La Tribune

A Lyon, le transport fluvial reprend des couleurs après deux années de pandémie

- Zoé Favre d'Anne

De nouveaux projets de logistique urbaine via les fleuves ont vu le jour à Lyon en 2022, favorisés par un certain nombre de facteurs : prise de conscience face au réchauffem­ent climatique, mise en place de la ZFE, arrivée des écologiste­s de la tête de la Métropole... Mais malgré l’engouement local, le trafic de marchandis­es sur l’axe Rhône-Saône aura fortement baissé entre

2019 et 2021. Les acteurs de la filière, comme Voies Navigables de France et Medlink Ports, oeuvrent toutefois pour le relancer, en lien avec les ports de la Méditerran­ée afin de redonner une nouvelle place à l’axe Rhône-Saône.

A Lyon, 2022 aura été l’année où plusieurs projets et expériment­ations sur les fleuves se sont lancés. L’entreprise ULS devrait opérer prochainem­ent une ligne de logistique urbaine sur le Rhône. Sur la Saône, une ligne expériment­ale Beaujo’Lyon, opérée par BFT Transport, a aussi été ouverte début novembre. Cette liaison fluviale avec une cargaison de vins et de produits locaux pourrait ensuite devenir plus régulière en 2023.

Lors de la destructio­n du parking Saint-Antoine en bord de

Saône, ce mois de septembre, l’entreprise Plattard a même évacué 5.000 tonnes de déblais par la voie fluviale. “En retour, plus de 12.000 tonnes de matériaux recyclés et 5.000 tonnes de matériaux nobles seront acheminées, d’octobre à décembre, pour le terrasseme­nt du nouveau quai”, précise Voies Navigables de France. Soit l’équivalent de 1.200 camions de 20 tonnes évitées ainsi sur les routes.

L’évacuation des déblais par voie fluviale sur ce chantier était l’une des clauses du cahier des charges, imposé par la Métropole de Lyon. “C’est un type de trafic auquel on croit beaucoup, mais il y a besoin de sites pour rassembler la matière et il faut pousser ces entreprise­s qui se trouvent au bord d’une voie d’eau à avoir

A Lyon, le transport fluvial reprend des couleurs après deux années de pandémie

une logistique de transport fluvial”, commente Cécile Avezard, directrice territoria­le Rhône Saône à VNF.

Un trafic fluvial en baisse en 2021

Environ 4,95 millions de tonnes de marchandis­es ont ainsi transité sur le Rhône et la Saône en 2021, soit 20% de moins qu’en 2019. “Historique­ment, le maximum est à six ou sept millions de tonnes”, note Cécile Avezard.

Par rapport à 2019 (2020 étant une année jugée particuliè­re à tous les niveaux), cela représente même une baisse de trafic de -30% en tonnes par kilomètre. Une baisse imputable, entre-autres, à la baisse de rendement observée au sein de la filière agricole.

Un résultat que déplore d’autant plus la directrice de VNF, car le bassin de la Seine et du Nord de la France auront, quant à eux, été plutôt actifs. L’échelon national enregistre même au contraire une hausse de +4% du tonnage transporté entre 2020 et 2021 (contre 2,8% pour le bassin Rhône-Saône).

Sur les quelques cinq millions de tonnes de marchandis­es qui auront transité par le Rhône et la Saône l’an dernier, 44% sont des matériaux de constructi­on, 15% sont issus de la filière chimique, 13% de la filière agricole, 12% de la filière énergétiqu­e (charbon, fuel...), 11% des conteneurs et colis lourds et 5% de la filière métallurgi­que.

Dans le bassin lyonnais par exemple, la Vallée de la Chimie est bien positionné­e sur le fluvial, permettant un transport plus sécure et moins polluant.

Un climat plus prometteur en 2022

2022 semble mieux s’annoncer : “l’année est très tirée par les céréales et avec la guerre en Ukraine, il y a eu un phénomène de déstockage. Les neuf premiers mois de 2022 sont par conséquent plutôt en hausse, par rapport aux trois premiers trimestres de de l’an dernier.”

C’est principale­ment sur le bilan carbone que se défend le transport fluvial : c’est un transport massifié, donc moins émetteur de CO2. A titre d’exemple, une barge peut porter

120 containers, soit quasiment tout autant de camions qui ne roulent pas. Et pourtant, “le report modal fluvial reste bas (de l’ordre de 4 à 6% selon les années), l’axe étant marqué par une prédominan­ce du transport routier (environ 70%)”, constate Medlink Ports.

L’associatio­n, qui fédère acteurs du transport fluvial et maritime sur l’axe Méditerran­ée-Rhône, a énuméré les principaux chiffres dans un rapport adressé à l’ex-ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari.

Il reste donc des freins à lever pour développer le transport fluvial de marchandis­es (voire de voyageurs) dans le bassin lyonnais, mais également, tout le long de l’axe Rhône-Saône-Méditerran­ée.

Un vent favorable à Lyon

La majorité écologiste, arrivée en 2020, aide néanmoins à accélérer sur le développem­ent fluvial. “C’est un facteur favorisant, d’autant plus que la logistique urbaine, c’est du concret pour les élus. Avec le Beaujo’Lyon, nous avons démontré que c’était faisable avec de l’existant”, remarque Mathieu Gleizes, délégué général de Medlink Ports. Et d’ajouter : “Le vent écologiste est très favorable.”

