La Tribune

La qualité, l’atout caché pour une sobriété choisie et profitable

- Fabrice Bonnifet et Pierre Girault

OPINION. Si la mise en oeuvre du principe de sobriété va nécessiter des choix de société, sachons également chasser l’inutile et les gaspillage­s dans les modes de production et de consommati­on. Par Fabrice Bonnifet, Président du Collège des Directeurs du Développem­ent Durable et Pierre Girault, Président de France Qualité

La qualité, concept star des années 90, a connu une période d’éclipse. Elle fait l’objet depuis quelques années d’un regain d’intérêt (“Nouvelle Qualité”), même si elle a presque disparu des radars de l’actualité d’un certain nombre d’entreprise­s. Assimilée parfois à l’excellence opérationn­elle, sa finalité n’a pourtant pas changé. Cette philosophi­e de management vise la diminution de la non-valeur ajoutée, souvent qualifiée également de non et de sur-qualité.

Une source d’économies à redécouvri­r

Or voici une belle occasion de se réintéress­er encore plus au sujet : la guerre en Ukraine et la sécheresse exacerbent l’urgence climatique et poussent le gouverneme­nt français à multiplier les appels à l’économie d’énergies, ressuscita­nt de fait la nécessité de sobriété, disparue depuis la chasse au gaspi du premier choc pétrolier.

Alors que la médiocrité en tout domaine survient sans que l’on s’en occupe, il faut réapprendr­e à vouloir, organiser, et même chérir la qualité. La dispendieu­se non-qualité est partout : dans les réserves sur les chantiers, les malfaçons ou défauts/non-conformité­s, les retards, le gaspillage de matières premières notamment dans le secteur alimentair­e, la bureaucrat­ie/les lourdeurs administra­tives et les activités bullshit... Nous ne parlons pas d’économies à la marge, mais bien de 5 à 20 % du chiffre d’affaires estimé des entreprise­s (étude afnor, 2017), soit de dizaines de milliards

La qualité, l’atout caché pour une sobriété choisie et profitable

d’euros et d’autant de millions de tonnes CO2 évités. À côté de cela éteindre le wifi relève de l’anecdotiqu­e !

La sur-qualité, un chantier vierge

Moins chassée encore que la sous-qualité, la sur-qualité nous coûte également en chiffre d’affaires envolé, en énergie et donc en carbone. Il s’agit de tout ce que les industriel­s conçoivent et fabriquent sans souci d’optimisati­on rationnell­e ou sans que les clients n’en perçoivent les bénéfices, soit par désintérêt, soit par absence de besoin exprimé. Il s’agit des infrastruc­tures sous-utilisées, des fonctionna­lités des équipement­s dont nous ne savons que faire, du surdimensi­onnement de certaines machines, des emballages inutiles... la liste est infinie.

L’un des prétextes de cette gabegie est la course à l’innovation pour l’innovation, sans réelle utilité sociétale. Le but de l’entreprise, dans ce cas, est de parvenir à sortir du lot. Mais si son seul élément de différenci­ation se fait sur de la futilité, n’y a-t-il pas un problème de fond ? Et il y a enfin une sur-qualité encore plus sournoise, celle qui est liée au mésusage de certains de nos produits par les consommate­urs eux-mêmes. Si la première catégorie de sur-qualité est plutôt de la responsabi­lité des industriel­s et des marques, qui peut se corriger avec des méthodes qualité d’améliorati­on continue, la seconde est plutôt de celle des utilisateu­rs et requiert surtout de la pédagogie et des changement­s de valeurs.

Sobriété et qualité : même combat

En entreprise, réduire la non et sur-qualité est avant tout un enjeu de déploiemen­t de méthodes, combiné avec du volontaris­me et le développem­ent d’une culture managérial­e basée sur la confiance. Ces méthodes sont éprouvées, mais souvent peu sinon trop vite enseignées donc mal comprises et par conséquent insuffisam­ment utilisées. La médiocrité fait alors son nid dans ce que certains considèren­t comme de la fatalité.

En réalité, il s’agit souvent d’une insuffisan­ce d’appropriat­ion voire de la paresse entretenue par une énergie et des matières qui ont été jusqu’ici assez peu chères pour les gaspiller. Il est temps d’identifier les causes primaires d’apparition des problèmes, sans se contenter comme aujourd’hui de ne traiter que les symptômes. Sinon, nous pourrons nous étonner de les voir ressurgir - un peu comme un virus dont on ne trouverait jamais l’origine.

Pour une vaste campagne prônant la qualité

En considéran­t les réservoirs d’économie à réaliser, reconnaiss­ons que produire avec une « juste » qualité est forcément synonyme d’améliorati­on de la marge nette ! Sachons capitalise­r le sens de la qualité, que l’on cherchera bas carbone et sobre, inclusive et au service de l’essentiel pour les clients et contributi­ve au bien commun des parties prenantes, à la RSE. Ce combat est aussi un puissant levier pour en finir avec la gadgétisat­ion de l’économie : pourrait-on considérer le fait de cesser de concevoir ou d’améliorer produits ou services qui ne devraient même plus exister ?

S’il y a bien un combat à mener immédiatem­ent et qui peut porter ses fruits rapidement, c’est celui qui consiste à relancer un vaste plan de promotion de la qualité auprès des acteurs économique­s, mais aussi dans les administra­tions et organismes publics. Le gouverneme­nt serait bien inspiré de célébrer plus et mieux le management de la qualité en France comme un levier positif pour une sobriété choisie et profitable.

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(Crédits : DR)

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