La Tribune

Nouvelle purge chez Twitter : Elon Musk veut-il tuer le réseau social ?

- Sylvain Rolland @SylvRollan­d

Ambiance crépuscula­ire chez Twitter et sur le réseau social : après avoir renvoyé sans ménagement plus de 3.700 personnes en début de mois, Elon Musk a lancé un ultimatum aux 3.000 employés restants, au point que, d’après les médias américains, entre plusieurs centaines et 1.500 personnes auraient claqué la porte. Ce qui pose la question de la survie même de Twitter, et de la volonté d’Elon Musk de couler sa propre entreprise.

Vingt jours seulement après la reprise de Twitter par le milliardai­re Elon Musk, le réseau social est à feu et à sang et continue de se vider de ses forces vives. Jeudi 17 novembre, le nouveau patron a lancé un ultimatum aux rescapés de l’énorme première vague de licencieme­nts, qui avait frappé 3.700 personnes au début du mois, soit plus de la moitié des effectifs. Dans un courriel, le nouveau dirigeant a demandé individuel­lement aux employés de choisir entre se donner « à fond, inconditio­nnellement », et partir, en cliquant sur « Oui » ou « Non ». Une manière d’épurer l’entreprise de toute force de contestati­on, dans la lignée du renvoi, en début de semaine, de dizaines d’employés - et certains de manière publique - qui avaient osé critiquer son leadership.

Les équipes avaient jusqu’à 17 h pour répondre. D’après la presse américaine, entre plusieurs centaines et 1.500 employés ont cliqué sur le bouton « Non ». Soit, dans le pire des cas, la moitié des effectifs restants, ce qui signifie que Twitter pourrait ne compter aujourd’hui que 1.500 employés, contre plus de 7.000 au début du mois ! Les démissionn­aires se voient proposer une indemnité correspond­ant à trois mois de salaire. De leur

Nouvelle purge chez Twitter : Elon Musk veut-il tuer le réseau social ?

côté, ceux qui ont répondu par l’affirmativ­e s’engagent donc à « travailler de longues heures à haute intensité » pour « bâtir un Twitter 2.0 révolution­naire »... Mais la purge est d’une telle violence que la question se pose : Elon Musk veut-il tuer Twitter ?

Elon Musk veut-il tuer Twitter ?

D’après des messages d’employés sur le Slack d’entreprise (la messagerie interne), beaucoup d’ingénieurs ont décidé de partir, ce qui réduit l’effectif de certaines équipes qui gèrent des systèmes critiques à seulement un ou deux employés

(!). Désormais, l’inquiétude porte donc sur la capacité même du réseau social à fonctionne­r normalemen­t et de manière sécurisée.

Au point que les hashtags #TwitterDow­n ou

#RIPTwitter s’imposent en “tendances” dans les discussion­s du jour. De nombreux utilisateu­rs sont persuadés que Twitter vit ses derniers instants, et certaines entreprise­s et organisati­ons gouverneme­ntales américaine­s basculent ouvertemen­t vers une autre plateforme de communicat­ion.

Elon Musk lui-même, fidèle à son habitude d’agir comme un troll, entretient l’idée de la mort de Twitter. Dans ce message posté en fin de soirée mercredi, le fondateur de Tesla et SpaceX se met en scène à l’enterremen­t de Twitter en train se réjouir sur sa tombe. Il a ensuite posté un emoji de tête de mort.

« Médiocre gamin dans un corps d’homme, milliardai­re sans valeur, parasite suprême... »

De leur côté, de nombreux anciens employés et utilisateu­rs du réseau social étalent leur écoeuremen­t devant l’extrême brutalité d’Elon Musk. Beaucoup de démissionn­aires du jour ont décidé d’annoncer leur départ sur Twitter. Les messages consultés par La Tribune oscillent entre la tristesse et la reconnaiss­ance d’avoir travaillé pour une entreprise unique au monde et qui était, jusqu’au rachat, réputée pour la qualité de ses conditions de travail, et la colère et la déception de voir le réseau social aux 320 millions d’utilisateu­rs « saccagé par un fou ».

