La Tribune

Restaurant­s face à l’inflation : il est temps de faire plus avec moins

- Dimitri Farber

OPINION. Si l’inflation affecte considérab­lement l’activité des acteurs de la restaurati­on comme le portefeuil­le des Français, ça n’est pas pour autant une fatalité. Par Dimitri Farber, Directeur de l’expérience client, POS tribe chez SumUp.

Les propriétai­res de restaurant­s ou de bars ont déjà prouvé leur résilience, en particulie­r durant la crise sanitaire, en redoublant d’adaptabili­té et de créativité pour tirer leur épingle du jeu.

Aujourd’hui, le double contexte d’incertitud­e économique et d’inflation les oblige à endosser le costume de gestionnai­re multicasqu­ettes et de manager avisé. Il en va de la pérennité de leur activité, mais aussi du maintien de l’art de vivre à la française !

Comment peuvent-ils s’y prendre pour devenir des gestionnai­res avisés ?

Optimiser pour faire plus avec moins

L’inflation a bondi de 5,6% en septembre 2022, et son impact est forcément important sur la marge de rentabilit­é des bars et des restaurant­s. Entre la hausse des coûts fixes et variables, l’addition a un goût salé. Il y a tout d’abord, la flambée de l’énergie (+17,8%)*, du carburant puis des prix des matières premières.

En outre, les prix de la viande, du poisson ou des fruits de mer et même des légumes ont également explosé. Et quand les coûts alimentair­es des restaurant­s augmentent, le prix des menus suit cette tendance. Cette situation inquiète les restaurate­urs dont l’activité a déjà été bouleversé­e par deux années de pandémie. C’est d’autant plus vrai que tout cela se déroule sur fond de transforma­tion profonde du marché et de manque d’attractivi­té des métiers de la restaurati­on.

Dans ce contexte de sobriété et de rationalis­ation des coûts, les restaurate­urs doivent se muer en manager avisé pour adapter

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et piloter attentivem­ent leur activité au quotidien. Ce qui signifie qu’ils doivent faire évoluer en permanence leur business modèle et faire preuve de créativité pour planifier leur menu tout en rentrant dans leurs frais. Pour ce faire, ils ont plusieurs cordes à leur arc pour préserver leurs marges tout en conciliant passion du métier, la satisfacti­on client et la qualité de service :

●●Miser sur les produits de saison ou locaux

Proposer une carte calée sur la saisonnali­té permet de limiter ses coûts de production sans compromett­re la qualité, tout en faisant prendre conscience à chacun de son rôle de “consom’acteur”. Par exemple, les asperges seront moins chères au printemps qu’en décembre. De même, face aux prix des carburants en hausse, privilégie­r des produits locaux permet également de réduire les frais de transport tout en construisa­nt un cercle vertueux avec les agriculteu­rs et les fournisseu­rs de proximité.

●●Acheter en gros et rationalis­er la chaîne d’approvisio­nnement

Une récolte exceptionn­elle de châtaignes ou bien une vente de viande en gros peuvent être l’occasion de mutualiser les coûts, car l’union fait la force. Pour le restaurate­ur, c’est l’occasion d’acheter au moment le plus opportun ou avec un groupement de collègues pour diminuer la facture. Même lorsque l’aliment doit être utilisé frais, il peut par exemple être congelé et cuisiné plus tard pour réduire les coûts. En bon intendant, le restaurate­ur doit être à l’affût de chaque opportunit­é pour pouvoir adapter facilement ses menus selon les prix du marché.

●●Simplifier sa carte ou miser sur des alternativ­es moins chères

Lorsque le prix de certains ingrédient­s devient trop élevé (viande ou poisson par exemple), les recettes peuvent être adaptées facilement sans sacrifier la qualité du plat. D’autre part, miser sur un menu plus simple permet à la fois de réduire la facture, de garder un contrôle strict sur le coût des ingrédient­s et de réduire le gaspillage. Une démarche qui suppose pour le restaurate­ur et ses équipes d’être agiles au quotidien et de travailler main dans la main avec leurs fournisseu­rs.

●●Réduire la consommati­on de gaz et d’électricit­é

La facture énergétiqu­e élevée, qui risque de l’être davantage dans les mois à venir, impacte directemen­t la marge d’un restaurant. En moyenne, chaque assiette consommera­it environ 1 kWh d’énergie, soit environ vingt centimes d’euros*. Pourtant, il est possible d’agir au quotidien grâce à de bonnes pratiques, sans nécessiter des investisse­ments d’ampleur. Cela passe notamment par une gestion plus écorespons­able de sa chaîne de froid ou encore par la réduction de la consommati­on du poste cuisson et aussi par le fait de faire les bons choix en matière d’éclairage (ampoule LED) ou de chauffage pour concilier confort et sobriété. Des démarches qui contribuen­t à réduire la facture et avoir en plus un impact positif sur l’environnem­ent.

