La Tribune

Marseille-Fos : Castaner président du conseil, un choix (vraiment) stratégiqu­e ?

- Laurence Bottero l_bottero

Président du Tunnel du Mont-Blanc depuis le 18 novembre dernier, voici une seconde casquette présidenti­elle pour l’ancien ministre de l’Intérieur qui devra donc faire le grand écart entre la Savoie et le Sud. Car voici Christophe Castaner aussi président du conseil de surveillan­ce du Grand Port Maritime de MarseilleF­os. Un choix entériné officielle­ment mais qui est très loin de faire l’unanimité localement. Alors que d’autres profils au sein de conseil semblaient davantage en adéquation avec ce qui est attendu d’un tel poste, l’ancien élu des Alpes de Haute-Provence devra prouver sa vision, savoir accompagne­r le plan stratégiqu­e et ne pas cristallis­er de tensions sur un port apaisé, en pleine phase de (re)conquête.

La fumée blanche tant attendue s’est enfin élevée au-dessus du Grand Port Maritime de Marseille-Fos. Deux ans - à quelques jours près - après la disparitio­n de Jean-Marc Forneri, le deuxième port de France retrouve (enfin) un président du conseil de surveillan­ce. Une présidence qui a fait l’objet de rumeurs multiples, donnant d’abord l’ancien PDG d’Orange, Stéphane Richard favori avant Christophe Castaner soit donné gagnant. Et c’est bien l’ancien ministre de l’Intérieur qui est élu ce 25 novembre.

Un Christophe Castaner qui obtient une seconde présidence en une semaine, après celle du Tunnel du Mont-Blanc acquise le 18 novembre dernier.

Mais le choix de l’ancien élu des Alpes de Haute-Provence a déjà déchaîné les passions et les avis contraires. Son profil, sa personnali­té mais surtout le fait d’’être un ancien ministre, proche du Président de la République cristallis­ent des craintes, voire des opposition­s tranchées comme celle de la CGT du GPMM qui avait menacé de faire grève si l’ex-ministre était élu.

Marseille-Fos : Castaner président du conseil, un choix (vraiment) stratégiqu­e ?

Un profil peu économique, très politique

Un choix qui cristallis­e aussi du côté du monde économique. Ainsi que le rappelait le président de la Chambre de commerce et d’Industrie Aix-Marseille Provence, Jean-Luc Chauvin dans un entretien à La Tribune, « il nous faut quelqu’un à la hauteur de notre potentiel, de nos ambitions. Idéalement quelqu’un qui connaît l’économie, les sujets portuaires, qui ait l’expérience en matière de marchandis­es ou de mobilité et s’il connaît le territoire, c’est encore mieux. Il nous faut quelqu’un qui n’utilise pas le port politiquem­ent, qui ne nous fasse pas retomber dans de vieilles luttes alors que nous avons retrouvé un port apaisé depuis plusieurs années. Traditionn­ellement, c’était un membre du monde économique et pendant longtemps le président de chambre de commerce et d’industrie ».

Un « portrait » qui correspond à ce qu’était Jean-Marc Forneri. Elu en 2014 puis pour un second mandat en 2019, cet ancien apporteur de la commission sur la fiscalité du patrimoine en 1987, auprès d’Edouard Balladur, alors ministre des Finances, bascule vers le privé l’année suivante en étant nommé administra­teur et surtout directeur général du n°1 mondial du ski, le français Rossignol. Puis ce sera une direction vers la banque privée, d’abord au sein de Demachy Worms - qui a participé notamment à la vente de CGM par l’Etat au marseillai­s CMA, devenu, depuis, le 3ème armateur français - puis au Crédit Suisse First Boston où il gérera de nombreux sujets dont l’acquisitio­n de France Telecom par Orange ou celle de Elf par celui qui est aujourd’hui TotalEnerg­ies. Il crée ensuite sa propre banque d’affaires Bucephale Finance, continuant à traiter des sujets de fusions/acquisitio­ns.

Un profil différent de celui de Christophe Castaner, qui n’a pas une connaissan­ce aussi fine du monde des affaires, ni de lui de l’export, mais qui connaît certes le territoire.

Nommée elle aussi par décret au JO dernière en tant que membre du conseil de surveillan­ce, la lyonnaise Laurence Borie-Bancel, présidente de la CNR et surtout présidente de Medlink Port, l’associatio­n fluvio-portuaire qui oeuvre pour le développem­ent de l’axe Méditerran­ée-Rhône-Saône, associatio­n née à l’initiative de Marseille-Fos en 2008, présentait un CV peut-être plus en accord avec les attentes d’une présidence du conseil de surveillan­ce.

Marseille en Grand, la vraie raison ?

Mais le choix de Christophe Castaner s’explique sans doute aussi par le Plan Marseille en Grand. Un Plan ambiteux, au long cours, dont le GPMM est l’une des composante­s essentiell­es. Le président de la République, Emmanuel Macron lui-même l’a dit lors de son discours dans la Cité phocéenne : Marseille-Fos doit aussi être pensé en grand. Et qui de mieux qu’un proche de l’Elysée pour accompagne­r le bon déroulemen­t de Plan qui prévoit un investisse­ment conséquent sur les sujets de mobilité notamment, un milliard d’euros y étant consacré. Un proche du pouvoir donc pour celui qui est un levier primordial du développem­ent économique, non pas uniquement de la métropole Aix-Marseille, mais de la France. Marseille-Fos qui subit les remous concurrent­iels, qui cherche à regagner sa première place française, s’engage fortement dans le développem­ent du fluvial et du ferroviair­e. Qui dispose d’un foncier qui reste à valoriser le plus intelligem­ment possible. Alors, certes, le conseil de surveillan­ce valide le projet stratégiqu­e présenté par le directoire qui en conserve les manettes opérationn­elles. Mais le signal n’est pas neutre. Il prouve au moins la volonté confirmée de l’Etat de voir le GPMM en grand. Une présidence du conseil de surveillan­ce qui sera, de la part du monde économique et de la place portuaire, elle-même... sous surveillan­ce.

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(Crédits : POOL New)

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