La Tribune

Gestion d’actifs : le PDG de BlackRock, Larry Fink, annonce une « nouvelle ère » de la démocratie actionnari­ale

- Eric Benhamou

Le PDG de BlackRock, le premier gestionnai­re d’actifs au monde, souvent critiqué par ses positions sur la finance responsabl­e, estime que la technologi­e va permettre d’accroître le pouvoir des actionnair­es, y compris et surtout pour les investisse­urs qui placent leurs fonds dans la gestion indicielle. Et, pour la première fois, BlackRock va étendre son programme « choix de vote », jusqu’ici réservé aux investisse­urs institutio­nnels, aux clients particulie­rs via un système de vote par procuratio­n, qui sera testé l’an prochain au Royaume-Uni.

Le patron de BlackRock, premier gestionnai­re de fonds au monde, annonce une « nouvelle ère » de démocratie actionnari­ale. Dans sa traditionn­elle lettre, adressée chaque année aux clients de BlackRock, Larry Fink estime en effet que les investisse­urs, grands ou petits, clients des gestionnai­res d’actifs, ont désormais tous les outils en main pour assumer leur rôle d’actionnair­e et peser, par leur vote, sur la gouvernanc­e des entreprise­s.

« J’espère qu’à l’avenir chaque investisse­ur, y compris les actionnair­es individuel­s, aura la possibilit­é de voter s’il le souhaite », écrit Lary Fink. « Une révolution », selon lui, qui ne peut que renforcer les « fondements même du capitalism­e ».

BlackRock, comme ses principaux concurrent­s State Street, Charles Schwab et Vanguard, sont les champions de la gestion indicielle, et à ce titre, les premiers actionnair­es de quasiment toutes les grandes entreprise­s cotées. Ce qui leur confère un pouvoir considérab­le sur la gouvernanc­e... un pouvoir jusqu’ici peu utilisé, notamment dans le domaine du respect des critères

Gestion d’actifs : le PDG de BlackRock, Larry Fink, annonce une « nouvelle ère » de la démocratie actionnari­ale

ESG (environnem­ent, social et gouvernanc­e). C’est l’un des reproches adressés à la gestion indicielle, celui d’être des actionnair­es au mieux « passifs », au pire complaisan­ts avec les directions des sociétés.

Pression sur les gestionnai­res d’actifs

Après avoir vanté il y a deux ans le tournant ESG pris par BlackRock, Larry Fink avait d’ailleurs l’an dernier rappelé, en substance, que le premier devoir d’une entreprise était de faire des profits.

Toutefois, les gestionnai­res d’actifs, comme BlackRock, sont désormais soumis aux Etats-Unis à une double pression, entre des élus républicai­ns qui contestent les politiques ESG et la société civile ou certains investisse­urs qui jugent les efforts de la finance insuffisan­ts pour lutter contre le dérèglemen­t climatique. C’est clairement le cas de BlackRock, à la fois cible de critiques sur son manque de conviction en matière environnem­ental et taxé « d’ennemi de l’économie américaine­s » par des élus trumpistes du Texas ou de Louisiane, qui retirent leurs fonds, notamment des fonds de pension. Cette « liste noire » concernent également les banques et toutes entreprise­s accusées de « progressis­me ».

Reste que BlackRock ne pouvait passer à côté de la montée en puissance du vote en assemblée générale des actionnair­es, devenu ces dernières années, l’un des credo de la gestion active, notamment sur la question climatique.

C’est pourquoi le gestionnai­re d’actifs a mis en place l’an dernier le programme « choix de vote » qui permet aux investisse­urs institutio­nnels de se positionne­r en assemblée générale, y compris au travers de fonds indiciels. Dans le cadre de ce programme, les investisse­urs disposent de plusieurs options, comme le vote par procuratio­n conforméme­nt à la politique de l’entreprise, sélectionn­er un tiers de confiance ou voter en direct.

Vote par procuratio­n pour les particulie­rs

BlackRock précise que quelque 1.800 milliards de dollars d’actifs dans des fonds indiciels actions sont désormais éligibles à ce programme et que 25 % de ces encours sont déjà inscrits dans ce programme à la fin septembre. « Grâce à la technologi­e, les actionnair­es peuvent influencer de manière significat­ive l’avenir d’une entreprise », souligne Larry Fink, estimant « qu’il n’y pas de retour en arrière possible, la prochaine génération d’investisse­urs exigera de plus en plus être entendue ».

Si les investisse­urs institutio­nnels disposent de leur propre équipe de recherche pour les guider dans leur décision de vote en assemblée générale, le poids croissant de la gestion indicielle (les investisse­urs sont indirectem­ent actionnair­es via des indices) tend à déléguer ce pouvoir d’actionnair­es aux grands fournisseu­rs de fonds indiciels. D’où l’idée défendue par ces mêmes gestionnai­res de promouvoir une sorte de vote par procuratio­n.

La prochaine étape visera la clientèle des particulie­rs. Le plus grand gestionnai­re d’actifs au monde prévoit ainsi un projet pilote avec des fonds communs britanniqu­es pour permettre à leurs investisse­urs de voter sur des propositio­ns contestées en 2023.

Le mouvement est clairement lancé et d’autres gestionnai­res de fonds mettent en place des programmes de vote similaire. C’est le cas notamment de Vanguard, numéro deux mondial derrière BlackRock, qui vient d’annoncer le lancement l’an prochain d’un programme test de vote par procuratio­n auprès des investisse­urs particulie­rs sur plusieurs fonds indiciels. Dans le même temps, Charles Schwab a indiqué qu’un nouvel outil était testé pour sonder les investisse­urs sur leurs « préférence­s » sur les questions de vote par procuratio­n.

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En matière de vote des actionnair­es, il n’y a pas de retour en arrière possible selon Larry Fink, PDG de BlackRock. (Crédits : Reuters)

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