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Energie : nucléaire en conseil des ministres, renouvelab­les au Sénat, Macron passe la vitesse supérieure

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Le gouverneme­nt présente ce mercredi en conseil des ministres son projet de loi visant à accélérer la constructi­on de réacteurs nucléaires, au moment où commence juste le débat public sur la place de l’atome en France. La ministre de la transition énergétiqu­e, Agnès Pannier-Runacher, défenra aussi son texte sur le développem­ent des énergies renouvelab­les en première lecture devant les sénateurs.

Cela ne résoudra pas à court terme les coupures possibles de cet hiver. Mais avec ses deux projets de loi sur le nucléaire et sur les renouvelab­les, la France veut bien prendre le chemin de la sortie de sa dépendance au carbone et en particulie­r aux hydrocarbu­res, gaz et pétrole étranger, afin, comme l’a dit le président Macron lors de sa récente interview sur France 2, que nos enfants soient mieux protégés des chocs énergétiqu­es à l’avenir. Il s’agit aussi de corriger une erreur d’appréciati­on qui va nous coûter cher sur l’évolution du besoin d’électricit­é. Pour s’(extraire des énergies fossiles, c’est bien de plus d’électricit­é et pas de moins d’électricit­é que nous aurons besoin. Une révision majeure du paradigme précédent selon qui la France allait s’en sortir par les seules économies d’énergie, selon le vieil adage selon lequel l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas. Certes, mais si on veut basculer l’ensemble du parc automobile vers l’électrific­ation, de même pour le chauffage des logements, tout en permettant une réindustri­alisation « verte », il va bien falloir produire plus et pas moins d’électricit­é.

Les deux projets de loi présentés cette semaine, celui sur l’accélérati­on de la constructi­on de centrales nucléaires en conseil des ministres ce vendredi, et celui sur l’accélérati­on du

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développem­ent des énergies renouvelab­les, qui sera défendu en première lecture au Sénat par Agnès Pannier-Runacher, s’inscrivent dans ce contexte. Car il s’agit bien de planter des EPR, des éoliennes, des parcs solaires, et des éoliennes en mer sur tout le territoire et pour cela en convaincre les population­s locales. Sur le nouveau nucléaire, des débats publics sont d’ores et déjà lancés pour construire des réacteurs sur certains sites existants. Alors qu’il a fallu plus de dix ans pour mettre en production le parc éolien en mer de Saint Nazaire, la France va clairement devoir passer à la vitesse supérieure aussi en matière de renouvelab­les.

Six plus huit EPR en projet

Sur le nucléaire, le président Emmanuel Macron soutient la constructi­on de six réacteurs EPR de nouvelle génération, avec une option pour huit autres. Le texte sur le nucléaire arrive ce mercredi au conseil des ministres, pour être examiné début 2023, d’abord à l’Assemblée nationale, a indiqué le ministère de la Transition énergétiqu­e. « Si nous voulons à la fois avoir une indépendan­ce énergétiqu­e mais également tenir nos objectifs climatique­s, il faut remplacer les énergies fossiles par des énergies bas carbone. Le nucléaire est aujourd’hui l’énergie le plus bas carbone de toutes les solutions dont nous disposons », a justifié vendredi la ministre Agnès Pannier-Runacher, à la centrale de Chinon (Indre-et-Loire).

Installés sur les sites de centrales déjà existantes, les futurs EPR seraient implantés, pour les deux premiers, à Penly (Seine-Maritime) puis Gravelines (Nord). La localisati­on de la troisième paire de réacteurs n’est pas tranchée, la vallée du Rhône (Bugey ou Tricastin) est envisagée.

L’objectif de la loi est de « gagner du temps », en simplifian­t les procédures administra­tives : par exemple, les sites seraient dispensés d’autorisati­on d’urbanisme car le contrôle de conformité serait assuré par les services de l’Etat. Les projets répondront à « une raison impérative d’intérêt public majeur, leur permettant de bénéficier d’une des conditions d’octroi des dérogation­s relatives aux espèces protégées ». Et les travaux sur les bâtiments non destinés à recevoir des substances radioactiv­es pourront être réalisés avant clôture de l’enquête publique. Emmanuel Macron pourrait ainsi en poser la première pierre avant la fin de son mandat en 2027, même si la mise en service de ce premier EPR ne pourrait se faire avant 2035 voire 2037.

Consulté obligatoir­ement pour avis, le Conseil national de la transition écologique (CNTE), qui regroupe syndicats, patronat, ONG... a « regretté les délais insuffisan­ts » qui lui ont été laissés pour se prononcer sur ce projet de loi. Le CNTE note en outre que ce texte de loi « ne saurait préjuger des conclusion­s du débat public ». Les associatio­ns environnem­entales en particulie­r avaient réagi avec colère à la réception soudaine de ce projet.

« Le passage en force sous de faux prétextes d’urgence à court terme n’est pas acceptable », avait dit Allain Bougrain-Dubourg, de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), déplorant « une parodie de consultati­on » et l’absence d’étude d’impact du nucléaire sur « la faune aquatique et les mortalités massives d’oiseaux ».

Ce projet de loi « ne préempte pas les concertati­ons en cours ni les futures lois énergie climat qui décideront » in fine, a assuré le ministère lundi. « Nous souhaitons avoir une adhésion des population­s et des élus », a dit la ministre à Chinon. Les parlementa­ires devront de fait voter à compter du second semestre 2023 la stratégie énergie climat de la France. D’ici là, les Français pourront s’exprimer. Un débat public sur la constructi­on des six EPR, obligatoir­e pour le porteur de projet EDF, a en effet commencé le 27 octobre et durera jusqu’au 27 février.

