Industries créatives : la stratégie de la Côte d’Azur pour renforcer sa compétitivité (1/2)
Si elle a été pendant longtemps une destination naturelle pour les tournages, soutenue par l’outil puissant qu’étaient les studios de La Victorine, la Côte d’Azur a fait face à la concurrence d’autres régions – l’Occitanie principalement – qui ont su se structurer, prenant une forme de leardership. Un leadership que le territoire azuréen compte, sinon récupérer, tout au moins partager. Si à Cannes on a déjà préparé le terrain en installant un à un les maillons nécessaires - des résidences d’écriture à la post-production
– à Nice on remet le pied sur l’accélérateur pour redonner, entre autres, son aura à La Victorine.
Mais pour se distinguer, il faut innover, un parti pris par la Commission du film, menant des opérations séductions qui bousculent les habitudes du milieu. Ou comment créer une task force globale avec des ambitions. Et des moyens. « La main au collet » avec en fond le plus célèbre Rocher du monde. Truffaut qui fait des studios de la Victorine son décor pour la « Nuit américaine »... Deux exemples mythiques qui ne sont que l’ersatz des liens intimes noués entre la Côte d’Azur et le cinéma. Longtemps, le territoire a bénéficié d’une sorte de leadership naturel. Mais depuis une dizaine d’années, d’autres régions ont fait des industries créatives un levier d’attractivité. Et sur ce point, l’Occitanie notamment, a été offensive, structurant une offre, un écosystème.
L’écosystème, voilà le mot magique. Vrai pour la santé, la tech, le tourisme... Et plus encore, vrai pour les industries créatives.
Investissements : le nerf de la guerre
Un constat - et un objectif - pris par Cannes. « Cannes a une stratégie très précise dont le but est de créer un écosystème, une boucle vertueuse pour créer ici, pour produire localement,
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faire fonctionner l’économie locale. De cette vision sont nés plusieurs outils », rappelle Camille Feret. « C’est un pôle qui a son importance, avec la cité des entrepreneurs, Bastide Rouge, les entreprises spécialisées en audiovisuel, les plateaux pour les émissions de flux, la captation... La post-production et le son sont l’un des volets qui manquaient dès l’origine », souligne la directrice de la Commission du film Côte d’Azur. L’investissement - d’un montant de 100 millions d’euros - et l’indéniable bon signal envoyé au secteur de la part du leader européen de l’image et du son, Novelty-Magnum-Dushow est une pierre non négligeable à l’édifice, que confirme Camille Feret. « C’est un véritable outil qui vient alimenter l’existant et qui apporte 3.000 m2 de plateaux afin de recevoir des productions et complète l’offre aux sociétés qui développent des scénarios ».
A Nice, le projet de rénovation de La Victorine devrait profiter de France 2030 et de ses potentialités financières, alors que les studios mythiques, que la mairie de Nice a repris en régie, devraient passer dans un giron privé.
De la notion de bassin méditerranéen
Un secteur des industries créatives qui se structure donc, pose les briques de ce qui crée l’écosystème attendu par les productions, avec cette valeur attractivité qu’il faut mieux dynamiser. Le sujet n’est d’ailleurs pas ignoré par la Région Sud, laquelle rebondit sur le Plan Marseille en Grand et la volonté présidentielle de faire des industries créatives un levier d’opportunités aussi bien urbi qu’orbi, tant pour remettre la Cité phocéenne dans le jeu cinématographique et qu’attirer de supers productions.
Nice et Cannes d’un côté, Marseille de l’autre donc. Quid d’un jeu collectif qui permettrait justement de reprendre des parts de marché et du leadership face aux territoires concurrents ? « L’enjeu est important pour tout le bassin méditerranéen », répond Camille Feret, qui voit dans la mise en commun de compétences et d’outils une réelle plus-value qui doit être encouragée et qui imagine des croisements avec Marseille ou même l’Occitanie. Donnant l’exemple d’une mutualisation pleine de sens entre Provence Studios, que pilote le marseillais Olivier Marchetti, et La Victorine pour l’accueil de projets qui nécessiteraient des outils complémentaires. Nice qui possède des décors bien connus mais la Côte d’Azur qui a tout intérêt à valoriser aussi son arrière-pays, ses paysages très différents du littoral et qui peuvent être sources d’inspiration, « une base-arrière magnifique pour les tournages en décor naturel ». Camille Feret qui avance des chiffres éloquents : 25% des projets qui se tournent sur la Côte d’Azur sont des films publicitaires, lesquels contribuent pour 20 millions d’euros aux 60 millions d’euros évalués en termes de retombées économiques des tournages en 2021.
Vision locale, enjeu national
« Nous avons une carte à jouer au niveau national » insiste la directrice de la Commission du film Côte d’Azur. Car dans les industries créatives aussi, l’effet crise a joué un effet relocalisation des productions en France. L’impossibilité de voyager drainant les tournages vers le Sud, là où existent mer, soleil et palmiers, notamment les tournages de films publicitaires, un segment que le CNC n’aide pas financièrement et qui avait pris l’habitude, dans le monde d’avant, d’aller tourner sous d’autres cieux, aux coûts plus favorables. Un « recentrage » qui semble perdurer. « Pour l’heure, nous accueillons le même nombre de tournages que l’an dernier » note Camille Feret. Avec, élément non négligeable, une durée des tournages qui s’allonge. D’autant qu’il « n’existe pas de saisonnalité pour les séries » et que, pour le moment, la baisse des fréquentations en salles ne se fait pas ressentir sur le nombre de projets tournés. « En 2021, certains tournages ont été décalés ou reportés, pour cause de manque de diffuseur ou de financement », ajoute cependant la directrice de la Commission du film. Le momentum semble favorable. D’autres parieraient sur un alignement des planètes. C’est bien, mais est-ce suffisant ? Car pour reconquérir du leadership, il faut aussi savoir étonner...