La Tribune

Dépassons le mirage de l’ESG pour financer l’impact

- Nicolas Celier et Geoffroy Bragadir, co-fondateurs Ring Capital

La maison brûle et on investit ailleurs. Pour relever les enjeux de l’urgence environnem­entale et sociétale, les investisse­urs doivent financer massivemen­t l’impact.

L’ESG est un nouvel eldorado pour la finance, avec 35 000 milliards de dollars sous gestion et une estimation de 50 000 milliards en 2050*. Pourtant ces milliards investis n’ont en réalité que marginalem­ent contribué à la résolution de nos grands défis sociétaux : baisse des émissions CO2, lutte contre l’exclusion, optimisati­on de l’utilisatio­n des ressources, transition radicale des secteurs consommate­urs de ressources, préservati­on du capital naturel.

En finançant massivemen­t l’ESG, les investisse­urs ne sont pas à la hauteur de l’urgence de la transition écologique et sociétale.

D’abord, reconnaiss­ons que l’ESG a atteint ses limites et ne résoudra pas nos grands défis. Ses critères qui analysent et orientent les pratiques des sociétés sur les enjeux environnem­entaux, sociaux et de gouvernanc­e, ne mesurent pas l’efficacité d’une solution ni l’impact réel d’un modèle économique, et permettent ainsi de se déclarer “durable” à peu de frais. Et ce avec 2 risques majeurs :

●●D’une part, celui qu’un reporting ESG flatteur ne cache une réalité très différente, comme en témoigne tristement le cas Orpéa, qui sous couvert d’excellente notes et de label ISR, opérait dans le mépris de la dignité humaine.

●●D’autre part, sur le long terme, celui d’une mauvaise orientatio­n des investisse­ments. L’ESG devenant le nouveau fairevaloi­r des investisse­urs, ceux-ci orientent leurs capitaux vers les entreprise­s mettant en avant leurs bonnes pratiques ESG, aux dépens de celles qui définissen­t des objectifs d’impacts réels et mesurables, c’est à dire celles qui permettron­t effectivem­ent la transition vers un monde durable et viable.

De toute urgence, et massivemen­t, les investisse­urs doivent financer des entreprise­s dont le coeur d’activité contribue réellement à la transition sociétale et environnem­entale, selon quatre conditions sine qua non.

Dépassons le mirage de l’ESG pour financer l’impact

D’abord, l’exigence dans le choix des investisse­ments : former l’équipe d’investisse­ment aux enjeux, intégrer « en dur » la dimension d’impact dans la méthodolog­ie et les processus de décision, renforcer les critères d’exclusion, évaluer l’intentionn­alité réelle des dirigeants.

Ensuite, en parallèle des objectifs financiers, définir des objectifs d’impact - avec des indicateur­s précis et quantifiés. Sous forme de business plan impact, ces indicateur­s apportent la preuve de la contributi­on positive du modèle, et permettent de passer d’une obligation de moyens (limitation d’externalit­és négatives) à une obligation de résultats (contributi­on positive pour la société et/ou l’environnem­ent).

Troisième condition : aligner la rémunérati­on des investisse­urs sur l’impact. De nouvelles mécaniques sont mises en place dans les fonds, notamment l’alignement de la rémunérati­on variable des équipes (carried interest ou primes de sur-performanc­e) avec les objectifs d’impact, garantissa­nt un vrai équilibre dans la recherche de performanc­e financière et d’impact.

Enfin, apporter plus que de l’argent. Comme dans la recherche de performanc­e, les investisse­urs doivent être à la fois moteurs et garants de l’impact des entreprise­s qu’ils financent. Ils sont les alliés des entreprene­urs pour créer une valeur durable et partagée pour l’ensemble des parties prenantes.

Nous, les investisse­urs, sommes en première ligne pour impulser la transition. Ne nous réfugions pas confortabl­ement derrière de belles notations ESG et l’assurance de « bonnes pratiques ». Être réaliste et pragmatiqu­e aujourd’hui, pour nous investisse­urs, c’est être radicaleme­nt exigeant dans la recherche de l’impact comme dans la recherche de performanc­e. N’ayons pas peur de l’être et ainsi d’agir vraiment.

*Bloomberg

Nicolas Celier et Geoffroy Bragadir, co-fondateurs Ring Capital

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(Crédits : BRENDAN MCDERMID)

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