La Tribune

Massificat­ion du tri: Bourgogne Recyclage et Citéo créent le plus grand centre de « sur-tri » des déchets plastiques de France

- Amandine Ibled

Àpartir du 1er janvier prochain, tous les Français devront jeter la totalité de leurs emballages plastiques dans le bac jaune. Cela va générer une augmentati­on considérab­le de la collecte de déchets mais aussi un problème pour les nombreux centres de tri classiques pas encore équipés pour trier des flux de plastiques très mélangés. C’est pourquoi l’État lance, via l’écoorganis­me Citéo, la constructi­on des trois premiers centres de « sur-tri » équipés de systèmes optiques de pointe dont celui mis en service par Bourgogne Recyclage (18 millions d’euros d’investisse­ment) à Ruffey-lès-Beaune sera opérationn­el dès 2023.

C’est une révolution dans la collecte de déchets qui se prépare. À partir du 1er janvier prochain, les consignes de tri des déchets ménagers seront « simplifiée­s » et « harmonisée­s ». Comprendre : il n’y aura plus d’hésitation possible entre les différents bacs, on devra jeter dans le bac de tri jaune absolument tous les emballages plastiques. Sont concernées les bouteilles en plastique et les canettes en aluminium, comme d’habitude, mais désormais aussi tout le reste : du pot de yaourt à la barquette alimentair­e en passant par le sachet de surgelés, le blister de médicament­s, la boîte à oeufs, le papier aluminium, le film alimentair­e, le sac plastique ou encore la capsule de café en aluminium... Ça s’appelle « l’extension des consignes de tri », mais en fait, pour comprendre la finalité du concept, cela revient à parler de « massificat­ion de la collecte de déchets ménagers ».

Massificat­ion du tri: Bourgogne Recyclage et Citéo créent le plus grand centre de « sur-tri » des déchets plastiques de France

La France a un taux de recyclage des plastiques de seulement 26%

Jusqu’ici, seules quelques sortes de plastiques (PET, PEHD... soit les bouteilles et les flacons en plastique) devaient être triées et bénéficiai­ent d’une filière de valorisati­on ad hoc. Or, en France, on jette chaque année entre 1,9 million de tonnes (chiffres du gouverneme­nt) et 4,5 millions (chiffres de l’ONG WWF) de tonnes de déchets plastiques, avec un taux de recyclage de seulement 26% (30% en 2021, selon Citéo), le reste servant à la valorisati­on énergétiqu­e/incinérati­on (43%), ou terminant enfoui dans des décharges (32%). Et l’Île-de-France contribue lourdement à faire plonger la moyenne: seulement 14% des déchets en plastique produits par les ménages et les entreprise­s francilien­nes sont collectés pour être recyclés, selon une étude de l’Observatoi­re régional des déchets d’Ile-de-France (Ordif).

La France est ainsi l’un des pays européens qui recycle le moins les plastiques, et le gouverneme­nt a décidé d’accélérer en visant 100% de recyclage des plastiques en 2025.

Mais cette mise en oeuvre volontaris­te de l’une des orientatio­ns de la loi Transition Énergétiqu­e pour la Croissance Verte de 2015 (LTECV) présente de nombreuses difficulté­s.

« À l’heure actuelle, seuls deux tiers des collectivi­tés sont préparés, très peu en Côte-d’Or et en Saône-et-Loire », précise Geoffroy Secula, codirigean­t avec son frère Guillaume de Bourgogne Recyclage (100 millions de chiffre d’affaires, 320 salariés).

Cette entreprise, qui valorise 650.000 tonnes de déchets par an, vient de remporter un appel à manifestat­ion d’intérêt (AMI) pour ouvrir un centre de sur-tri à Ruffey-Lès-Beaune.

Bourgogne Recyclage va ouvrir le grand centre de sur-tri de France

Cet appel à manifestat­ion d’intérêt avait été lancé en juillet 2021 par l’éco-organisme Citeo, entreprise à mission, sans but lucratif, créée par des acteurs du secteur de la grande consommati­on et de la distributi­on afin de réduire l’impact environnem­ental de leurs emballages.

L’objectif de cet AMI est de créer sur le territoire national une capacité de traitement de 75.000 tonnes induite par ce déploiemen­t. Citéo a désigné trois lauréats à l’issue de sa consultati­on : Suez, à Razimont (Vosges), Environnem­ent Massif Central, à Mende (Lozère), et Bourgogne Recyclage, à Ruffey-LèsBeaune (Côte-d’Or). « Nous créons l’unité la plus importante, d’une capacité de 30.000 tonnes par an, et qui sera atteinte dès l’entrée en service », précise Geoffroy Sécula, codirigean­t de Bourgogne Recyclage.

Des centres de “sur-tri” pour séparer des flux de plastiques très mélangés

Afin de réaliser la séparation de tous ces emballages plastiques, le tri se fera désormais en deux étapes. La première étape sera assurée par le centre de tri des collectivi­tés locales qui produiront un premier tri regroupant différents plastiques rigides appelé

« flux développem­ent ».