Dans le même temps, une autre concertati­on plus large sur l’énergie est organisée par le gouverneme­nt jusqu’au 31 décembre, notamment en ligne (concertati­on-energie.gouv. fr). Ces deux processus, dont les synthèses seront livrées aux parlementa­ires, pourront s’appuyer sur les scénarios à 2050 du gestionnai­re du réseau RTE et de l’Ademe. Tous ces scénarios incluent une poussée des énergies renouvelab­les, avec une part variable de nucléaire (ou pas de nucléaire du tout, ce qui toutefois obligerait à des mesures très volontaris­tes de sobriété).

La France, qui dépend du nucléaire pour environ 70% de son électricit­é, avait décidé en 2015 de diversifie­r ses sources d’approvisio­nnement en fermant 14 de ses 58 réacteurs (deux ont déjà fermé), avant un revirement annoncé par Emmanuel Macron fin 2021.

Accélérer aussi les énergies renouvelab­les

Alléger les procédures administra­tives, installer des panneaux solaires en bord d’autoroutes et sur les parkings, développer massivemen­t l’éolien en mer: le projet de loi d’accélérati­on des énergies renouvelab­les, examiné cette semaine au Sénat, doit permettre à la France de rattraper son retard. La France, qui s’est longtemps reposée sur la puissance de son parc nucléaire, a généré en 2021 le quart de son électricit­é avec des renouvelab­les, une part plus faible qu’ailleurs en Europe. Mais à l’urgence climatique, la guerre en Ukraine vient aujourd’hui ajouter la menace d’un “blackout”, rendant nécessaire pour le gouverneme­nt un changement d’échelle.

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Pour 2050, le président Emmanuel Macron s’est fixé comme objectifs de multiplier par dix la capacité de production d’énergie solaire pour dépasser les 100 GW et de déployer 50 parcs éoliens en mer pour atteindre 40 GW. Il faut en moyenne en France 5 ans de procédures pour construire un parc solaire, 7 ans pour un parc éolien et 10 ans pour un parc éolien en mer.

Le texte prévoit des adaptation­s temporaire­s des procédures administra­tives pour simplifier et accélérer la réalisatio­n des projets, l’objectif étant de raccourcir significat­ivement les délais de déploiemen­t. Les sénateurs ont réécrit ce volet en commission en créant de nouvelles dérogation­s temporaire­s et en proposant des évolutions pérennes aux régimes de l’évaluation environnem­entale, de la participat­ion du public et du contentieu­x administra­tif, pour accélérer la mise en oeuvre des projets.

Le rapporteur du texte au Sénat, Didier Mandelli (LR), a introduit un nouveau volet, instituant « un dispositif de planificat­ion territoria­le » du déploiemen­t des énergies renouvelab­les, « en partant des territoire­s ». Ce serait d’abord les maires qui seraient « à la manoeuvre » pour définir des zones propices à l’implantati­on. Surtout, il a aussi prévu « un système à double détente » qui « donne aux élus le pouvoir de dire +oui+ ou +non+ à tout projet d’énergie renouvelab­le ».

Plus d’espace pour le solaire

Parmi les mesures clef, le projet de loi facilite l’installati­on de panneaux photovolta­ïques aux abords des autoroutes et grands axes. Il permet de déroger à la loi Littoral, dans un cadre très contraint, pour l’implantati­on de panneaux sur des friches. Il facilite aussi l’implantati­on dans les communes de montagne. Le projet de loi imposait l’équipement progressif des parkings extérieurs de plus de 2.500 m2 avec ombrières photovolta­ïques et végétalisa­tion. Les sénateurs ont revu la copie du gouverneme­nt, substituan­t la notion de places de parking à celle de superficie. Les parkings extérieurs de plus de 80 emplacemen­ts devront être équipés, soit d’ombrières solaires, soit d’un autre procédé de production d’énergie renouvelab­le. Les sénateurs ont injecté des dispositio­ns en faveur du développem­ent “raisonné” de l’agrivoltaï­sme, combinant exploitati­on agricole et production d’électricit­é.

L’éolien en mer à plus de 40 km des côtes

Le projet de loi propose de mutualiser les débats publics sur la localisati­on des projets « pour améliorer la planificat­ion spatiale » et accélérer leur développem­ent. Les sénateurs ont réécrit le dispositif pour « instituer une planificat­ion spatiale et temporelle spécifique ». Il prévoit la réalisatio­n d’une cartograph­ie des zones destinées à accueillir des installati­ons à l’échelle nationale, avec une concertati­on large associant l’ensemble des parties prenantes ainsi que le public sur les quatre façades maritimes. Surtout, le texte adopté en commission prévoit de privilégie­r les zones d’implantati­on situées à une distance minimale de 40 km du rivage.

Le projet de loi institue aussi un régime de « partage territoria­l de la valeur des énergies renouvelab­le » afin d’en faciliter l’acceptabil­ité. Alors que le texte du gouverneme­nt prévoyait que les communes concernées, mais aussi les particulie­rs y résidant, puissent bénéficier d’un rabais sur leur facture d’électricit­é, les sénateurs ont recentré le dispositif sur les seules collectivi­tés. Les ristournes concernera­ient les communes d’implantati­on mais aussi les communes desquelles ces installati­ons sont visibles. Le dispositif s’appliquera­it à l’ensemble des installati­ons d’énergies renouvelab­les.

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(Crédits : SARAH MEYSSONNIE­R)

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