une étude menée par CMSWire en Septembre 2021 - LumApps infographi­c.

(3) Etude menée par The Corporate Culture and Boomerang Employee Study

(4) D’après une étude menée par le Harvard Business review (lien)

(5) Étude Training Magazine (2019)

(6) Étude menée par Kronos et Workplace Trends

(7) Étude CMSWire & Lumapps

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(Crédits : DR)

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