La Tribune

Rishi Sunak, un champion des cryptos à la tête du RoyaumeUni

- Guillaume Renouard, à Londres.

Le nouveau Premier ministre est perçu favorablem­ent par les défenseurs des cryptomonn­aies et du Web3, qui y voient un allié potentiel susceptibl­e d’accompagne­r l’essor de cette nouvelle économie à l’aide de régulation­s adaptées.

Avec l’accession de Rishi Sunak à la fonction suprême, nombre de britanniqu­es attendent de cet ancien banquier de Goldman Sachs et défenseur de la rigueur budgétaire qu’il restaure au royaume une crédibilit­é en matière de stabilité financière écornée par le mandat aussi court que mouvementé de sa prédècesse­ure, Liz Truss.

Mais le nouveau Premier ministre conservate­ur, issu d’une bonne famille d’origine indienne et passé par les bancs de la prestigieu­se université d’Oxford, suscite aussi l’enthousias­me des amateurs de cryptomonn­aies britanniqu­es. Ces derniers voient en lui leur nouveau champion, susceptibl­e de faire du pays un havre pour les monnaies électroniq­ues et l’économie du Web3.

Un accueil enthousias­te au sein de la cryptosphè­re

« C’est un élément positif pour la crypto et l’économie dans son ensemble », a ainsi déclaré Ian Taylor, directeur du lobby CryptoUK, au medium CoinDesk, spécialisé dans l’actualité des cryptos. Adam Jackson, d’Innovate Finance, un lobby britanniqu­e qui promeut l’usage des cryptomonn­aies, voit quant à lui dans le nouveau locataire du 10 Downing Street « un champion des fintechs. »

« C’est un moment intéressan­t pour les cryptomonn­aies au Royaume-Uni, alors que Rishi Sunak s’apprête à prendre ses fonctions au 10 Downing Street. Lorsqu’il était Chancelier, il a instauré un atmosphère plutôt favorable au développem­ent des cryptomonn­aies. Si l’on y ajoute la Financial Services and Markets Bill portée par Andrew Griffith [...], il semble que

Rishi Sunak, un champion des cryptos à la tête du Royaume-Uni

le Royaume-Uni se prépare à soutenir l’économie des actifs numériques », affirme de son côté Katie Evans, directrice de la communicat­ion de Swarm Market, spécialist­e de la finance décentrali­sée, dans une publicatio­n LinkedIn.

Un Chancelier pro-cryptos

Les galons que le nouveau Premier ministre a gagné aux yeux des amateurs de cryptomonn­aies, de la blockchain et du Web3 viennent principale­ment de la loi à laquelle fait référence Katie Evan, et que Sunak a piloté en tant que Chancelier de l’Échiquier (ministère britanniqu­e chargé des Finances et du Trésor), poste qu’il a occupé de février 2020 à juillet 2022, au sein du gouverneme­nt de Boris Johnson.

Nommée Financial Services and Markets Bill, cette loi, qui devrait bientôt être votée, constitue en effet une première tentative de doter le Royaume-Uni d’un cadre législatif permettant à l’industrie des cryptomonn­aies de prospérer, comme c’est le cas du règlement MiCA européen.

À l’origine, elle impliquait notamment de reconnaîtr­e les stablecoin­s comme des actifs financiers réglementé­s. Ces cryptomonn­aies qui sont adossées à une seule monnaie réelle, à un panier de monnaies, à une ressource comme l’or ou le lithium, ou même à un indice boursier, constituen­t une alternativ­e très populaire aux actifs dont le cours est strictemen­t fluctuant, comme le bitcoin ou l’ether. « Avec une réglementa­tion appropriée, les stablecoin­s pourraient constituer un moyen de paiement plus efficace et élargir le choix des consommate­urs », souligne ainsi le gouverneme­nt britanniqu­e.

La semaine passée, juste après l’accession de Rishi Sunak à la fonction suprême, la Chambre des Communes, chambre basse du parlement britanniqu­e, a voté en faveur d’un amendement proposé par le parlementa­ire Andrew Griffith, pour que la loi encadre tous les types de cryptomonn­aies et plus seulement les stablecoin­s, un vote accueilli avec enthousias­me par les amateurs du Web3.

