La Tribune

La COP27 aura-t-elle du Charm ? L’analyse de Bertrand Piccard en direct de la COP27

- Bertrand Piccard

LES TOPS ET LES FLOPS DE LA COP27. Bertrand Piccard, président de la Fondation Solar Impulse, psychiatre et explorateu­r, auteur du premier tour du monde en ballon (1999) puis en avion solaire (2015-2016), tiendra durant cette quinzaine, du 6 au 18 novembre, en direct de la COP27 à Charm el-Cheikh en Égypte, une chronique quotidienn­e des succès et des déceptions de ce rendez-vous crucial pour l’avenir de notre planète. Une exclusivit­é pour La Tribune et le quotidien suisse Le Temps.

À l’approche de chaque conférence sur le climat, trop d’attente crée de la frustratio­n, mais ne pas en attendre assez est un manque d’ambition. Comment naviguer entre optimisme et pessimisme ? Ceux qui se rendent compte de la gravité de la situation ne trouveront jamais l’accord final assez contraigna­nt, les autres auront toujours l’impression de faire des sacrifices exagérés. Il est de toute façon trop tôt pour douter du résultat.

Efforçons-nous au contraire de montrer des solutions concrètes qui encourager­ont chacun à agir pour que ce résultat soit positif, et nous ferons les comptes au dernier jour.

Il y a un an, j’avais quitté la COP26 de Glasgow en posant la question « Une mauvaise fin ou un nouveau départ ? ». Elle méritait d’être posée, car, comme cela arrive souvent durant les conférence­s internatio­nales, et peut-être encore plus lorsqu’il s’agit du climat, nous étions restés avec un sentiment d’inachevé, le clap de fin ayant été gâché par la claque de la fin lorsque la sémantique « abandon du charbon », forte de symbole, fut remplacée à la dernière minute par « diminution du charbon ». La COP27 fera-t-elle exception à la règle, dans un contexte géopolitiq­ue qui ne joue pas forcément en sa faveur et qui oblige même certains pays à recourir à la sémantique « retour au charbon » ?

Comme à chaque édition de la COP, on dit qu’il s’agit de la dernière chance de préserver l’avenir de l’humanité, et c’est aujourd’hui d’autant plus vrai quand on lit le récent Emissions

La COP27 aura-t-elle du Charm ? L’analyse de Bertrand Piccard en direct de la COP27

Gap Report. Malgré un appel au renforceme­nt des « contributi­ons déterminée­s au niveau national » (CDN), ces engagement­s que les pays doivent prendre pour diminuer leurs émissions, l’absence de progrès depuis Glasgow est criante et nous laisse bien loin des objectifs des Accords de Paris. Dans l’état actuel des CDNs, on parle dorénavant d’une probabilit­é de 66% de limiter la hausse des températur­es autour de 2.6 degrés, ce qui est inacceptab­le. Cela ne manquera d’ailleurs pas d’augmenter le sentiment d’éco-anxiété qui m’intéresse particuliè­rement en tant que psychiatre et sur lequel j’aurai l’occasion de revenir dans une prochaine chronique durant ces deux semaines.

Voilà sans doute pourquoi le premier objectif de la présidence égyptienne sera de scruter en détail ces plans d’implémenta­tion définis dans les CDNs, remettre en cause leur faible niveau d’ambition et pousser les pays qui n’ont pas encore démarré ce processus à le faire. La période des engagement­s et des promesses est bel et bien révolue.

La transition écologique devra être présentée non seulement comme possible, mais aussi comme attrayante pour tous. Les Égyptiens l’ont bien compris, en s’engageant à faire de cette conférence un exemple d’inclusion, pour les pays en développem­ent comme pour toutes les parties prenantes représenté­es, la société civile, la jeunesse, le secteur privé. C’est dans ce cadre que la ministre de l’Environnem­ent m’a demandé de lui préparer une sélection de solutions pour les pays les plus pauvres. La Fondation Solar Impulse en a identifié une centaine et en a retenu cinq qui seront présentées à Charm El-Sheikh.

Je me réjouis que, pour la première fois, une journée soit entièremen­t dédiée à ce thème des Solutions. Autant de signes prometteur­s qui doivent nous montrer que la situation évolue peu à peu et nous permettre de prendre enfin un réel virage vers la transition écologique.

La finance sera également l’un des grands sujets de cette

COP27. En tant que premier pays africain à accueillir la COP depuis 6 ans, l’Égypte se fera un point d’honneur de s’assurer que les pays en développem­ent reçoivent les fonds nécessaire­s pour s’adapter au changement climatique et financer leurs propres transition­s écologique­s. L’objectif, non atteint pour l’instant, des 100 milliards par an sera donc ramené à l’ordre du jour.

Si la finance est le « moteur » et les technologi­es, le « véhicule » de la transition écologique, le « conducteur » demeure l’acteur principal de son succès. C’est le rôle que doit jouer le politique. Je l’avais déjà souligné durant la dernière COP, mais ces douze derniers mois passés à étudier de plus près les cadres législatif­s m’ont confirmé que les solutions à elles seules ne suffisent pas. Il faut des mécanismes pour les tirer vers le marché, avec des normes et des standards écologique­s ambitieux qui créeront une nécessité de les utiliser. C’est là, au niveau législatif, que l’innovation doit avoir lieu pour moderniser des lois trop souvent anachroniq­ues. La Commission européenne s’y est attelée avec courage, il reste pour la communauté internatio­nale à lui emboîter le pas.

Depuis Sharm El-Sheikh, je reviendrai quotidienn­ement dans cette rubrique, commenter les succès et les déceptions de cette COP27, qui se doit de concrétise­r le passage des promesses à l’action.

 ?? ?? « La transition écologique devra être présentée non seulement comme possible, mais aussi comme attrayante pour tous » (Crédits : AFP)
« La transition écologique devra être présentée non seulement comme possible, mais aussi comme attrayante pour tous » (Crédits : AFP)

Newspapers in French

Newspapers from France