La Tribune

En France, l’inflation a probableme­nt atteint son pic en 2022

- Fabien Tripier et Aymeric Ortmans

ANALYSE. Selon les estimation­s du Cepremap, la probabilit­é que la hausse des prix s’accélère en 2023 ne serait que de 10 %. La situation apparaît en revanche plus critique en Allemagne. Par Fabien Tripier, Université Paris Dauphine – PSL et Aymeric Ortmans, Université Paris-Saclay.

L’économie française est confrontée à une forte inflation inédite depuis les années 1970. Dans ses prévisions publiées en septembre 2022, la Banque de France prévoit ainsi un taux d’inflation de 5,8 % pour 2022, après 2,1 % en 2021, et 0,5 % en 2020. Pour 2023, les projection­s font état d’un indice des prix à la consommati­on harmonisé (IPCH) dont la hausse serait comprise entre 4,2 % et 6,9 %. La probabilit­é que le pic d’inflation ait été atteint apparaît donc plus forte que la probabilit­é d’une poursuite de la hausse des prix ces prochains mois.

Dans une récente note publiée pour le Centre Pour la Recherche Economique et ses Applicatio­ns (Cepremap), nous confirmons cette hypothèse. Selon nos estimation­s, il y a 10 % de chance que l’inflation dépasse 5,8 % entre octobre 2022 et septembre 2023.

Cet indicateur de risque de forte inflation connaît en outre un léger repli au cours des derniers mois. Il avait atteint son pic en décembre 2021 avec un risque à 10 % de voir l’inflation dépasser 7,26 % au cours de l’année 2022. À titre de comparaiso­n, en décembre 2008, au coeur de la grande récession, il y a avait à l’inverse seulement 10 % de chance de dépasser le seuil d’inflation de 0,9 %.

Comparativ­ement à la France, la situation apparaît plus sensible en Allemagne, où les derniers chiffres font état d’une inflation à 10 % en rythme annuel en septembre 2022. Nous estimons en effet que, outre-Rhin, il y a 10 % de chance que l’inflation dépasse

En France, l’inflation a probableme­nt atteint son pic en 2022

le seuil de 9,1 % au cours de la période de prévision, et dans ce cas, l’inflation moyenne risquée est de 10,1 %.

Ce seuil de risque de forte inflation à 10 % avait en outre atteint sa plus haute valeur en décembre 2021, à 11,6 %, et situe actuelleme­nt à 9,1 % pour la période entre octobre 2022 et septembre 2023. Le pic pourrait donc là aussi être dépassé, mais l’inflation resterait nettement plus forte qu’en France. tensions internatio­nales sur les chaînes de valeur de la Federal Reserve Bank of New York.

Cette méthode a notamment été appliquée précédemme­nt par les économiste­s pour mesurer les risques d’une faible croissance, les risques d’inflation aux États-Unis et dans la zone euro ou encore pour les risques d’inflation des pays de la zone euro.

En France, l’inflation a probableme­nt atteint son pic en 2022

La sensibilit­é du risque de forte inflation aux pressions sur les chaînes de valeur est d’ailleurs près de deux fois plus importante en Allemagne qu’en France. Nous estimons en outre que, si la France avait la même sensibilit­é aux chaînes de valeur que l’Allemagne, le risque de forte inflation aurait été supérieur de 1,65 point de pourcentag­e en moyenne depuis 2020.

La divergence d’inflation pénalise la zone euro

Dans le contexte de la zone euro, une divergence trop forte des taux d’inflation, comme celle décrite ici entre l’Allemagne et la France, constitue une difficulté pour la Banque centrale européenne (BCE) qui dispose d’un instrument unique de politique monétaire et d’une cible unique de taux d’inflation de 2 % à moyen terme.

Cependant, la cible d’inflation étant la moyenne des taux d’inflation des pays de la zone euro pondérée par leur taille, la politique monétaire de la BCE risque dorénavant de pénaliser les économies dont les taux d’inflation divergerai­ent fortement de cette moyenne.

En situation de forte inflation, les économies les plus frappées par l’inflation comme l’Allemagne seraient en effet pénalisées par une réaction insuffisan­te de la BCE laissant s’y développer trop longtemps une inflation importante. À l’inverse, les économies les moins affectées par l’inflation comme la France pourraient être pénalisées par une réaction trop forte du taux d’intérêt ralentissa­nt de manière excessive leur activité économique.

L’évolution du contexte politique et économique internatio­nal sera donc crucial, par ses effets sur les chaînes de valeur, pour limiter la divergence des risques d’inflation entre les économies allemande et française documentée dans notre note et, plus largement, le risque de fragmentat­ion de la zone euro.

Par Fabien Tripier, Professeur d’économie et chercheur à l’observatoi­re macro du CEPREMAP, Université Paris Dauphine - PSL et Aymeric Ortmans, Doctorant, Université Paris-Saclay

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversati­on.

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(Crédits : DADO RUVIC)
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