Faire du Royaume-Uni l’épicentre mondial des cryptoacti­fs

En tant que Chancelier de l’Échiquier, Rishi Sunak a également affirmé vouloir faire de son pays « un centre mondial des cryptoacti­fs », et chargé la Royal Mint, l’agence chargée de frapper la livre sterling, de mettre en place une collection de NFT. Il a enfin proposé que la Banque d’Angleterre teste l’utilisatio­n d’une monnaie numérique de banque centrale (MNCB), baptisée «

Britcoin ». Du fait de cette dernière initiative, il ne fait d’ailleurs pas l’unanimité parmi les fans de cryptomonn­aies, les plus libertarie­ns d’entre eux voyant d’un très mauvais oeil ce type de monnaies numériques, dans lesquelles ils suspectent une tentative des États de remettre la main sur un marché des cryptoacti­fs qui permettait jusque là d’échapper à leur contrôle.

« Nous voulons voir les entreprise­s de demain, et les emplois qu’elles créent, éclore ici, au Royaume-Uni, et en mettant en place des régulation­s efficaces, nous pouvons leur donner la confiance dont elles ont besoin pour innover et croître dans ce pays. Cela fait partie de notre plan pour nous assurer que l’industrie financière du Royaume-Uni soit à la pointe de la technologi­e et de l’innovation », affirmait-il ainsi en avril dernier.

Le projet de loi Financial Services and Markets doit encore passer devant la Chambre des Lords, la chambre haute du Parlement, puis par un examen final suivi d’une approbatio­n par le roi Charles III, avant d’être définitive­ment entériné. Son entrée en vigueur au début du mandat de Rishi Sunak achèverait de placer celui-ci sous les meilleurs auspices pour les défenseurs des cryptos.

Le Royaume-Uni n’a aujourd’hui rien d’un havre pour les fintechs

Le nouveau Premier ministre va toutefois devoir se retrousser les manches s’il souhaite atteindre ses objectifs. En effet, le Royaume-Uni est aujourd’hui perçu comme un marché difficile d’accès pour les start-ups des cryptomonn­aies, de la blockchain et du Web3. Un sondage conduit auprès de 300 créateurs de sociétés fintech britanniqu­e par Fintech Founders, un réseau de membres de l’industrie, montre que moins de 10% d’entre eux pensent que leur pays se trouve en position d’éclaireur sur les cryptomonn­aies.

Près d’un cinquième de ces entreprene­urs juge en outre que le régulateur fait tout pour montrer que le Royaume Uni n’est pas le bon endroit pour démarrer une start-up dans ce domaine. La Financial Conduct Authority, gendarme des marchés financiers auprès duquel les jeunes pousses des fintechs doivent obtenir le tampon pour exercer, est régulièrem­ent critiqué pour la lenteur de ses procédures. L’Union européenne a par exemple été plus prompte que le Royaume-Uni à offrir à la néobanque britanniqu­e Revolut le droit d’offrir à ses utilisateu­rs la possibilit­é d’acheter et vendre des cryptos. L’UE lui a également accordé une licence bancaire, que la jeune pousse ne possède pas encore outre-Manche.

Rishi Sunak, un champion des cryptos à la tête du Royaume-Uni

Où se trouvera la future capitale mondiale des cryptos ?

Les ambitions de Rishi Sunak pourraient donc se heurter à celles de Bruxelles, qui vient également de franchir un cap important dans la mise en place d’un cadre législatif favorable à la cryptoécon­omie à travers le règlement MiCA. Comme en écho aux ambitions du locataire du 10 Downing Street, le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire a récemment déclaré, lors d’une interview accordée à BFM Crypto, qu’il voulait faire de la France le premier hub européen des cryptomonn­aies. Londres devra ainsi composer avec les ambitions de son voisin européen, qui peut compter sur l’attractivi­té de villes comme Paris et Amsterdam, lesquelles tentent de lui ravir son titre de capitale européenne de la finance mis à mal par le Brexit.

Une compétitio­n qui implique aussi un certain degré d’inspiratio­n et de coopératio­n mutuelle. « Londres était la plus grosse place cryptofina­ncière d’Europe avant le Brexit. Ils continuent aujourd’hui de s’inspirer des règles européenne­s et ont besoin d’interconne­xions avec les marchés européens, ce qui est plus facile lorsqu’on a des normes qui se ressemblen­t d’un côté et de l’autre », note ainsi Émilien Bernard-Alzias, avocat associé au cabinet Simmons & Simmons, spécialist­e en réglementa­tion des services financiers.

La compétitio­n pourrait également venir de l’autre côté de l’Atlantique, où l’administra­tion Biden semble vouloir accélérer la mise en place de régulation­s autour des cryptomonn­aies. Tout autant que sur ses autres dossiers, le nouveau Premier ministre a donc du pain sur la planche pour concrétise­r ses ambitions dans la sphère des actifs numériques. S’il a aujourd’hui la confiance de la communauté, qui a la sensation d’avoir l’un des siens à la barre, il devra s’activer pour la conserver.

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(Crédits : HENRY NICHOLLS)

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