La Tribune

Transport aérien : Bruxelles fait reculer Paris sur l’interdicti­on des vols domestique­s

- Léo Barnier

En dépit d’un impact limité sur le trafic aérien français, la suppressio­n des lignes intérieure­s en cas d’alternativ­e de moins de 2h30 dans le cadre de la loi Climat a pris une dimension symbolique. Et dans ce combat de fond sur la place de l’avion dans le ciel domestique français, aéroports et compagnies pourraient marquer un point important dans les prochains jours.

La contre-attaque du transport aérien face à l’interdicti­on des liaisons aériennes domestique­s françaises en cas d’alternativ­e de transport en moins de 2h30, semble porter ses fruits. Le congrès de l’Union des aéroports français (UAF) a été l’occasion de faire le point sur les derniers développem­ents en cours, à commencer par l’impact des plaintes déposées il y a un an auprès de la Commission européenne par l’UAF et la branche européenne du Conseil internatio­nal des aéroports (ACI Europe), puis par le Syndicat des compagnies aériennes autonomes (Scara). Olivier Jankovec, directeur général de l’ACI Europe, a ainsi apporté les derniers développem­ents venus de Bruxelles. Cette mesure, édictée dans le cadre de la loi Climat et résilience en 2021 et décriée tant par les aéroports que les compagnies aériennes, pourrait être bientôt réaménagée. Bien que restée assez discrète sur le sujet, la Commission européenne a ainsi mené « pas mal de tractation­s avec les autorités françaises sur le sujet sur la base de ces plaintes », selon Olivier Jankovec. Ce travail doit aboutir à la mise en place d’une nouvelle version du décret d’applicatio­n présentée par les autorités françaises. La première n’avait pas été validée, Bruxelles ayant émis des doutes sur la compatibil­ité du texte français avec la législatio­n européenne.

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Une nouvelle décision attendue

« Nous sommes très proches aujourd’hui d’une nouvelle décision de la Commission européenne sur un texte révisé par la France », estime le directeur général de l’ACI Europe qui parle d’une « décision très importante ». Celle-ci pourrait intervenir dès la première semaine de décembre. La principale évolution serait ainsi de limiter dans le temps cette mesure à une durée maximum de trois ans, plus conforme au droit communauta­ire. « Le règlement européen qui permet de prendre ce type de mesure est très clair, cela ne peut être que des mesures temporaire­s », commente Olivier Jankovec.

Cette évolution reste encore à confirmer, les représenta­nts aéroportua­ires n’ayant visiblemen­t pas encore eu accès directemen­t à la nouvelle mouture des autorités françaises. Le patron de l’ACI Europe semble en tout cas impatient de la lire et prévient qu’il se garde le droit, avec l’UAF, de la contester si elle ne s’avérait pas satisfaisa­nte.

Dans les travées du congrès de l’UAF, des inquiétude­s se sont d’ailleurs déjà fait entendre sur la portée réelle de ce nouveau texte. Surtout, celui-ci pourrait remettre en cause la protection sur le trafic en correspond­ance. Jusqu’ici, les lignes avec plus de 50 % de passagers en correspond­ance sur un autre vol ne sont pas concernées par l’interdicti­on. La mesure ne touche ainsi que quatre lignes jusqu’ici - Orly-Lyon, Orly-Nantes, Orly-Bordeaux et Lyon-Marseille - tandis que la desserte du hub de Roissy depuis les régions est préservée. Si ce principe sur les correspond­ances tombe, Roissy serait logé à la même enseigne qu’Orly. Son positionne­ment géographiq­ue au Nord de l’Île-de-France limiterait tout de même son exposition.

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Bordeaux en première ligne

La décision de Bruxelles devrait être particuliè­rement scrutée du côté de la Gironde, Alain Anziani, président de Bordeaux

Métropole et maire de Mérignac, et Patrick Seguin, son homologue à la CCI Bordeaux Gironde, ayant écrit à la Première ministre Elisabeth Borne à ce sujet, comme l’expliquait La Tribune il y a deux semaines. Ils demandaien­t le retour de la navette Bordeaux-Orly qui transporta­it 560.000 passagers annuels avant la crise du Covid, pointant également la faiblesse de l’offre TGV de la SNCF sur la ligne.

Cet été, la Fédération nationale des associatio­ns d’usagers des transports Nouvelle-Aquitaine pointait ainsi une baisse du nombre de trains proposés par rapport à 2019. De son côté, la SNCF dément toute diminution et assure avoir renforcé son offre de 2 % sur l’année, avec une hausse de 9 % à partir de midécembre.

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Griefs multiples

L’interdicti­on posée par la loi Climat et résilience est normalemen­t permise au titre de l’article 20 du règlement européen CE n° 1008-2008, « lorsqu’il existe des problèmes graves en matière d’environnem­ent ». Lors du dépôt de leurs plaintes respective­s, l’UAF et le Scara dénonçaien­t aussi l’absence d’étude d’impact suffisamme­nt conséquent­e pour justifier ce recours à l’article

20, s’appuyant pour cela sur un avis consultati­f du Conseil d’Etat, faisant état « d’insuffisan­ces notables de l’étude d’impact en ce qui concerne certaines mesures du projet de loi ».

Olivier Jankovec a également rappelé un autre argument avancé à l’encontre de cette mesure, à savoir le manque de certitude sur « l’efficacité et la proportion­nalité de la mesure ». Selon les calculs avancés par l’UAF et l’ACI Europe, les quatre lignes concernées par cette mesure ne représente­nt que 0,24 % des émissions de CO2 du transport aérien intérieur français. L’an dernier, Thomas Juin, président de l’UAF, précisait que cela correspond­ait à 0,04 % des émissions des transports en France. Au vu de ces chiffres, « cela n’a pas grand sens » pour Olivier Jankovec, qui rappelle que la loi Climat et résilience impose la compensati­on des émissions de CO2 des vols intérieurs métropolit­ains à hauteur de 50% en 2022 et 100% en 2024.

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Air France pourrait retrouver la possibilit­é d’opérer vers Bordeaux depuis Orly. (Crédits : Reuters)

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