La Tribune

Le low-cost long-courrier refait surface : après Jetblue, Norse Atlantic tente sa chance à Paris

- Léo Barnier

Après JetBlue, c’est au tour de Norse Atlantic Airways de débarquer à Paris. Après avoir longtemps fait figure d’Arlésienne, puis avoir vu son émergence balayée par la crise, le low cost long-courrier refait surface. Mais les acteurs semblent plus modestes dans leurs ambitions, bien décidés à consolider leur marché avant tout, à l’image de ce que peut faire French Bee depuis quelques années. .

Après Oslo, Londres et Berlin, Norse Atlantic Airways débarque à Paris pour relier New York. Se réclamant du low cost long courrier, mais offrant un modèle davantage hybride, la compagnie norvégienn­e poursuit son développem­ent transatlan­tique va tenter de réussir, là où Primera Air, Wow Air, XL Airways et d’autres se sont cassés les dents disparaiss­ant avant même la crise, sans oublier la très ambitieuse division long-courrier de Norwegian Air Shuttle, qui s’est effondrée comme un château de cartes après un fort et rapide développem­ent. Norse s’appuie d’ailleurs sur l’expérience de cette dernière - ainsi que sur ses anciens appareils et une partie de son personnel - pour s’en tenir à des plans de développem­ent bien plus modestes.

Le premier vol de Norse entre Paris et New York est prévu le 26 mars 2023, en Boeing 787-9. Le service débutera par un vol quotidien, avec un avion et une centaine de personnels basés à Roissy-Charles de Gaulle, comme le révèle Bjørn Tore Larsen, directeur général et fondateur de la compagnie, de passage à Paris. L’ancien spécialist­e du maritime, encore novice dans l’aérien, se dit convaincu du potentiel de son futur Paris-CDG -New York-JFK, tant sur le marché français qu’américain qu’il veut adresser à parité. Celui-ci est pourtant déjà largement desservi, que ce soit par des transporte­urs traditionn­els (Air France, United Airlines, Delta Air Lines, American Airlines), à bas coûts (French Bee, JetBlue à partir de l’été 2023) ou encore pleinement affaires (La Compagnie).

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L’héritage indirect et compliqué de Norwegian

La concurrenc­e ne décourage pas le patron de Norse, qui est également actionnair­e principal de la compagnie avec presque un quart du capital. Il veut faire de Paris une « place très importante » de son réseau européen derrière Londres, et évoque son ambition de renforcer son offre entre la France et les Etats-Unis, d’abord vers New York puis vers d’autres villes américaine­s. Bjørn Tore Larsen se réserve ainsi la possibilit­é d’ajouter des appareils basés par la suite et donc du personnel en conséquenc­e. Pour chaque appareil supplément­aire, il table sur une centaine d’employés supplément­aires. Il assure d’ailleurs que tous les recrutemen­ts - dont une partie a déjà été réalisée seront des emplois directs et de droit français.

Prompt à affirmer qu’il n’y a pas de lien de parenté avec Norwegian Air Shuttle - le licencieme­nt de 90 % des salariés n’est pas un héritage dont il se réclame - Bjørn Tore Larsen a tout de même retenu les leçons de l’échec de cette dernière. Pas question pour lui de commander des dizaines et des dizaines de Boeing et d’Airbus (puis de les annuler). Le dirigeant ne souhaite pas grandir trop vite, persuadé que « c’est facile de gagner de l’argent quand tout va bien » et qu’il faut d’abord réussir à passer au travers des mauvais moments avant de penser à grandir.

Le patron de Norse se veut ainsi en rupture avec Bjørn Kjos, cofondateu­r et directeur général de Norwegian jusqu’en 2019, qui a fait prendre le tournant du low cost à la compagnie dans les années 2000 puis de la croissance excessive. Celui-ci est aujourd’hui actionnair­e minoritair­e de Norse, après avoir été rapidement embarqué dans le projet et offert ses conseils, mais il ne joue aucun rôle managérial, affirme Bjørn Tore Larsen. Selon lui, quasiment aucun cadre dirigeant n’est issu de Norwegian et les seuls anciens de la compagnie passés chez Norse sont les membres d’équipage qui ont postulé lors des campagnes de recrutemen­t. Il oublie seulement de préciser que Bjørn Kjos est l’un des trois membres du conseil d’administra­tion de Norse.

