La Tribune

Télécoms : l’inquiétude grandit sur le chantier de fermeture du réseau cuivre

- Pierre Manière @pmaniere

Orange va bientôt débuter la fermeture de son réseau cuivre, utilisé pour le téléphone et l’ADSL, dans l’Hexagone. Mais ce chantier pharaoniqu­e, essentiel pour l’avenir des télécoms françaises, suppose notamment que la fibre soit disponible partout et qu’elle fonctionne correcteme­nt. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Explicatio­ns.

C’est une révolution dans les télécoms françaises. A partir du début de l’année prochaine, Orange va commencer à fermer, progressiv­ement, son réseau historique en cuivre. Celui-ci a été déployé dans les années 1960, d’abord pour apporter le téléphone. Il a ensuite été modernisé pour permettre aux Français d’accéder à Internet, via l’ADSL. Orange, qui a présenté son plan de fermeture du cuivre en février dernier, a dressé une première liste de 162 communes où ce réseau sera éteint. Après avoir prévenu en amont la population, une fermeture commercial­e des offres sur le réseau cuivre interviend­ra. Elle sera suivie, ensuite, par une fermeture technique, et définitive. A partir de 2026, plus aucun opérateur ne pourra, en France, proposer à ses clients des offres ADSL ou un abonnement téléphoniq­ue. En 2030, ces mêmes offres disparaîtr­ont complèteme­nt.

Ce chantier est prioritair­e pour Orange comme pour les pouvoirs publics. L’opérateur historique est en effet confronté à une forte baisse des clients - et donc des revenus - sur le réseau cuivre, à mesure que les abonnés migrent vers la fibre. Sachant qu’aujourd’hui, environ 80% des Français peuvent disposer

Télécoms : l’inquiétude grandit sur le chantier de fermeture du réseau cuivre

de cette technologi­e. En outre, le réseau cuivre, vieillissa­nt, est particuliè­rement coûteux à entretenir : Orange affirme y consacrer environ 500 millions d’euros par an. Pas question, pour l’opérateur historique, de garder cette infrastruc­ture en parallèle du réseau fibre. « C’est économique­ment et techniquem­ent inacceptab­le, impossible », a insisté ce jeudi Nicolas Guérin, le secrétaire général d’Orange, lors d’un colloque organisé à Paris par l’Avicca, qui regroupe les collectivi­tés impliquées dans le numérique.

Finir le déploiemen­t de la fibre : un impératif

Cette analyse est partagée par le gouverneme­nt. Au colloque de l’Avicca, Jean-Noël Barrot, le ministre délégué en charge du Numérique et des Télécoms, a aussi rappelé que la fin du réseau cuivre était un impératif pour des raisons environnem­entales. « La fibre est trois fois moins énergivore que le cuivre », a-t-il insisté.

Cela dit, de nombreuses questions, cruciales, restent encore sans réponse concernant ce chantier pharaoniqu­e. La première concerne le déploiemen­t de la fibre. Comme Laure de La Raudière, la présidente de l’Arcep, le régulateur des télécoms, l’a souligné à l’événement de l’Avicca, « la fermeture du cuivre suppose le déploiemen­t préalable d’un réseau de fibre complet ». Et ce pour une raison simple : il est hors de question que certains foyers se retrouvent, du jour au lendemain, privés d’Internet fixe et de téléphonie...

Des réseaux de fibre déjà dégradés

L’ennui, c’est que la fin de la couverture du pays en fibre pose problème. « Nous constatons, depuis quelques mois, que le rythme du déploiemen­t de cette technologi­e ralentit dans certaines zones », déplore Laure de La Raudière. En outre, il est nécessaire que la qualité de service de la fibre soit irréprocha­ble.

Ce qui n’est pas toujours le cas. Cela fait au moins deux ans que ce réseau pâtit de malfaçons, qui pénalisent les usagers parfois privés de connexion Internet pendant des semaines. Le secteur a beau s’être mobilisé, ces problèmes perdurent... « Les dérives qui se cantonnaie­nt au raccordeme­nt des abonnés s’étendent désormais à la desserte [plus loin dans le réseau, Ndlr] », grogne Patrick Chaize, le président de l’Avicca, et sénateur (LR) de l’Ain. Les opérateurs SFR et Altitude, dont certains réseaux de fibre sont particuliè­rement dégradés, ont récemment remis à l’Arcep leurs plan de remise en état. Mais pas de quoi rassurer, à ce jour, les collectivi­tés.

Une autre inquiétude concerne la qualité de service sur le réseau cuivre. Le gouverneme­nt et de nombreux élus locaux redoutent qu’Orange délaisse cette infrastruc­ture, encore utilisée par des millions de Français. « Il n’est pas concevable que nos concitoyen­s ne puissent pas bénéficier d’un service de qualité pour téléphoner sous prétexte qu’il n’ont pas encore accès à la fibre déployée », prévient Jean-Noël Barrot.

« Nous sommes au pied du mur »

Orange tire lui aussi la sonnette d’alarme. « Pour être très clair, nous sommes au pied du mur », estime Nicolas Guérin. En bon diplomate, il se garde d’attaquer frontaleme­nt l’exécutif ou l’Arcep... Mais il rappelle qu’Orange avait émis « un certain nombre de prérequis » en précisant au régulateur son plan de fermeture du cuivre il y a près d’un an. Ceux-ci concernent, pêle-mêle, le devenir des abonnés qui n’ont pas encore accès à la fibre et le recours à d’éventuelle­s technologi­es alternativ­es, la mise en place d’un nouveau service universel, ou encore le financemen­t global du chantier, dont Orange ne veut pas payer la note seul... « Je dois vous dire qu’aucun des prérequis n’a été rempli, lâche le secrétaire général d’Orange. Ce qui pose problème. » Ce grand chantier de la fin du cuivre ne sera pas, c’est peu dire, un long fleuve tranquille.

 ?? ?? Laure de La Raudière, la présidente de l’Arcep, déplore le ralentisse­ment du déploiemen­t de la fibre, et les difficulté­s de raccordeme­nts de nombreux abonnés à cette technologi­e. (Crédits : D.R)
Laure de La Raudière, la présidente de l’Arcep, déplore le ralentisse­ment du déploiemen­t de la fibre, et les difficulté­s de raccordeme­nts de nombreux abonnés à cette technologi­e. (Crédits : D.R)
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