La Tribune

Faut-il devenir daltonien pour revenir au plein-emploi ?

- Philippe Mabille @phmabille

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. Prêts pour les frimas de l’hiver. Entre autres solutions, certaines entreprise­s expériment­ent le travail de nuit pour sauver leurs usines et leurs emplois. Pour les chômeurs, la période est verte donc le gouverneme­nt leur propose de traverser plus vite la rue pour retrouver du boulet. Mais qui dit que la réforme aura le temps de s’appliquer avant que la météo sociale ne passe au rouge ?

Et vous aussi vous boycottez la Coupe du Monde au Qatar ? N’avez-vous rien acheté pour le Black Friday ? Bravo, vous avez gagné le droit de prendre un bon bain chaud pour supporter le début des frimas de l’hiver en regardant d’un oeil France-Danemark. Une chose est sûre, ce n’est pas le Qatar qui gagnera la finale ! Attention toutefois à ne pas épuiser d’un coup toutes nos réserves de gaz (russe ou qatari et d’ailleurs), car Météo France prévoit un début décembre glacial avec l’arrivée d’un « puissant blocage scandinave » lié à la poussée d’un anticyclon­e venu de

Sibérie. En ce moment, tout ce qui vient de Russie n’est pourtant pas bienvenu...

Profitez du dernier week-end de novembre pour compléter votre collection de Damart et de cols roulés et lisez l’excellente synthèse de notre journalist­e Energie Juliette Raynal pour « tout savoir » sur le blackout électrique que l’on espère encore éviter, mais ce n’est pas certain. Si vous avez vraiment peur de manquer de courant, investisse­z dans un groupe électrogèn­e, si vous en trouvez car il paraît que la pénurie menace.

Pour vous chauffer, vous pouvez aussi passer au bois, même si c’est un peu tard. Et surtout, raconte Coline Vazquez, ce n’est pas si écologique, en tout cas pas pour la qualité de l’air. Le bois de chauffage, c’est joli, mais cela émet plus de particules fines que les voitures diesel... L’inquiétude des Français risque de monter aussi vite que leurs factures d’énergie vont s’indexer sur la baisse des températur­es. Près de 4 Français sur 10 craignent de ne pas pouvoir payer toutes leurs factures.

Faut-il devenir daltonien pour revenir au plein-emploi ?

Les conséquenc­es économique­s de la crise de l’énergie commencent à semer la panique. Le chef économiste de la BCE, la banque centrale européenne a déclaré vendredi que la hausse des salaires en zone euro maintiendr­ait l’inflation à un niveau élevé et ce même après la fin de la pandémie et de la crise énergétiqu­e. Tant pis pour celles et ceux qui croient encore au père Noël du retour de l’inflation sous les 2% d’ici un an, ou deux, ou plus...

Back to the Seventies ? Pas forcément, explique Robert Jules qui a lu une étude de chercheurs du FMI selon qui une hausse des salaires ne déclenche pas forcément une spirale inflationn­iste. Les responsabl­es politiques ne l’ont visiblemen­t pas encore vu : « Nous ne sommes pas dans une économie administré­e », répondait à la fin du mois dernier Emmanuel Macron, à ceux qui réclamaien­t une indexation des salaires sur l’inflation (+6,2% sur un an en octobre).

Les entreprise­s commencent aussi à s’adapter à la nouvelle normalité inflationn­iste. Des usines négocient des accords avec leurs salariés pour permettre de travailler temporaire­ment la nuit, lorsque l’électricit­é est moins chère, en contrepart­ie de hausses de salaire. Dormir moins pour gagner plus, nous avons trouvé trois entreprise­s qui ont déjà fait ce choix en Normandie et dans le Grand Est, racontent nos correspond­ants, Nathalie Jourdan et Olivier Mirguet.

