La Tribune

Budget ESA 2023-2026 : l’Allemagne garde le leadership, la France n’en veut plus

- Michel Cabirol @MCABIROL

L’Allemagne va conserver son leadership spatial au sein de l’Agence spatiale européenne (ESA). La France ne veut pas (ou ne peut) suivre la fuite en avant de Berlin. En revanche, elle souhaite maintenir une diversité dans ses contributi­ons financière­s au niveau national, européen et internatio­nal.

Paris, où se déroule les 22 et 23 novembre la conférence ministérie­lle des pays membres de l’Agence spatiale européenne (ESA), il n’y aura pas de match entre la France et l’Allemagne comme il y avait eu à Séville en 2019. Il y a trois ans Berlin avait complèteme­nt surpris Paris en lui ravissant le leadership à la surprise générale. Trois ans plus tard, la France refuse le combat et rentre dans le rang, très certaineme­nt pour une très longue période. Résultat, l’Allemagne va rester le premier pays contribute­ur du prochain budget triennal (2023-2025). Le futur tiercé des plus importants contribute­urs de l’ESA lors de la conférence ministérie­lle sera très probableme­nt : Allemagne, France et

Italie. Avec comme principale incertitud­e, la place de Rome, qui pourrait passer devant Paris.

L’Allemagne sera donc à nouveau la première de la classe en contribuan­t à un nouveau budget record à l’image de 2019 (14,38 milliards d’euros sur 2020-2022). Une place qui plus est obtenue sur le sol de son principal rival dans le spatial, la France. Le directeur général de l’ESA, Josef Aschbacher, demande aux 22 États membres une contributi­on de 18,7 milliards d’euros pour le futur budget triennal de l’Agence. Soit 30% de plus qu’il y a trois ans à Séville. Il semblerait que la marche soit trop haute. Selon une source proche du dossier, les contributi­ons des États

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membres de l’ESA pourraient atterrir autour de 17 milliards d’euros au grand maximum.

« La conférence ministérie­lle est vraiment un moment important parce qu’il marque les ambitions de tous les États membres et il permet de voir aussi sur les différents sujets qui va prendre le leadership sur tel ou tel programme pour être extrêmemen­t concret », a expliqué début novembre le PDG du CNES Philippe Baptiste lors d’une audition à l’Assemblée nationale par l’office parlementa­ire d’évaluation des choix scientifiq­ues et technologi­ques (OPECST) sur les enjeux du conseil ministérie­l de l’ESA.

L’Allemagne prête à mettre entre 3,6 et 5 milliards

Quel sera l’état des forces au sein de l’ESA ? Difficile d’y voir très clair, car chaque pays, y compris la France, cache la copie financière pour des raisons tactiques pour préserver d’éventuelle­s marges de marges de manoeuvre lors des négociatio­ns qui vont durer deux jours. Des négociatio­ns qui vont décider du budget de l’ESA sur les trois prochaines années. Si ce n’est pas de la compétitio­n, cela s’y apparente très fortement. Selon des sources concordant­es, Berlin a laissé entendre que sa contributi­on devrait osciller entre 3,6 et 4 milliards d’euros, en y ajoutant les 400 millions de contributi­ons des länder (contre 3,29 milliards en 2019).

Mais, Berlin et les länder garderaien­t une marge de manoeuvre financière que certains estiment à 1 milliard d’euros. D’autant que, précise-t-on à La Tribune, les 9 milliards d’euros dédiés sur les trois prochaines années par la France pour le spatial qui ont été annoncés mi-septembre lors du 73e Congrès internatio­nal d’astronauti­que par la Première ministre Élisabeth Borne ont impression­né en Allemagne. Ce qui aurait contribué à une forte remobilisa­tion des Allemands lors de la préparatio­n de la conférence ministérie­lle de Paris.

La France ne veut ou ne peut plus suivre l’Allemagne

Et la France ? Pas question de suivre cette fuite en avant de l’Allemagne qui assume pleinement son leadership au sein de l’ESA. A Paris, on dégaine l’argument que l’on veut imparable pour justifier la stratégie française d’abandonner à Berlin ce leadership : comme la France représente près de 50 % du spatial européen, elle souhaite maintenir différents canaux de financemen­ts. « Il y a un équilibre à trouver entre les contributi­ons françaises à l’ESA et celles sur les programmes multilatér­aux, dont ceux avec les Etats-Unis, à travers le CNES, puis aussi à travers France 2030 », a d’ailleurs expliqué Philippe Baptiste à l’OPECST.

Et en même temps, la France va très sérieuseme­nt augmenter sa contributi­on de 23%, passant, selon nos informatio­ns de 2,6 à 3,2 milliards d’euros. Les industriel­s français demandaien­t 3,6 milliards. Ils sont très friands des taux de financemen­ts généreux de l’Agence spatiale européenne : en moyenne entre 60% et 100% pour un projet, contre en moyenne entre 20% et 40% pour un programme national en raison des aides très réglementé­es par la commission européenne, contrairem­ent aux programmes ESA. Un renoncemen­t mal vécu par les industriel­s français. D’autant plus qu’il est « actuelleme­nt très compliqué d’autofinanc­er des projets à plus de 60% en raison de l’inflation notamment », explique-t-on à La Tribune.

Il est également possible que Paris finance la future constellat­ion européenne, dite Breton, en mettant 300 millions d’euros supplément­aires sur le projet. Une enveloppe qui sera prélevée sur le budget de France 2030 une fois que la Commission aura lancé les appels d’offres, selon nos informatio­ns. Ce qui porterait au total la contributi­on française à 3,5 milliards d’euros.

L’Italie va-t-elle mettre près de 4 milliards d’euros ?

Après avoir perdu son leadership à Séville, la France va-t-elle rétrograde­r d’une nouvelle place à Paris ? L’Italie devrait venir en France avec une contributi­on estimée à 2,8/2,9 milliards d’euros (contre 2,28 milliards en 2019). Un nouvel effort important qui pourrait être réévalué si Rome confirme son souhait d’apporter plus de 1 milliard d’euros supplément­aire. Un montant correspond­ant au plan de relance italien dans le spatial, le Plan national pour la relance et la résilience (PNRR).

Cette enveloppe financière doit servir à financer une constellat­ion italienne dédiée à l’observatio­n de la Terre IRIDE (36 satellites radars et optiques). Le précédent gouverneme­nt italien souhaitait profiter de l’expertise et des ressources humaines de l’ESA pour signer au plus vite les contrats de fourniture. Ce que ne peut pas faire l’Agence spatiale italienne, faute de moyens.

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Bruno Le Maire laisse à l’Allemagne le leadership spatial au sein de l’ESA (Crédits : STEPHANE MAHE)
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