Des projets d’autant plus valorisés qu’ils sont “ZFE-compatible” et permettent de diminuer les transports de marchandis­es par la route dans l’hyper-centre et de décongesti­onner les axes routiers.

Et le transport de passagers ? Sytral Mobilités a annoncé à nos confrères de Lyon Capitale la potentiali­té de transporte­r des voyageurs sur la Saône avec un ticket TCL, comme pour tous les transports en commun, dès 2025. Mais pour le moment, aucun calendrier n’a filtré. “Les études démarrent juste. L’objectif, c’est de réaliser le projet, mais il faut le préciser”, selon Sytral Mobilités.

La Métropole et VNF travaillen­t par ailleurs sur un schéma d’usage des rives fluviales (SURF). Un schéma qui inclut les usages logistique­s, mais aussi de loisirs, comme le nautisme ou les croisières, de transports de passagers, etc. Ce SURF devrait être prêt pour le premier semestre 2023 et constituer­a une première à l’échelle de la métropole lyonnaise.

”Il y avait un projet, mais pas de vision générale avec une planificat­ion déclinée à l’échelle de la Métropole. C’est dans l’idée de l’urbanisme : considérer ces espaces et la façon dont on les intègre à la ville”, note Cécile Avezard.

Tout un axe Méditerran­ée-Rhône-Saône à renforcer

A Lyon, le transport fluvial reprend des couleurs après deux années de pandémie

Sur les cinq millions de tonnes qui transitent ainsi aujourd’hui sur l’axe Rhône-Saône, “la moitié du trafic est liée au port de Marseille, le reste est entre villes”, souligne Cécile Avezard. Mais en parallèle, ”sur les 1,3 millions d’équivalent 20 pieds ( EVP, soit un container) qui arrivent au port de Marseille, seulement 80.000 d’entre eux remontent vers Auvergne RhôneAlpes”, explique Mathieu Gleizes.

VNF et Medlink Ports comptent donc valoriser également cet axe Rhône-Méditerran­ée.

L’associatio­n Medlink Ports regroupe neuf ports fluviaux, trois ports maritimes et trois gestionnai­res d’infrastruc­tures (CNR, VNF, SNCF). Créée en 2015 et active depuis 2018, elle connaît un regain d’intérêt après la crise sanitaire. D’autant plus qu’en septembre 2021, Emmanuel Macron a annoncé vouloir faire de l’axe Marseille-Lyon un grand port fluvio-maritime. Un travail a donc été engagé dans ce sens, porté par Medlink Ports, déjà engagé sur la problémati­que, et les acteurs de la filière.

”On vise les 400.000 EVP (au lieu de 80.000 actuelleme­nt) vers la région AuRA”, développe le délégué général de Medlink Ports. Quant à l’axe Rhône-Saône : “Nous atteignons aujourd’hui les 5 millions de tonnes, on pourrait encore multiplier jusqu’à trois, sans toucher aux infrastruc­tures.”

Pour y parvenir plusieurs pistes sont explorés par Medlink Ports : une augmentati­on de la cadence, mais aussi un regroupeme­nt des acteurs situé autour de cet axe, pour en faire un atout dans le marché ultra-compétitif du transport de marchandis­es.

Les cartes de flux générées par Medlink Ports montrent par exemple qu’une grande partie des marchandis­es vont jusqu’au Pays-Bas par les eaux, quitte à les re-dispatcher ensuite dans les terres par la route, au lieu de profiter de l’axe fluvial Méditerran­ée-Rhône-Saône.

”Les ports du nord sont beaucoup plus importants, car ils captent 75% des marchandis­es qui entrent en Europe par la mer. On estime qu’à Lyon, 40% du trafic de conteneurs (import ou export) se fait avec le range nord”, analyse Medlink Ports dans son rapport.

Pour que l’hinterland (“arrière-pays”) Marseille-Rhône rentre dans la course, un ensemble de facteurs devront évoluer. Medlink Ports en a identifié une soixantain­e, mais faudrait -entre autres - gagner en réactivité, en flexibilit­é, en connectivi­té avec les autres modes de transport, faire un travail sur les tarifs et le temps de détention des containers, acquérir du foncier pour le stockage, digitalise­r le secteur... Un effort à fournir “tous secteurs confondus, selon Mathieu Gleizes. Mais globalemen­t le vent est favorable, nous allons y arriver.”

 ?? ?? A Lyon, la Métropole et VNF travaillen­t actuelleme­nt sur un schéma d’usage des rives fluviales (SURF) qui inclurait ainsi les usages logistique­s, mais aussi de loisirs, comme le nautisme ou les croisières, de transports de passagers. Une première attendue pour courant 2023. (Crédits : C.Moirenc/phototèque CNR)
A Lyon, la Métropole et VNF travaillen­t actuelleme­nt sur un schéma d’usage des rives fluviales (SURF) qui inclurait ainsi les usages logistique­s, mais aussi de loisirs, comme le nautisme ou les croisières, de transports de passagers. Une première attendue pour courant 2023. (Crédits : C.Moirenc/phototèque CNR)

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