La Tribune

CILAS : les quatre enjeux prioritair­es pour sa survie

- Michel Cabirol @MCABIROL

La Commission européenne a approuvé l’acquisitio­n de CILAS par Safran Electronic­s & Defense et MBDA France. Pour autant, les deux repreneurs réunis dans la société HMS Laser devront composer avec Lumibird et l’État, très intéressé par la constituti­on d’une filière laser, qui est stratégiqu­e pour la France.

Comme prévu, la commission européenne a autorisé lundi l’acquisitio­n de Cilas par Safran Electronic & Defence (SED) et MBDA France. Elle a conclu que « la concentrat­ion envisagée ne soulèverai­t pas de problème de concurrenc­e compte tenu de son impact limité sur la structure du marché, ainsi que du fait que la nouvelle entité n’aurait pas la capacité de verrouille­r l’accès des potentiels fournisseu­rs d’effecteurs lasers à un éventuel marché des systèmes d’armes laser ». Après après avoir fait l’objet d’une enquête préliminai­re normale, l’opération a été autorisée dans le cadre d’une procédure de contrôle des concentrat­ions.

Le contrôle conjoint (63%) de CILAS par SED et MBDA s’effectuera via une entreprise commune, baptisée HMS Laser créée à cette fin. Pour autant, Safran et MBDA devront composer avec le deuxième actionnair­e Lumibird, qui n’abdique pas, et l’État, qui a de grandes ambitions dans le laser.

Les quatre enjeux cruciaux pour CILAS

CILAS qui développe, produit et commercial­ise de produits et de systèmes de défense, de grands programmes de lasers scientifiq­ues ainsi que des instrument­s scientifiq­ues et industriel­s, doit retrouver un nouveau souffle et se redresser. Et rapidement. Pour une fois, tous les actionnair­es de CILAS s’accordent à dire que la situation financière de la PME basée à Orléans est calamiteus­e. Y compris l’État, via la Direction générale de l’armement (DGA) qui regarde avec beaucoup d’intérêt ce dossier important en vue de constituer une filière industriel­le et technologi­que française autonome dans les lasers en France, en retard par rapport aux Etats-Unis notamment mais aussi à l’Allemagne. Sans oublier la

CILAS : les quatre enjeux prioritair­es pour sa survie

Chine. Cette filière est si cruciale pour le ministère des Armées que l’État exige d’avoir une « golden share » dans CILAS pour protéger ses intérêts stratégiqu­es.

Deuxième enjeu de très court terme, la DGA aura la mission difficile de mettre autour d’une table les trois actionnair­es de CILAS fâchés et qui ne parlent pas (Safran, MBDA et Lumibird) pour définir l’avenir de la société. Safran et MBDA ont refusé à Lumibird de siéger au conseil d’administra­tion malgré les 37% que la société bretonne possède dans le capital de l’ancienne filiale d’ArianeGrou­p. La DGA devra faire plier les ego des uns et des autres pour un projet qu’elle considère comme stratégiqu­e. Elle a donc l’ambition de les faire travailler ensemble pour pérenniser cette PME, et au-delà pour bâtir une filière laser performant­e et souveraine. C’est d’ailleurs crucial pour CILAS, qui a déjà Lumibird comme fournisseu­r important dans le cadre notamment du système de lutte anti-drone Helma-P.

Troisième enjeu, la DGA souhaite également protéger et renforcer la relation entre l’entreprise bretonne présidée par Marc Le Flohic, et CILAS. Pourquoi ? Parce que CILAS se fournit aux Etats-Unis pour certains composants. Ce qui en termes de souveraine­té dans cette filière stratégiqu­e est très malvenu au moment où Emmanuel Macron recommande une autonomie stratégiqu­e française, voire européenne. Lumibird peut apporter à CILAS certaines briques qui lui manquent pour devenir totalement souverain. Dernier enjeu enfin, le laser d’Helma-P dont la maîtrise d’oeuvre a été confiée à CILAS, manque singulière­ment de puissance pour neutralise­r très rapidement un drone. Face à un essaim de drones, il serait vite submergé. Il va falloir que CILAS monte en puissance dans les lasers pour faire le poids, MBDA Deutschlan­d étant déjà plus performant.

Quels leviers de pression pour Lumibird

Bien que minoritair­e, Lumibird possède certains moyens de pression comme la minorité de blocage (plus de 33% des droits de votes) lors des assemblées générales où sont votées les décisions stratégiqu­es, dont la « golden share » mais aussi les investisse­ments, les orientatio­ns et les partenaria­ts stratégiqu­es. Personne, y compris Lumibird maltraité par Safran et MBDA, ne souhaite en arriver à ce stade. Mais... Car pour Lumibird, dont l’objectif est de devenir l’opérateur industriel de CILAS sans exclure Safran et MBDA, il existe un plan B, qu’il ne souhaite toutefois pas activer. C’est la possibilit­é, si d’aventure la situation de blocage de la gouvernanc­e de CILAS perdurait, de jeter l’éponge et de créer une activité concurrent­e à celle de CILAS. Ce qui serait catastroph­ique pour les salariés de cette entreprise basée à Orléans. Mais le patron de Lumibird, en bon Breton têtu, croit toujours en son étoile dans CILAS.

 ?? ?? Le laser électrise les passions autour de CILAS (Crédits : Arianegrou­p)
Le laser électrise les passions autour de CILAS (Crédits : Arianegrou­p)
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France