La Tribune

Pétrole : les exportatio­ns et les revenus russes en hausse avant l’embargo européen

- Robert Jules @rajules

Les revenus pétroliers de la Russie ont atteint 17,3 milliards de dollars en octobre, en hausse de 1,7 milliard par rapport à septembre. Les pays de l’Union européenne ont importé 1,5 million de barils par jour de brut russe en octobre, alors qu’ils s’apprêtent à appliquer un embargo total à partir du 5 décembre, dont il est difficile de mesurer encore les conséquenc­es pour la Russie et le marché pétrolier mondial.

Dans moins de trois semaines, le 5 décembre, les pays de l’Union européenne (UE) ne pourront plus importer de pétrole brut de la Russie. Ils appliquero­nt l’embargo décidé en juin dernier au sommet européen de Versailles dont sont toutefois exemptés certains membres : la Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque, qui continuero­nt à être livrés via l’oléoduc de Droujba, ainsi que la Bulgarie et la Croatie.

Cette perspectiv­e n’a pas pour le moment conduit à une flambée des cours. Mercredi, le cours du baril de Brent reculait même de quelque 1,8%, évoluant au-dessus des 92 dollars, se situant néanmoins quelque 12 dollars au-dessus de son dernier point bas atteint à la fin de septembre. Celui du baril de WTI, la référence sur le marché de l’Amérique du nord, se dépréciait lui de 2%, tombant à 85,6 dollars. Les investisse­urs étaient plus préoccupés par la demande mondiale d’or noir, que l’Agence internatio­nale de l’énergie (AIE), dans son rapport mensuel publié mardi, a révisé à la baisse prévoyant désormais une hausse de 1,6 million de barils par jour (mb/j) des besoins en 2023, à 101,38 mb/j.

Pétrole : les exportatio­ns et les revenus russes en hausse avant l’embargo européen

Incertitud­es

Mais les incertitud­es demeurent sur les conséquenc­es de cet embargo visant à réduire les revenus de la Russie qui lui permettent de financer sa guerre en Ukraine déclenchée le 24 février dernier. Car même si l’UE a considérab­lement baissé ses achats - sa part dans les exportatio­ns de brut russe étant passée de 50% à 35% (de 50% à 31% pour les produits raffinés) -, elle a encore importé 1,5 mb/j en octobre, selon les estimation­s de l’AIE, le reste de ses besoins étant fourni par les pays producteur­s du Moyen Orient et de l’Afrique, la Norvège, le Brésil et la Guyane.

La Russie a même augmenté ses exportatio­ns totales en octobre, de 165.000 barils/j sur un mois, à 7,7 mb/j, ce qui lui a permis d’engranger 1,7 milliard de dollars de plus qu’en septembre, portant à 17,3 milliards de dollars ses revenus pétroliers sur le mois, grâce au volumes exportés à des prix décotés vers la Chine, l’Inde et la Turquie. Par ailleurs, indique l’AIE, certains volumes restent difficiles à tracer en l’absence d’indication de destinatio­n. Le recours aux « dark tankers » qui transborde­nt le brut en haute mer, dans les eaux internatio­nales, pourrait se multiplier avec l’embargo.

Pour la Russie, trouver des acheteurs pour 1,1 mb/j

L’enjeu est vital pour la Russie qui va devoir trouver à partir du 5 décembre des acheteurs pour 1,1 mb/j. Or, constate l’AIE, en septembre et octobre les volumes acquis par la Chine, l’Inde et la Turquie se sont stabilisés, et il n’est pas évident qu’ils compensent à partir de décembre l’arrêt des achats européens. « Si la Chine, l’Inde et la Turquie n’augmentent pas leurs importatio­ns de brut russe, le reste du monde, à l’exception des destinatio­ns interdites, devra tripler ses importatio­ns de brut russe, de 1,2 mb/j à 3,3 mb/j en février 2023. Nous ne pensons pas que cela soit faisable », estiment les experts de l’AIE.

Cet embargo européen, auquel s’associe le Royaume-Uni, se veut strict en interdisan­t aux compagnies maritimes et d’assurances européenne­s de traiter le transport du brut russe. Il ne sera pas le seul. A partir de la même date, un autre mécanisme adopté par les pays du G7 va imposer un prix plafond aux ventes internatio­nales du brut russe. Même si ce prix n’a pas été officielle­ment annoncé, celui de 60 dollars est évoqué, alors que le baril de l’oural, le brut de référence russe, évoluait ces derniers jours au-dessus de 75 dollars.

Ce mécanisme se veut plus souple que l’embargo, ayant l’avantage de continuer à alimenter le marché pétrolier mondial tout en réduisant les revenus pour la Russie. D’ores et déjà, Moscou a rejeté le principe de ce mécanisme et avertit qu’il ne vendra plus de pétrole aux pays qui en seront les signataire­s. « Les entreprise­s indiennes peuvent acheter autant de pétrole qu’elles veulent à la Russie aussi longtemps qu’elles ne recourent pas aux assurances, aux services financiers et compagnies maritimes occidentau­x, qui sont liés par le plafonneme­nt du prix », a précisé Janet Yellen, la secrétaire d’Etat américaine, dans un entretien à Reuters.

Trouver une alternativ­e au diesel russe

L’Europe va devoir également trouver des alternativ­es aux importatio­ns de produits raffinés russes, notamment le diesel dont le marché mondial est tendu. Car à partir du 5 février 2023, l’UE imposera un autre embargo sur les produits distillés (diesel, essence, fuel domestique...).

En octobre, note l’AIE, les achats européens de diesel russe ont bondi de presque 50%, comparés à leur niveau d’avant-guerre. Si les grèves dans les raffinerie­s françaises et les arrêts liés à la maintenanc­e dans certains sites ont favorisé les achats, ils ont aussi été soutenus par la constituti­on de stocks avant le 5 février. Si, depuis le début de la guerre, le volume des achats européens de diesel russe est resté quasi stable oscillant selon les mois entre 500.000 b/j et 700.000 b/j, leur part est passée de 60% en début d’année à 40% en octobre, l’UE se tournant vers l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis pour trouver des alternativ­es afin d’assurer ses besoins croissants.

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Vue du tanker Vladimir Arsenyev au terminal pétrolier de Kozmino près de la ville portuaire de Nakhodka, dans la partie extrême orientale de la Russie. (Crédits : Reuters)
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