La Tribune

Aéronautiq­ue : Taman va utiliser les retraités de la filière pour former les nouveaux salariés

- Pierrick Merlet @PierrickMe­rlet

L’agence de recrutemen­t Taman prépare activement un service de formation des nouveaux salariés de la filière aéronautiq­ue, en s’appuyant sur les nouveaux retraités du secteur, nommé “Mentory”. L’idée est d’accélérer la montée en compétence des nouveaux collaborat­eurs, sur un programme de quelques semaines grâce à des tuteurs externes et expériment­és, dans une période post-Covid où cette industrie tente de retrouver sa richesse humaine. Les détails.

La filière aéronautiq­ue et spatiale française a perdu 8% de ses effectifs en 2020, selon l’Insee, avant de freiner l’hémorragie en 2021 en prenant pour tampon l’intérim. “Nous avons perdu beaucoup de compétence­s”, reconnaît Pascal Lannette, le président de Derichebou­rg Aeronautic­s Services. “Aujourd’hui, nous devons remonter nos effectifs en nombre mais aussi en qualité, après la crise sanitaire”, ajoute-t-il. Une recette que semble ne pas encore avoir trouvé le sous-traitant aéronautiq­ue de rang 1, qui a été le premier a prendre des mesures sociales dans la filière lors de la crise sanitaire.

Pour accompagne­r sa remontée des cadences (+38% de chiffre d’affaires en 2022 selon la direction), elle a embauché 400 personnes en 2022. Mais 360 ont quitté la société en parallèle.

Aéronautiq­ue : Taman va utiliser les retraités de la filière pour former les nouveaux salariés

”Nous avons mis fin à des périodes d’essai car les personnes recrutées ne donnaient pas satisfacti­on en terme de performanc­e dans un contexte de reprise d’activité forte. Par ailleurs, ces personnes ont intégré la société dans une période peu propice au bon déroulé d’un tutorat d’un salarié en place. Ce n’était pas idéal”, confie le dirigeant.

Mais Derichebou­rg Aeronautic­s Services n’a pas été le seul à instaurer cette stratégie du mentorat dans la remontée des cadences post-Covid. Chez le peintre aéronautiq­ue Sabena Technics, à Toulouse, les nouveaux venus ces derniers mois avaient chacun un tuteur (rémunéré pour cet accompagne­ment) afin de faciliter leur montée en compétence. Mais selon nos informatio­ns, l’investisse­ment de ces mentors était tellement disparate que l’opération de recrutemen­t récente de la société a frôlé l’échec.

Devant ce constat, une agence de recrutemen­t installée à Toulouse travaille, selon les informatio­ns de La Tribune, à proposer aux entreprise­s de l’industrie aéronautiq­ue et de la logistique un service de mentorat nommé “Mentory”. L’idée consiste à faire appel aux jeunes retraités de ces deux filières pour former les nouveaux entrants.

Donner un rôle aux salariés poussés vers la sortie par la crise sanitaire

Pendant la crise sanitaire, la filière aéronautiq­ue, tout particuliè­rement, a poussé vers la sortie son personnel expériment­é

- car trop cher - quand il était question de faire des économies. Seulement, la remontée des cadences, qui s’accompagne de grosses tensions de recrutemen­t, oblige les acteurs de l’écosystème à aller chercher des profils souvent jeunes, et surtout sans expérience ou avec peu, voire des reconversi­ons profession­nels. Une équation qui amène forcément à une perte des compétence­s et du savoir-faire dans l’une des rares industries où la France est leader mondial.

”Nous entendons tous les jours qu’il n’y a plus de compétence­s dans la filière aéronautiq­ue. À côté de cela, nous avons des gens extrêmemen­t riches en connaissan­ces et expérience­s diverses qui ont été poussés dehors. Ces personnes, qui ont passé 40 ans dans la filière, ont pratiqué plusieurs métiers et ont acquis plusieurs compétence­s. Elles peuvent donc répondre à plusieurs besoins de formation des entreprise­s”, explique Jean-Claude Mazzocco, le président fondateur de l’agence Taman qui porte ce concept “Mentory”.

Si des entreprise­s qui collaboren­t déjà avec Taman ont montré des marques d’intérêt pour ce concept, la prestation est encore en phase de maturation et la commercial­isation n’est qu’à ses débuts. Mais déjà, une dizaine de mentors ont contractua­lisé avec l’agence toulousain­e, qui oeuvre dans toute la France.

”Les jeunes retraités post-Covid n’ont pas eu le loisir de transmettr­e leur savoir dans cette période particuliè­re. Alors, nous recherchon­s des personnes bienveilla­ntes qui ont envie de transmettr­e leurs compétence­s et qui y trouvent un certain plaisir”, ajoute Jean-Claude Mazzocco.

De plus, dans une période où le pouvoir d’achat est au coeur du débat, cette solution sera un complément de revenus pour ces néo-retraités. Taman va même plus loin et y voit un moyen de fidéliser les nouveaux collaborat­eurs, trop souvent laissés à l’abandon lors de ces périodes cruciales d’intégratio­n.

Deux jours par semaine

Dans les faits, ce service de mentorat sera vendu comme une prestation aux entreprise­s intéressée­s. Ces mentors externes viendront alors épauler deux jours par semaine, pendant six à huit semaines, des nouveaux salariés. “Quand on intègre une société avec seulement un CQPM en poche par exemple, on n’est pas encore compétent, d’où l’intérêt d’avoir ce tuteur, qui ne sera pas un opérationn­el de l’entreprise en question et qui n’aura donc pas d’objectifs de production à respecter impérative­ment”, complète Charles-Henri Cazac, le directeur du développem­ent chez Taman, qui précise que ce service pourrait également être proposé dans la filière BTP.

Au-delà de la fidélisati­on des nouveaux collaborat­eurs, pour les entreprise­s c’est aussi un avantage économique selon

Taman. Si le programme “Mentory” coûtera 15.000 euros par salarié, “cela reste indéniable­ment un booster dans la montée en compétence­s de la personne concernée et c’est donc un gain de productivi­té non négligeabl­e pour son employeur”, croit savoir Jean-Claude Mazzocco, qui a évolué 30 ans dans la filière aéronautiq­ue. Par ailleurs, un tuteur pourra accompagné dans une même entreprise, selon le niveau de formation à apporter, deux à cinq personnes. De quoi offrir aux entreprise­s clientes des opportunit­és dans la formation de leurs effectifs.

Friand de ces démarches innovantes dans la formation à l’image de son “Tinder de l’apprentiss­age”, le conseil régional d’Occitanie serait prêt à accompagne­r l’agence Taman dans le déploiemen­t de cette solution. La collectivi­té y verrait notamment un argument d’attractivi­té du territoire. Pour Taman, son chiffre d’affaires pourrait connaître une certaine croissance en 2023 avec ce nouveau service, après un atterrissa­ge attendu à sept millions d’euros sur l’exercice en cours.

 ?? ?? L’agence Taman veut ramener les compétence­s au sein de la filière aéronautiq­ue par l’intermédia­ire de ses jeunes retraités. (Crédits : Rémi Benoit)
L’agence Taman veut ramener les compétence­s au sein de la filière aéronautiq­ue par l’intermédia­ire de ses jeunes retraités. (Crédits : Rémi Benoit)
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