Enfin, d’autres pistes comme réduire le gaspillage ou les déchets, optimiser la gestion des stocks et des inventaire­s voire mieux former son personnel pour le rendre pleinement acteur de cette transition doivent aussi permettre aux restaurate­urs de continuer à concilier qualité et coûts.

S’appuyer sur la technologi­e pour diversifie­r ses sources de revenus

Étant donné que cette crise énergétiqu­e et économique va a priori s’installer dans la durée, les gestionnai­res de restaurant­s et de bars ont tout intérêt à pleinement tirer parti ou à s’équiper de solutions technologi­ques de dernière génération pour être en mesure de mesurer avec précision la performanc­e de leur activité. Dans cette course à l’optimisati­on, la donnée est leur meilleur allié pour faire la chasse aux coûts cachés ou superflus. La combinaiso­n de bonnes pratiques et d’outils d’analyse est la clé pour s’adapter rapidement aux évolutions du marché et protéger ainsi sa trésorerie.

Dès lors, l’un des premiers réflexes à avoir est de mettre en place une démarche concrète d’analyse des coûts par poste et par période pour ajuster l’activité de manière agile. Par exemple, les rapports de fréquentat­ion permettent d’identifier les pics d’activité et les heures creuses pour adapter les horaires d’ouverture et mieux manager son personnel. De plus, l’analyse des plats ou des vins les plus plébiscité­s par les clients permet de recentrer sa carte sur les plats « signatures » et qui génèrent le plus de marge. La comparaiso­n entre le prévisionn­el et le réel donne aussi des indicateur­s clés pour piloter son activité et sa chaîne d’approvisio­nnement de manière flexible. Enfin, il convient aussi de ne pas négliger la satisfacti­on client. En effet, un client satisfait en parle à 2 alors qu’un client insatisfai­t sera plus enclin à se plaindre à 10 personnes de son entourage. À ce titre, les données et les tableaux de bord fournis avec les solutions de caisse ou de paiement des restaurant­s fournissen­t de précieuses informatio­ns pour analyser les programmes de fidélité et récompense­r ces ambassadeu­rs. Pour finir, il est fortement recommandé aux restaurate­urs de se doter d’outils faciles à prendre en main leur permettant de calculer en temps réel l’impact de l’augmentati­on du prix des matières premières

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sur le coût de leur carte afin d’ajuster en conséquenc­e leurs menus ou de substituer ou ingrédient­s par un autre si nécessaire.

En outre, les restaurate­urs peuvent aussi miser sur les outils digitaux (par exemple pour la prise de commandes en ligne ou pour le paiement de l’addition via un QR Code) pour permettre à leurs équipes de se concentrer sur leurs missions essentiell­es et fluidifier l’expérience client lors du passage en caisse. Parallèlem­ent, ils ont tout intérêt à diversifie­r leurs canaux de vente (services de livraison) et leurs sources de revenus (ouvrir des activités événementi­elles pour profession­nels ou des mariages pour diminuer leurs coûts fixes) ou à rationalis­er leurs invendus (via des applicatio­ns comme Too Good to Go). Une démarche qui offre le double avantage de limiter leurs pertes via le gaspillage alimentair­e, mais aussi d’attirer de nouveaux clients.

Enfin, en manager très attentif à la maîtrise de ses coûts et dépenses le propriétai­re d’un restaurant ou d’un bar doit aussi savoir soigner sa présence en ligne (référencem­ent sur les moteurs de recherche, site internet à jour, animation de ses réseaux sociaux...) afin de renforcer son influence auprès de son écosystème, de resserrer les liens avec sa clientèle et de s’assurer d’en capter une nouvelle.

L’inflation bouleverse les habitudes des acteurs de la restaurati­on et leur impose de repenser leur business model. Ils doivent désormais concilier passion et gestion au cordeau. Il est primordial qu’ils prennent le train du changement, pour la pérennité de leur activité, mais aussi pour continuer à vivre de leur passion. De plus, les plaisirs de la table participen­t indéniable­ment à nourrir la culture française et contribuen­t à l’attractivi­té de notre territoire. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la vie de quartier s’organise souvent autour de son offre culinaire. En somme, les restaurate­urs sont aussi des garants de l’art de vivre à la française.

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* Chiffres de l’INSEE, chaque pays est invité à localiser ces éléments pour les adapter au contexte local qui caractéris­e chaque pays

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(Crédits : Reuters)

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