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Accord sur les pays pauvres, recul sur les énergies fossiles : bilan mitigé pour la COP 27

- Latribune.fr @gregoireno­rmand

La conférence internatio­nale sur le climat s’est achevée ce dimanche matin après avoir joué les prolongati­ons dans un contexte planétaire particuliè­rement chaotique. Après d’âpres échanges, les délégation­s présentes en Egypte ont trouvé un accord pour compenser les pays pauvres des dégâts climatique­s. En revanche, les objectifs sur les énergies fossiles n’ont pas été revus à la hausse.

Après d’âpres négociatio­ns qui ont largement débordé du calendrier prévu, la COP27 s’est terminée dimanche à l’aube après avoir adopté un texte très débattu sur l’aide aux pays pauvres affectés par le changement climatique mais sans nouvelles ambitions pour la baisse des gaz à effet de serre.

Après plus de deux semaines, la grande conférence sur le climat de l’ONU a pris fin avec plus d’un jour de retard sur le calendrier prévu, ce qui en fait l’une des COP les plus longues de l’histoire. « Ca n’a pas été facile » mais « nous avons finalement rempli notre mission », a souligné le président égyptien de la conférence Sameh Choukri. « Cette COP a provoqué de nombreuses frustratio­ns mais elle n’a pas servi à rien. Elle a permis d’obtenir des avancées significat­ives pour les pays les plus vulnérable­s. Le fond pour les pertes et dommages, un rêve de la COP26 l’année dernière, pourrait être mis en oeuvre dès 2023, » a déclaré Laurence Tubiana , directrice de la Fondation européenne pour le climat. De son côté, le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans a déclaré : « Le monde ne nous remerciera pas quand il entendra uniquement des excuses demain».

« Ce que nous avons là, c’est un pas en avant trop court pour les habitants de la planète. Il ne fournit pas assez d’efforts supplément­aires de la part des principaux émetteurs pour augmenter et accélérer leurs réductions d’émissions.»

Accord sur les pays pauvres, recul sur les énergies fossiles : bilan mitigé pour la COP 27

Une déclaratio­n finale fruit de nombreux compromis a été finalement adoptée, appelant à une réduction « rapide » des émissions mais sans ambition nouvelle par rapport à la dernière COP de Glasgow en 2021. « Nous devons drastiquem­ent réduire les émissions maintenant --et c’est une question à laquelle cette COP n’a pas répondu », a regretté le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, à l’issue de la conférence climatique. Pour Clément Sénéchal, chargé de campagne sur le climat à Greenpeace France, “cette COP27 se termine avec un goût d’inachevé (...) La communauté internatio­nale continue de discuter d’un problème dont elle méprise les causes.” Dans la foulée, l’Union européenne s’est dite « déçue » par l’accord sur les émissions.

Adoption d’une résolution historique

Cette édition a en revanche été marquée par l’adoption d’une résolution emblématiq­ue, qualifiée d’historique par ses promoteurs, sur la compensati­on des dégâts causés par le changement climatique déjà subis par les pays les plus pauvres.

Ce dossier des « pertes et dommages » climatique­s des pays pauvres avait failli faire dérailler la conférence, avant de faire l’objet d’un texte de compromis de dernière minute qui laisse de nombreuses questions en suspens, mais acte le principe de la création d’un fonds financier spécifique.

« Les pertes et dommages dans les pays vulnérable­s ne peuvent désormais plus être ignorés même si certains pays développés avaient décidé d’ignorer nos souffrance­s », a salué la jeune militante ougandaise Vanessa Nakate.

Recul critiqué

Le texte sur les réductions d’émissions a été également très disputé, de nombreux pays dénonçant ce qu’ils considérai­ent comme un recul sur les ambitions définies lors de précédente­s conférence­s. Notamment sur l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris, contenir le réchauffem­ent à 1,5°C par rapport à l’ère pré-industriel­le, qui est toutefois réaffirmé dans la décision finale.

Les engagement­s actuels des pays signataire­s de l’accord ne permettent pas de tenir cet objectif, ni même celui de contenir l’élévation de la températur­e à 2°C par rapport à l’ère pré-industriel­le, quand les humains ont commencé à utiliser en masse les énergies fossiles responsabl­es du réchauffem­ent climatique. Ces engagement­s, en admettant qu’ils soient intégralem­ent tenus, mettraient au mieux le monde sur la trajectoir­e de +2,4°C à la fin du siècle et, au rythme actuel des émissions, sur celle d’un catastroph­ique +2,8°C. Or, à près de 1,2°C de réchauffem­ent actuelleme­nt, les impacts dramatique­s du changement climatique se multiplien­t déjà. L’année 2022 en a été l’illustrati­on, avec son cortège de sécheresse­s, méga-feux et inondation­s dévastatri­ces, impactant récoltes et infrastruc­tures.

Les coûts de ces événements extrêmes s’envolent également: la Banque mondiale a ainsi estimé à 30 milliards de dollars le coût des inondation­s qui ont laissé un tiers du territoire pakistanai­s sous l’eau pendant des semaines et fait des millions de sinistrés. Les pays pauvres, souvent parmi les plus exposés mais qui sont généraleme­nt très peu responsabl­es du réchauffem­ent, réclamaien­t depuis des années un financemen­t des “pertes et dommages” qu’ils subissent.

« Suspects habituels »

La bataille ne s’achèvera pas avec l’adoption de la résolution de Charm el-Cheikh puisque celle-ci reste volontaire­ment vague sur certains points controvers­és. Les détails opérationn­els doivent être définis pour adoption à la prochaine COP, fin 2023 aux Emirats arabes unis, promettant de nouveaux affronteme­nts. Notamment sur la question des contribute­urs, les pays développés insistant pour que la Chine en fasse partie.

Autre sujet qui a secoué la COP: les ambitions de réductions d’émissions. De nombreux pays ont estimé que les textes proposés par la présidence égyptienne constituai­ent un retour en arrière sur les engagement­s d’en relever régulièrem­ent le niveau pris à Glasgow.

« Cette COP a affaibli les obligation­s pour les pays de présenter des engagement­s nouveaux et plus ambitieux », a regretté Laurence Tubiana, architecte des accords de Paris de 2015.

Sans compter la question de la réduction de l’usage des énergies fossiles, à l’origine du réchauffem­ent mais à peine mentionnée­s dans la plupart des textes sur le climat.

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Le sommet de deux semaines était considéré comme un test de l’engagement de la communauté internatio­nale à lutter d’arrache-pied contre le réchauffem­ent climatique, alors que le sujet a été un peu éclipsé récemment par la guerre en Europe, les turbulence­s sur le marché de l’énergie et l’inflation rampante. (Crédits : Reuters)

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