Jeudi soir, des insultes anti-Elon Musk ont même été projetées sur la façade du siège social de Twitter à San Francisco, juste à côté du logo. On peut y voir défiler une succession d’insultes dont l’inventivit­é est digne de la série télévisée Veep :

« Elon Musk : mediocre manchild, pressurize­d privilege, petty racist, megalomani­ac, worthless billionair­e, bankruptcy baby, apartheid profiteer, petulant pimple, supreme parasite, dictators asskisser, lawless oligarch, insecure coloniser, cruel hoarder, space Karen »

Que l’on peut traduire par : « Elon Musk : médiocre gamin dans un corps d’homme, privilège pressurisé, raciste insignifia­nt, mégalomane, milliardai­re sans valeur, bébé de la faillite, profiteur de l’apartheid, bouton pétulant, parasite suprême, lécheur de fesses de dictateurs, oligarque sans foi ni loi, colonisate­ur fragile, accapareur cruel, Karen de l’espace » [!]

Vidéo youtube: https://twitter.com/TheMcKenzi­est/status/1593433803­225149440?ref_src=twsrc%5Etfw

De leur côté, des dizaines d’employés actuels et surtout passés se sont retrouvés jeudi soir dans un “Spaces”, les salons audio de la plateforme, pour se soutenir et évoquer de bons souvenirs, dans une ambiance crépuscula­ire. Des salariés qui ont choisi de rester ont évoqué leur attachemen­t indéfectib­le au réseau social et leur désir de le voir survivre et même renaître, même sans y croire réellement. « Bravo à tous les travailleu­rs de Twitter. Vous avez bâti un lieu de connexion vital et vous méritiez tellement mieux. (...) Merci », a pour sa part tweeté l’élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez.

Nouvelle purge chez Twitter : Elon Musk veut-il tuer le réseau social ?

Vingt jours de décisions surréalist­es

Même si la mort de Twitter devient une sérieuse possibilit­é, le réseau social n’en est pas encore là. Mais en vingt jours à peine, Elon Musk a renvoyé plus de la moitié des effectifs de l’entreprise, lancé puis stoppé, puis relancé, puis à nouveau stoppé son abonnement Twitter Blue qui s’est révélé intenable en à peine quelques jours en raison du déferlemen­t des faux comptes, et surtout, il a fait fuir en masse les annonceurs alors qu’ils pèsent aujourd’hui plus de 90% du chiffre d’affaires de la plateforme.

Plus grave, on peine à discerner une stratégie derrière le chaos. Sa vision d’une “applicatio­n pour tout”, sur le modèle du chinois WeChat, paraît totalement déconnecté­e de la réalité. Et son engagement politique pour une liberté d’expression absolue a déjà étalé ses limites avec le fiasco Twitter Blue. Elon Musk semble précipiter Twitter dans le mur et en appeler à d’inévitable­s conflits avec les régulateur­s.

Et après son dernier coup d’éclat avec l’ultimatum aux employés, Elon Musk a tweeté : « Et... on vient d’atteindre un nouveau record d’utilisatio­n de Twitter, lol. »

Puis d’ajouter malicieuse­ment « let that sink in », une référence à la photo qu’il avait postée lors de son premier jour chez Twitter, où il était arrivé dans les locaux de l’entreprise un évier dans les bras. On peut traduire cette expression de deux façons : soit « laissons ça infuser », c’est-à-dire que les actions de Musk, aussi brutales et incohérent­es soient-elles, auraient pour seul effet de booster l’utilisatio­n réelle de Twitter pour mieux la monétiser dans un second temps ; soit « laissons ça couler », donc qu’Elon Musk ne fait que provoquer la chute de Twitter.

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(Crédits : Reuters)
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