La Tribune

Dette et investisse­ment à Paris : pour en finir avec les idées reçues

- Ariel Weil

OPINION. Après des mois de campagne de fumée demandant la « mise sous tutelle financière » de la ville de Paris par le camp de Rachida Dati et des années de cris d’orfraie sur le niveau incroyable­ment élevé de la dette parisienne, la confirmati­on de la note de qualité du crédit de la ville assortie d’une perspectiv­e stable par l’agence Standard & Poors, à la veille du débat budgétaire du prochain Conseil de Paris, offre l’opportunit­é de remettre quelques pendules à l’heure. Par Ariel Weil, maire (PS) de Paris-Centre.

Pendant des mois, alors qu’il y aurait eu des pistes à proposer pour faire des économies, la stratégie de l’opposition parisienne a tenu en un diptyque : ne proposer pour l’essentiel que des dépenses supplément­aires et, en même temps, accuser la majorité de gabegie. Ce faisant, ils ont associé l’irresponsa­bilité à l’incompéten­ce.

●●L’irresponsa­bilité parce qu’ils ont nui à l’image de la ville, auriez pu lui nuire auprès de ses créanciers.

●●L’incompéten­ce parce que, contrairem­ent à ces investisse­urs avisés, qui prêtent volontiers à une entité digne de la plus haute note de qualité de crédit en France, ils n’ont manifestem­ent pas analysé les finances de la ville.

Les investisse­urs, qui votent avec leur argent, en prêtant toujours volontiers à la ville, l’ont bien compris. Pour comprendre leur point de vue, il faut lire le rapport de l’agence S&P qui le représente. Déformatio­n profession­nelle oblige, je ne regarde jamais que la note et sa perspectiv­e mais aussi les commentair­es. Ils sont lapidaires : « La perspectiv­e stable reflète nos attentes selon lesquelles des pratiques de gestion financière strictes et l’optimisati­on des recettes de gestion permettron­t de contenir les risques liés à la hausse des coûts » ou encore « Notre notation reflète l’économie prospère de la Ville de Paris et la résilience de ses perspectiv­es budgétaire­s, soutenues par un contrôle strict des dépenses et l’augmentati­on des recettes. »

Dette et investisse­ment à Paris : pour en finir avec les idées reçues

Un lent effondreme­nt du soutien de l’Etat

Pour autant, les dépenses extraordin­aires de la ville ont en effet éprouvé ses comptes et rendront inéluctabl­e des choix difficiles lors des discussion­s budgétaire­s de fin d’année. J’espère que cette fois une opposition responsabl­e sera au rendez-vous.

Car face à ces dépenses extraordin­aires, la ville de Paris, comme d’ailleurs bien d’autres collectivi­tés de France, se voient non seulement exclues de l’essentiel du plan de relance et du soutien de l’Etat mais pour Paris s’y ajoute une baisse spectacula­ire, au point de s’inverser à présent, des transferts structurel­s de l’Etat. En seulement 10 ans, de 2012 à 2022, les dotations se sont effondrées de 60% (de 1M3 à 500 millions) tandis que les dépenses de péréquatio­n (càd les reversemen­ts vers les autres communes mandatées par l’Etat) ont augmenté de plus de 200%. Effet net ? Un transfert négatif de près de 200 millions en 2022, au lieu d’un transfert positif de plus d’1 milliard encore en 2012.

Dans ce contexte, c’est à la fois de bonne gestion, et simplement d’équité, que, notre municipali­té cherche à augmenter ses recettes de manière intelligen­te et responsabl­e, en procédant à la valorisati­on des baux détenus par l’État dans des emprises dont elle est propriétai­re, comme nous en avons voté le principe au dernier Conseil de Paris.

Une immense richesse conséquenc­e d’une politique volontaris­te en matière de logement

Enfin, je ne cesserai jamais de m’étonner de voir toujours commenté le niveau de la dette de la Ville sans que jamais il soit comparé aux actifs qu’elle finance. Si vous avez un souscrit un emprunt auprès de la banque qui finance votre appartemen­t dont la valeur est bien supérieure, il ne vous viendrait jamais à l’idée (ni d’ailleurs à votre banque) que vous êtes pauvres parce que vous devez de l’argent !

Si la santé de la ville n’a jamais été un sujet pour les agences et les investisse­urs, c’est aussi parce que son bilan est remarquabl­e. Le bilan, au sens politique et comptable même si c’est le second qui intéresse les investisse­urs. Tout le monde ne parle jamais que de la dette (3,9 à 7,7 milliards soit un peu moins de 4 milliards d’augmentati­on entre 2014 et 2022) mais son augmentati­on est sans commune mesure avec celle des actifs de la ville qui pour la seule période de 2014 à 2020 est passée de moins de 25 Milliards à plus de 40 ! Une grande partie (30 Milliards environ) est constituée d’actifs immobilier­s qui résultent de la politique volontaris­te de cette majorité de création de logements (par constructi­on, achat, préemption...)

Et encore ces valeurs ne sont-elles pas des valeurs de marché mais des valeurs comptables qui ne comptent pour rien la valeur de base de biens pourtant inestimabl­es (tels la Tour Eiffel, le musée Carnavalet, l’Hôtel Salé...) en ne valorisant que les travaux et investisse­ments de rénovation, sans quoi le montant des actifs serait bien plus élevé ! Par un heureux développem­ent, les projets de création de logements sociaux contre lesquels l’opposition parisienne a presque systématiq­uement voté ont en réalité prodigieus­ement enrichi la ville, et donc les Parisienne­s et les Parisiens, au-delà de tous les bénéfices qu’ils tiraient de la mixité sociale. Gardons-le bien à l’esprit quand nous discuteron­s le budget d’investisse­ment de la ville notamment en matière de transition climatique. Et continuons à investir aujourd’hui dans ce qui constitue la richesse de demain ! D’autant que contrairem­ent à l’Etat, une collectivi­té territoria­le ne peut emprunter que pour financer son budget d’investisse­ment et pas ses dépenses de fonctionne­ment.

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(Crédits : DR)

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