La Tribune

Dividende salarié : une chance ou une entourloup­e ?

- Fanny Guinochet @fannyguino­chet

Le gouverneme­nt veut avancer sur la question du dividende salarié. Une solution, selon lui, pour répondre aux demandes de hausses de salaires qui se multiplien­t. Reste que pour le moment, la propositio­n reste très floue. Elle est loin aussi de faire l’unanimité chez les syndicats et le patronat.

« Le dividende salarié, c’est le profit pour tous ! », c’est avec un slogan digne d’un syndicalis­te que Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, vante la propositio­n du gouverneme­nt. Alors que les revendicat­ions concernant des demandes de hausses de salaire se multiplien­t dans de nombreux secteurs de l’économie, l’exécutif cherche la parade pour redonner du pouvoir d’achat aux actifs. Pas question d’indexer les salaires sur l’inflation, où même d’organiser une grande réunion sur les salaires..., la suggestion est donc de mettre en place une conférence sur le partage de la richesse, pour définir les modalités du dividende salarié.

Beaucoup de flous, derrière l’annonce

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, le principe est simple, au moins sur le papier : si une entreprise peut distribuer des dividendes à ses actionnair­es, elle peut aussi le faire à ses collaborat­eurs. Le gouverneme­nt veut même l’obliger à en verser. Il ne s’agit pas de faire de tous les salariés des actionnair­es, comme c’est déjà le cas pour 3 millions d’entre eux, mais de leur verser une prime, sur un compte bloqué. Si le groupe a engrangé des bénéfices - parce qu’il a créé de la richesse, fait de bons placements ou bien profité d’une conjonctur­e porteuse, en vendant par exemple des matières premières à des prix qui flambent... du pétrole ou du gaz... - , toutes les parties de l’entreprise doivent en recueillir les fruits. A cet effet, le gouverneme­nt envisage de présenter un projet de loi, l’an prochain sur le sujet. Même si au-delà l’annonce, les contours du dispositif restent, pour l’heure, encore très flous. Dans une interview au journal le Parisien, ce week-end, le ministre de l’Economie reconnaît lui-même que les modalités sont à définir. Il précise d’ailleurs qu’il

Dividende salarié : une chance ou une entourloup­e ?

ne sera pas possible « de mettre sur le même plan, la PME et le groupe internatio­nal qui a des milliers de salariés ». Le locataire de Bercy souhaite aussi que la mesure s’applique aux entreprise­s publiques, sans toutefois expliquer comment.

Dans l’esprit du gouverneme­nt, le dividende salarié doit venir compléter les dispositif­s déjà existants de partage de la valeur, mis en place dès les années 70 sous l’impulsion du général De Gaulle. Rappelons toutefois que la participat­ion n’est obligatoir­e que pour les entreprise­s de plus de 50 salariés. Quand la société fait des bénéfices, elle doit en verser à ses équipes.

Et l’intéressem­ent, indexé sur un objectif de performanc­e économique, environnem­ental etc - , reste largement facultatif.

Selon Bercy, près d’un salarié du privé sur deux en France a, aujourd’hui, accès à ces systèmes qui, en moyenne, rapportent l’équivalent d’un mois de salaire supplément­aire, soit 1.909 euros pour l’intéressem­ent et 1.500 euros pour la participat­ion. Mais les disparités sont très importante­s.

Pas d’unanimité ni au sein du patronat, ni chez les syndicats

La mesure est loin de faire l’unanimité. Au sein du patronat, la propositio­n ne crée pas l’enthousias­me. Certes, Thibault

Lanxade, ancien vice-président du Medef, et patron de PME, porte ce dispositif, persuadé que grâce au dividende salarié, le pouvoir d’achat des collaborat­eurs serait amélioré. Le dirigeant a même été chargé par Emmanuel Macron de réaliser un rapport sur le sujet.

Reste que la majorité des chefs d’entreprise y voient une contrainte supplément­aire. Dans les petites entreprise­s, cette idée est loin de séduire car les chefs d’entreprise se rémunèrent souvent en dividende et non en salaire. De fait, si la loi était adoptée, ils seraient alors tenus d’en distribuer à leurs employés. C’est une partie de leur modèle de rémunérati­on qu’il faudrait repenser. Dans les grands groupes, le dividende salarié est perçu comme une contrainte supplément­aire.

Les syndicats eux ne sont pas très favorables au versement d’une prime, par définition aléatoire. Mieux vaut une véritable augmentati­on de salaire. Sans compter, que derrière l’idée marketing, ils s’inquiètent d’une nouvelle usine à gaz. Et soulignent que ce dividende salarié risque d’être assimilé à des primes, sans cotisation­s (retraite...) ni impôts... ce qui contribuer­ait encore à affaiblir notre modèle social.

Dans ces conditions, la grande conférence sociale sur le partage de la valeur risque de rapidement tourner court.

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bruno Le Maire est favorable au dividende salarié (Crédits : SARAH MEYSSONNIE­R)
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