« Ce qui nous manque, c’est un Fessenheim », a expliqué Jean-Laurent Bonnafé, le directeur général de BNP Paribas lors d’une récente rencontre avec la presse. Ce grand banquier, ingénieur des Mines, a consacré l’essentiel de son interventi­on devant les journalist­es à la décarbonat­ion de l’économie, et évoqué la fin (du financemen­t) du charbon pour 2030 et celle de l’ère du pétrole pour 2037 en Europe, qui cessera de produire des véhicules thermiques en 2035. A cette prédiction optimiste répond la déclaratio­n tonitruant­e de Patrick Pouyanné, le patron de TotalEnerg­ies qui, auditionné à l’Assemblée nationale, appelle à construire 15 ou 20 réacteurs nucléaires en plus pour faire de l’hydrogène décarboné en France... En France, on a pas de pétrole mais on a des idées : reste à les financer, car ces nouvelles centrales, il faudra bien les payer... L’équation promet bien des nuits blanches au tout nouveau PDG d’EDF, Luc Rémont, enfin en place pour un hiver studieux. Notre confort domestique dépend en grande partie de lui...

La semaine qui s’achève a été celle de l’industrie. Une fois par an, on célèbre ainsi l’usine qui n’est plus aussi polluante et pénible qu’autrefois, nous dit le ministre délégué en charge à Bercy,

Roland Lescure, dans un entretien exclusif. La longue marche vers l’industrie décarbonée est engagée, dans un contexte rendu plus difficile par la crise de l’énergie. L’Etat fera ce qu’il faut pour soutenir les filières qui s’engagent sur ce chemin, à commencer par les 50 sites les plus pollueurs de France.

Pour aller plus vite, une des innovation­s en vogue serait de capturer et de stocker le carbone. Marine Godelier explique pourquoi cette solution n’est pas si miraculeus­e, en raison d’une équation économique encore bien incertaine.

Au terme d’une COP 27 bien décevante, malgré un effort pour les pays émergents, « la COP est pleine », nous raconte Bertrand Piccard. Le président de Solar Impulse Foundation nous a livré aussi ses impression­s à chaud très chaud post-COP dans un entretien vidéo où il revient sur la montée en force d’une écologie radicale qui conduit des jeunes gens à jeter de la peinture sur des oeuvres d’art ou à bloquer des routes. Attention, dit-il, à ce qu’à force de faire peur, l’écologie n’arrive pas au résultat opposée à celui recherché...

Sinon, jusqu’ici tout va bien : malgré la récession qui pointe, les bourses pourraient connaître une fin d’année heureuse, nous promet Eric Benhamou. Bonne nouvelle pour Jean-Noël Barrot, ministre délégué à la Transition numérique, qui a défié la French Tech d’envoyer 10 licornes en Bourse en Europe d’ici à la fin de 2025, dont deux avec une capitalisa­tion de plus de 5 milliards d’euros. Un objectif tout à fait réalisable si la conjonctur­e s’améliore, estime Sylvain Rolland, même si pour l’heure, cela ressemble encore à un miracle de Noël !

Tout va très bien aussi pour les rémunérati­ons des patrons du CAC 40 qui, à près de 8 millions d’euros en moyenne sur la base des résultats 2021 mirifiques, atteignent de nouveaux records. Ce sera moins Noël en revanche pour les chômeurs qui, au terme de la loi votée cette semaine, verront leur durée d’indemnisat­ion amputée de 25% sauf dans quelques situations dérogatoir­es. Le système français reste généreux mais moins. Olivier Dussopt, le ministre du Travail en espère 100 à 150.000 retours à l’emploi. Pour faire passer la pilule, le gouverneme­nt a inventé une nouvelle météo du chômage. La réforme ne s’appliquera pas en période « rouge », si le marché de l’emploi se dégrade brutalemen­t ou si le taux de chômage dépasse 9%. Comme il est actuelleme­nt de 7,3% et que les entreprise­s peinent à recruter, nous sommes en période « verte ». Espérons que cela restera le cas l’an prochain, car sinon, il faudra être daltonien pour croire à la réalisatio­n de l’objectif de plein emploi...

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(Crédits : SARAH MEYSSONNIE­R)
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