Ce flux développem­ent sera ensuite envoyé, sous forme de balles, dans des centres de « sur-tri », tel que celui qui se construit sur le site de Bourgogne Recyclage, permettant de séparer les différente­s familles de plastiques pour les orienter vers leurs filières de recyclage respective­s (filières existantes ou en développem­ent).

Ainsi, alors que les centres classiques trient essentiell­ement 2 sortes de plastiques (PET et PEHD), le futur centre de sur tri de Bourgogne Recyclage pourra trier sept sortes de plastiques différents - sans compter qu’à terme les capacités de sélection du centre pourront atteindre jusqu’à 12 matières distinctes, en fonction des évolutions des marchés et de la société.

« L’intérêt de cette nouvelle réglementa­tion est de construire des centres de tri spécialisé­s qui soient adaptables dans le futur aux nouveaux plastiques mis sur le marché », précise Geoffroy Secula. « Mais également de s’assurer que l’ensemble des plastiques seront recyclés afin de diminuer l’incinérati­on, encore trop présente aujourd’hui », poursuit-il.

Des matières recyclées... et après ?

Pour construire ce nouveau bâtiment de 3.200 m2, Bourgogne Recyclage a fait appel à une entreprise beaunoise, Néos, qui conçoit et réalise des installati­ons de traitement de déchets solides. Le nouveau centre de sur-tri abritera un équipement de pointe : « Nous nous appuierons sur un process industriel complexe comprenant 15 machines de tri optique pour obtenir une séparation poussée de l’ensemble des plastiques », précise Geoffroy Secula.

Chaque résine de plastique possède sa propre filière de recyclage et de réemploi. Le rôle de Citéo est de les rediriger alors vers les filières de valorisati­on, principale­ment la regranulat­ion en plastiques.

Massificat­ion du tri: Bourgogne Recyclage et Citéo créent le plus grand centre de « sur-tri » des déchets plastiques de France

« Les matières recyclées sont destinées à redevenir des emballages plastiques alimentair­es », explique Éric Fromont, directeur déploiemen­t projets collecte et tri chez Citeo.

Ce nouveau centre de sur-tri profitera au développem­ent du tissu industriel régional. Les entreprise­s ne devront plus aller chercher la matière première à des centaines de kilomètres. Parmi eux, Plastipak de Sainte-Marie-La-Blanche, leader européen dans le recyclage de bouteilles plastiques.

Autre bénéficiai­re : les collectivi­tés, qui s’appuyaient jusque-là sur les centres de tri classique de Dijon, en Côte-d’Or, et de Torcy, en Saône-et-Loire, pourront compléter leur recyclage avec ce nouvel acteur local.

Les premières tonnes sur-triées par cette installati­on sont attendues pour mai 2023. « Grâce à ce projet, près de 30 emplois pérennes et non délocalisa­bles vont être créés », assure Geoffroy Secula.

Un acteur majeur de la restructur­ation nationale

Au travers de ce « laboratoir­e de pointe », capable de recycler demain tous les emballages plastiques, l’ambition des dirigeants de Bourgogne Recyclage est de faire de la région BourgogneF­ranche-Comté « le fer de lance du recyclage des plastiques ».

Au 1er octobre, ces derniers ont d’ailleurs repris Passard (10 millions d’euros de chiffre d’affaires), un récupérate­ur de déchets, notamment les ferrailles et métaux non-ferreux, situé au Creusot et à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire). Avec ce rachat, Geoffroy et Guillaume Sécula placent désormais leur groupe familial comme un acteur majeur de la restructur­ation nationale du secteur des traitement­s des déchets.

___

ANNEXE

« Les filières de recyclage de déchets en France métropolit­aine », rapport à Madame la Ministre de la Transition écologique et solidaire, janvier 2020 (169 p., format PDF, télécharge­able sur le site du gouverneme­nt)

 ?? ?? Actuelleme­nt, seules deux sortes de plastiques sont correcteme­nt recyclés (triés et valorisés, c’est-à-dire rapportant de l’argent) dans les centres classiques, les PET et les
PEHD - grosso modo les bouteilles d’eau et de soda, et les flacons (de lessive, de shampoing, par exemple). Photo d’illustrati­on : stockage de bouteilles et flacons plastiques triés et compressés dans un centre de tri classique près de Laval, en octobre 2011. (Crédits : Reuters)
Actuelleme­nt, seules deux sortes de plastiques sont correcteme­nt recyclés (triés et valorisés, c’est-à-dire rapportant de l’argent) dans les centres classiques, les PET et les PEHD - grosso modo les bouteilles d’eau et de soda, et les flacons (de lessive, de shampoing, par exemple). Photo d’illustrati­on : stockage de bouteilles et flacons plastiques triés et compressés dans un centre de tri classique près de Laval, en octobre 2011. (Crédits : Reuters)

Newspapers in French

Newspapers from France