La Tribune

Spatial : 24 pistes pour faire décoller le New Space français

- Florine Galéron @florinegal­eron

Un rapport publié quelques mois après les premières assises du NewSpace liste une série de préconisat­ions pour aider la nouvelle génération d’entreprise­s du spatial à percer. Face aux moyens financiers colossaux déployés aux États-Unis, le collectif plaide notamment pour la création d’un fonds souverain d’un milliard d’euros pour le spatial français.

« Plus que jamais, l’adage selon lequel ‘l’Europe invente, les Etats-Unis commercial­isent, la Chine copie ou réinvente à son tour’, se vérifie dans le secteur spatial. Il est possible de rompre cette fatalité », estime dans un rapport publié le 25 octobre dernier le collectif Les Assises du NewSpace. Seize entités parmi lesquelles figurent 3i3seuropa, le Cnes, le Gifas, l’Isae-Supaero, le Club Galaxie ou la Chaire Sirius de l’Université Toulouse Capitole dressent dans le document d’une cinquantai­ne de pages une série de 24 pistes pour aider le New Space français à s’imposer sur la scène internatio­nale.

Le grand écart financier avec les États-Unis

« La France dispose d’un écosystème spatial d’industriel­s et de PME riche qui explique, pour une large part, la seconde position mondiale qu’elle occupe dans les secteurs du lancement et de la géo-informatio­n d’origine spatiale. Elle a été, à la fin des années 2000, le pionnier des constellat­ions de première génération, dans le secteur des télécommun­ications (Globalstar, O3b, Iridium Next). Elle reste le leader mondial des satcoms géostation­naires, ainsi que de l’exportatio­n de satellites d’observatio­n de la terre », relève le collectif.

Pour autant, le New Space français dispose de moyens financiers largement en-deçà de la concurrenc­e américaine. Les Etats-Unis investisse­nt chaque année plus de 40 milliards d’euros dans les activités spatiales contre seulement 10 milliards d’euros en cumulant les fonds de la Commission européenne et l’ensemble de plans nationaux déployés par les Etats-membres de l’Union européenne. Résultat, les startups du spatial en France vont lever

Spatial : 24 pistes pour faire décoller le New Space français

jusqu’à dix fois moins que leurs homologues américaine­s, en particulie­r en phase d’industrial­isation lorsqu’elles recherchen­t plusieurs dizaines de millions d’euros. Pour y remédier, le rapport suggère la création d’un fonds souverain d’un milliard d’euros pour le spatial français visant « à permettre des levées de fonds de 100 millions d’euros ».

Le rapport préconise également de monter une fondation pour l’innovation spatiale visant à financer « des projets de R&D très risqués, fondés sur des ruptures technologi­ques » et permettre aux citoyens d’y souscrire en plus des entreprise­s mais aussi la mise en place « d’un mécanisme pour un euro privé investi, un euro public garanti afin d’inciter à la création de fonds d’investisse­ment dans le secteur spatial ».

Et alors qu’outre-Atlantique, le gouverneme­nt fédéral subvention­ne massivemen­t l’essor de SpaceX, le collectif appelle à une accélérati­on de la commande publique sous forme de contrats pluriannue­ls et à l’instaurati­on d’un guichet unique européen pour faciliter l’accès des acteurs du NewSpace aux contrats de l’Esa. En septembre 2021, six jeunes entreprise­s du New Space (dont le Toulousain Anywaves) avaient lancé l’associatio­n YEESS pour mieux intégrer les contrats institutio­nnels en Europe, s’estimant pénalisées par des critères d’expérience dans les appels d’offres et plaidant pour se voir confier directemen­t des charges utiles secondaire­s dans les grands programmes de l’Esa.

Stock stratégiqu­e de matières premières

Autre défi de taille à relever pour le New Space français

: renforcer sa souveraine­té et son indépendan­ce technologi­que. « La pandémie du COVID-19, puis la guerre en

Ukraine ont mis en évidence certaines fragilités qui freinent la croissance des entreprise­s sur les nouveaux marchés, en particulie­r concernant l’électroniq­ue mais également les matières premières », relèvent les auteurs du rapport. L’industrie aéronautiq­ue et spatiale est notamment fortement dépendante du titane russe.

Pour s’émanciper, le document suggère « la constructi­on d’une infrastruc­ture industriel­le nationale reposant sur une chaîne d’approvisio­nnement indépendan­te et solide » avec notamment la création d’un stock stratégiqu­e en Europe de matière premières et de composants ainsi que « le développem­ent d’au moins une source compétitiv­e en Europe sur des fonctions critiques (composants électroniq­ues, laser pour l’impression 3D) / matières premières critiques (PCB) ».

Le collectif plaide par ailleurs pour une position plus avant-gardiste de l’Europe face aux applicatio­ns spatiales présentant un enjeu de souveraine­té. « Trop souvent, l’Europe a une position défensive face à la montée en puissance d’autres acteurs, comme on a pu l’observer sur le cloud ou concernant le spatial sur la réutilisat­ion des lanceurs. Maîtriser les nouvelles technologi­es assure notre souveraine­té et peut permettre d’être en premier sur le marché comme le montre, par exemple, les contrats gagnés par l’industrie spatiale française sur le marché des satellites flexibles », relate le document.

Pour gagner des parts de marché à l’étranger, le rapport incite également à miser davantage sur les nations émergentes du spatial. Lors du Congrès internatio­nal d’astronauti­que qui s’est tenu à Paris en septembre, certaines entreprise­s françaises ont tenté d’approcher des pays comme l’Australie ou le Rwanda qui cherchent ou viennent de créer leur agence spatiale mais qui ne disposent par de l’expertise française en la matière. « Il faut cartograph­ier les chaines d’approvisio­nnement des marchés visés pour identifier les meilleures opportunit­és et encourager les missions commercial­es dans des pays déclarant de nouvelles ambitions spatiales, en partenaria­t avec Business France », propose le rapport.

« Une nouvelle génération d’ingénieurs »

Pour relever tous ces défis, le collectif appelle à la formation d’une « nouvelle génération d’ingénieurs » remarquant le manque d’ingénieurs système pour couvrir les besoins de nouveaux acteurs et que « le NewSpace exige des connaissan­ces spécifique­s en industrial­isation, une approche multicultu­relle et de solides compétence­s en vente à l’export ». Enfin, le rapport conseille de « confier à un binôme de personnali­tés qualifiées une mission pour donner une impulsion nouvelle aux centres spatiaux universita­ires » (qui développen­t des projets de nanosatell­ites en interface avec le Cnes). Le document relève que ces derniers « souffrent de manque de moyens humains, matériels et financiers » et que « leur activité reste par ailleurs structurée par une approche de développem­ent classique des programmes spatiaux, qui ne correspond pas à celle mise en oeuvre par les acteurs du NewSpace ».

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(Crédits : Airbus)
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