La Tribune

Malgré son bouclier tarifaire, la SNCF augmente le prix moyen du TGV de 5 %

- Léo Barnier

Voulu par l’Etat, le bouclier tarifaire de la SNCF sera déployé en janvier prochain pour l’offre TGV. Si les tarifs destinés aux population­s les plus sensibles seront sanctuaris­és, une partie de l’inflation sera reportée sur les voyageurs plus aisés, la SNCF prenant à sa charge la différence. Le niveau d’activité devrait néanmoins être préservé, tout comme les investisse­ments.

La pression était forte et la SNCF a dû s’aligner. Conforméme­nt aux exigences formulées par le gouverneme­nt au début du mois de novembre, mais aussi aux doléances des passagers se plaignant déjà de prix élevés, le groupe ferroviair­e va déployer un bouclier tarifaire à partir du 10 janvier 2023 sur ses offres TGV. Elles doivent permettre de limiter la hausse moyenne des tarifs à 5%. Les prix plancher, ainsi qu’un certain nombre d’offres ne bougeront pas afin que « les population­s sensibles et les jeunes soient protégés », selon Christophe Fanichet, PDG de SNCF

Voyageurs. Les voyageurs profession­nels et premium devraient être les plus impactés.

Avec 5 % d’augmentati­on en moyenne, la hausse des tarifs des TGV va ainsi rester sous le seuil de l’inflation, actuelleme­nt de 6,2 % sur l’année. La SNCF répond ainsi favorablem­ent à la demande de Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports. La hausse est surtout nettement inférieure à l’augmentati­on des coûts de transports de 13 % prévue entre 2022 et 2023, en particulie­r dus à l’explosion des coûts de l’énergie de 180 % sur la même période à en croire les calculs de l’entreprise ferroviair­e, grosse consommatr­ice d’électricit­é.

Un bouclier à plusieurs centaines de millions d’euros

C’est donc un reste à charge de l’ordre de 8 % que va devoir assumer la SNCF sur le périmètre des TGV, soit potentiell­ement plusieurs centaines de millions d’euros, sans aide de l’Etat à ce stade. Alain Krakovitch, directeur de TGV-Intercités, n’entend

Malgré son bouclier tarifaire, la SNCF augmente le prix moyen du TGV de 5 %

pas « partir perdant » pour autant et a fait de la préservati­on de la dynamique actuelle et des volumes de passagers la donnée d’entrée pour le calcul de ce bouclier tarifaire. Il affirme ainsi toujours viser un taux de remplissag­e de plus de 80 %, atteint cette année, mais s’est refusé à préciser l’impact potentiel de cette hausse tarifaire sur le nombre de passagers.

De son côté, Christophe Fanichet prévoit que l’activité TGV reste bénéficiai­re l’an prochain, du moins dans l’état actuel des choses. Il entend d’ailleurs préserver l’offre sur l’ensemble du réseau, même s’il n’est pas entré dans le détail ligne par ligne, ainsi que les 500 millions d’investisse­ments prévus l’an prochain.

Dans les faits, ce bouclier tarifaire se décline autour de quatre axes, présentés par Alain Krakovitch, qui garantit que le TGV continuera à proposer 75 % des billets à tarifs réduits. « Tout d’abord, les grilles des prix minimum TGV Inoui et Ouigo ne seront pas augmentées, ce qui permettra de continuer à proposer des petits prix en particulie­r lors des ouvertures des ventes », décrit le directeur de TGV-Intercités. Il ajoute que l’ensemble des grilles Ouigo ne bougeront pas, précisant que sa branche low-cost représente­ra « plus de 20 % de l’offre TGV en 2023, avec plus de la moitié des billets à moins de 25 €», soit plus d’un million de billets par mois en moyenne.

Les mesures suivantes portent sur les cartes et abonnement­s. Les bénéfices de la carte Avantage seront maintenus, avec un prix d’achat toujours bloqué à 49 € maximum jusqu’en septembre 2023, le maintien des taux de réductions pour les adultes (-30 % minimum) et les enfants (-60 %), et la garantie des prix plafonnés en seconde classe. Alain Krakovitch espère ainsi préserver le succès de cette carte, qui compte 4,1 millions de clients, et qui pourrait encore augmenter avec la promotion actuelleme­nt en cours. Et la dernière mesure porte sur les prix des abonnement­s Max jeune et Max senior, qui resteront bloqués à 79 €.

Les prix maximum vont décoller

Pour préserver ces quatre axes, la SNCF a donc fait passer la hausse tarifaire sur le reste de son offre. Comme l’explique Alain Krakovitch, « ce qui augmente, ce sont donc les grilles des prix maximum des tarifs loisirs en Seconde et Première ». Selon lui, c’est une première depuis huit ans, « mis à part les évolutions de prix logiques lié aux LGV Est, Sud-Ouest et la Bretagne ». Cette augmentati­on porte aussi sur « les tarifs pro, Business Première, les tarifs Liberté à l’exception du prix de la carte liberté qui ne va pas bouger, et l’ensemble des prix des contrats que nous avons avec les grands comptes profession­nels ». Le dernier secteur qui sentira le plus fortement l’inflation sera les abonnement­s Max Actif et Max Actif+, avec une hausse de 5 %.

Compte tenu des secteurs protégés pleinement par le bouclier tarifaire, l’augmentati­on des tarifs sur ces offres pourrait être relativeme­nt corsée afin d’atteindre la hausse moyenne de 5 % des prix sur l’ensemble du périmètre TGV. Mais ni Alain Krakovitch, ni Christophe Fanichet n’ont précisé de combien pourrait être la hausse maximale, indiquant seulement que cela dépendait du yield management (système de fixation des prix en fonction de l’évolution de la demande qui permet d’optimiser les recettes).

Moins de souplesse sur les annulation­s

Le dernier axe choisi par la SNCF pour augmenter ses recettes dans ce contexte est le durcisseme­nt des conditions d’échange et de remboursem­ent à partir de février 2023. Celles-ci avaient été largement assouplies pendant la crise sanitaire pour favoriser les achats en dépit des incertitud­es pesant sur les voyages. Si Alain Krakovitch a souhaité maintenir « cette souplesse et cette générosité », la gratuité des échanges et remboursem­ents va passer de J-3 avant le départ à J-6. Passé ce délai, ces opérations seront facturées 19 €, contre 15 € actuelleme­nt.

Cela doit notamment permettre de réduire le phénomène actuel de désistemen­t de dernière minute, « avec un triplement du nombre d’échanges et de remboursem­ent entre J-3 et J-6 », qui ne laisse pas le temps à la SNCF de revendre les places. Et ce, en dépit d’une baisse des incertitud­es et d’un retour progressif aux niveaux d’anticipati­on d’achat connus en 2019. Ce phénomène concernera­it ainsi plusieurs millions de billets, selon Alain Krakovitch, avec un manque à gagner de plusieurs dizaines de millions d’euros. Ce qui « n’est pas du tout négligeabl­e » pour le directeur de TGV-Intercités.

Un bouclier tarifaire similaire est actuelleme­nt en discussion­s avec l’Etat pour l’activité Intercités, mais doit encore être contractua­lisé entre la SNCF et son actionnair­e. Des mesures pour les trains du quotidien, TER et Transilien­s qui dépendent des régions, sont également en cours de négociatio­ns localement.

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Le Ouigo sera pleinement protégé par le bouclier tarifaire de la SNCF. (Crédits : Reuters)

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