Énergies renouvelables : l’exécutif à la recherche de l’impossible consensus
Faute de majorité à l’Assemblée nationale, le gouvernement cherche des appuis politiques dans l’opposition à son projet de loi sur l’accélération des énergies renouvelables, examiné dès ce soir au Sénat. Mais la droite sénatoriale, réunie la semaine dernière en commission, a d’ores et déjà largement amoindri la portée du texte, malgré la main tendue d’Emmanuel Macron à LR. Si bien qu’un possible soutien des députés de gauche s’éloigne lui aussi.
Privé de majorité absolue, le gouvernement avait tout prévu pour dérouler sans accroc sa feuille de route énergétique. Le maître-mot : échelonner les combats, en embarquant une partie de l’opposition sur chacun de ses deux grands chantiers, l’un après l’autre. Au recto, l’exécutif devait ainsi faire passer un projet de loi sur l’accélération des énergies renouvelables, grâce à l’appui des parlementaires de gauche, généralement favorables au déploiement rapide des éoliennes et autres panneaux solaires plutôt qu’à une relance de l’atome. Au verso, un texte équivalent sur les réacteurs nucléaires, censé booster leur construction sur leur territoire, devait quant à lui obtenir l’aval de la droite et se frayer un chemin jusqu’à l’accord entre les deux assemblées. De quoi permettre d’assouplir « en même temps » le cadre administratif pour ces deux sources d’énergie bas carbone, sans devoir recourir au 49.3, lequel semble pour l’heure écarté.
Seulement voilà : le premier texte sur l’accélération des renouvelables, dont l’examen commence ce mercredi soir au Sénat, a déjà été dynamité par la droite. En effet, une partie des sénateurs rassemblés la semaine dernière en commission, en amont de la séance publique, ont largement diminué la portée du texte. Certains changements substantiels promettent même d’entraver l’obtention d’une majorité qui se construirait sur la gauche, si les nouvelles dispositions n’étaient pas supprimées avant leur passage par l’Assemblée nationale. Pour le gouvernement, la tâche paraît d’autant plus ardue que le président Emmanuel Macron a tendu la main, fin octobre, aux parlementaires LR, en
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leur proposant sur France 2 une « alliance » - laquelle reste donc, pour l’heure, introuvable sur ce dossier.
Droit de veto aux maires
A première vue, le sujet semble pourtant assez consensuel, puisqu’il s’agit de permettre à la France de décarboner son mix électrique, en ligne avec les scénarios du gestionnaire national du réseau d’électricité RTE. Et ce, en assouplissant les procédures administratives pour l’éolien offshore et le solaire photovoltaïque notamment, dont les parcs mettent respectivement dix ans et cinq ans avant de voir le jour. « Je veux qu’on aille deux fois plus vite pour développer un projet d’énergie renouvelable », avait ainsi souligné Emmanuel Macron le 22 septembre dernier, lors de l’inauguration du parc éolien en mer de Saint-Nazaire, le premier à fournir du courant dans l’Hexagone.
Mais « ce qui diffère, c’est le chemin souhaité pour arriver à ces objectifs », assène à La Tribune le sénateur de la Vendée Didier Mandelli (LR). Bien décidé à « donner aux élus locaux des moyens de s’impliquer dans le déploiement de ces énergies renouvelables », c’est lui qui a déposé l’amendement qui fait le plus grincer des dents la majorité : le « dispositif de planification territoriale ». Concrètement, ce serait d’abord les maires qui seraient « à la manoeuvre » pour définir des zones propices à l’implantation, y compris ceux qui se trouvent proches de ces zones. Surtout, le texte prévoit un « système à double détente », donnant « aux élus le pouvoir de dire oui ou non à tout projet » - autrement dit, un droit de veto.
« Cela permettra de gagner énormément de temps, en comparaison à des projets qui arrivent par les opérateurs. [...] Il faut faire confiance aux élus locaux pour éviter un développement anarchique », argumente Didier Mandelli.
« En pratique, c’est une bonne manière de ne pas atteindre nos objectifs », riposte-t-on au ministère de la Transition énergétique. « Il faut faire des élus des partenaires plutôt que d’en faire des opposants potentiels », glisse une source au cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. Et, surtout, sur le plan politique, faire sauter cet amendement afin d’obtenir l’aval de la gauche, laquelle trouvait déjà le texte peu ambitieux.
Des éoliennes offshore à plus de 40 km des côtes
Dans la même veine, le gouvernement espère d’ailleurs revenir sur un deuxième amendement voté par les LR en commission : l’interdiction d’implanter des éoliennes à moins de 40 kilomètres des côtes. Et pour cause, une telle disposition exclurait de fait les projets au large de la Manche.
« Cela signifie qu’au niveau de la Manche, on les repousse là où tout le trafic passe pour aller vers la mer du Nord. [...] Notre logique c’est de mettre l’éolien en mer là où c’est le plus pertinent, sans s’imposer ce type de contrainte ! », oppose-t-on au ministère de la Transition énergétique.
Selon l’exécutif, les lieux d’implantation doivent plutôt être « discutés lors de débats publics », lesquels seraient d’ailleurs assouplis par son projet de loi. En effet, le texte prévoit de raccourcir le temps consacré à la concertation avec le public : plutôt que d’accumuler les heures de réunions projet par projet, les échanges se tiendraient en premier lieu à l’échelle de la façade (Méditerranée, Atlantique, Manche).
Calendrier politique
Une chose est sûre : les discussions à l’Assemblée nationale, où le gouvernement compte toujours sur l’appui de la gauche, dépendront beaucoup de la présence ou non de ces deux amendements dans le texte voté par le Sénat, à majorité de droite. De fait, il lui sera probablement plus difficile d’obtenir un soutien de la droite à la chambre haute, même sur un projet de loi moins-disant quant à l’accélération des renouvelables que celui initialement proposé par l’exécutif. Et pour cause, parmi les députés, tous ceux du RN et une partie des LR restent très hostiles à l’adoption d’un texte favorisant l’éolien ou le solaire, y compris s’il était amoindri.
Pour ne rien arranger, le calendrier politique promet de s’immiscer dans les discussions, et de parasiter les votes : entre le congrès des maires prévu fin novembre et celui des LR, qui aura lieu début décembre, la droite ne lâchera probablement pas de lest, malgré la main tendue d’Emmanuel Macron. Au risque de faire exploser le texte en vol, faute de compromis ?