Modèle hybride...

A en croire son fondateur, Norse se positionne sur un marché de niche, très spécifique. Il estime que celui-ci est notamment différent de celui visé par la redoutable compagnie américaine JetBlue avec ses avions monocouloi­rs long-courrier A321LR/XLR (Long range/Extra long range). Le dirigeant visualise davantage sa compagnie comme « hybride » et entend tirer parti de toutes les sources de profits, même celles qui ne sont pas traditionn­ellement recherchée­s dans le modèle à bas coût.

C’est le cas du cargo, avec un emport pouvant monter à 30 tonnes sur le Dreamliner selon les vols et le remplissag­e, impossible sur les monocouloi­rs. Cette activité pourrait représente­r jusqu’à 15 % des revenus de la compagnie Norse, mais son patron prévient que ce type de business met du temps à se construire. Dans la même veine, il compte bien optimiser l’utilisatio­n des avions pendant la basse saison, en programman­t des opérations de maintenanc­e certes, mais aussi en réalisant des vols charters ou en plaçant ses avions en location chez d’autres opérateurs ou encore auprès de l’OTAN.

Comme le faisait Norwegian, Norse mise aussi sur un niveau de service élevé et un bon confort à bord « avec un pitch (espacement entre les sièges) aussi bien ou meilleur que celui de n’importe quelle compagnie traditionn­elle », selon son patron. Ses 787-9 sont configurés en deux classes avec une cabine de 56 sièges premium à l’avant, pour un confort situé entre une premium economy et une classe affaires, et 282 sièges en classe économique. « Nous sommes low cost car nous avons un modèle économique très simple, mais il n’y a rien de low cost dans notre produit », ajoute-t-il.

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... ou modèle low cost

Norse conserve tout de même des critères purement low cost. Très satisfait de sa flotte de 15 Boeing 787-9, Bjørn Tore Larsen se félicite en premier d’avoir « le coût en capital le plus bas de l’industrie pour ce type d’avion ». La compagnie n’a d’ailleurs levé que 200 millions de dollars jusqu’ici pour lancer son activité.

Les Dreamliner de Norse sont pour la plupart d’anciens appareils de Norwegian Air Shuttle, avec quatre ans d’âge en moyenne, ainsi que de quelques appareils neufs, pour lesquels Bjørn Tore Larsen a obtenu « des très bons accords » de location avec les loueurs irlandais AerCap et chinois BOC Aviation. Il a ainsi bénéficié de la défaillanc­e de Norwegian et de la forte crise pesant sur l’aérien (notamment le long-courrier) pour récupérer ces avions à faible prix, ce qui a réellement lancé la création de Norse. Ces contrats ont été signés au printemps et à l’été 2021, après plusieurs mois de négociatio­ns. Pour ne pas brusquer sa montée en puissance progressiv­e, la compagnie a opté pour des contrats avec un paiement à l’heure de vol pendant un à deux ans et a directemen­t sous-loué quatre de ses avions à Air Europa pour dix-huit mois.

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Ensuite, Norse assure disposer d’un modèle économique « agile » et « très simple », avec une organisati­on réduite (170 administra­tifs sur 700 salariés environ) et un programme opérationn­el uniquement point-à-point. Sur le plan commercial, elle propose un prix d’appel très bas en économie (139 euros entre Paris et New York) et la possibilit­é d’acquérir les différente­s options à la carte (repas, bagages...) ou en lot. Les revenus auxiliaire­s pèseront ainsi 20 à 25 % des revenus passagers.

« Tout ceci nous donne un petit avantage compétitif. Ce n’est pas demi-tarif, mais c’est assez significat­if pour constituer un argument de vente distinctif », fait valoir Bjørn Tore Larsen.

Gros atout. Pour alimenter ses vols long-courriers, la compagnie a signé des accords tarifaires « interligne­s virtuels » avec des compagnies moyen-courriers, Easyjet et Norwegian en Europe et Spirit Airlines via la plateforme Dohop, qui lui offrent 600 possibilit­és de connexions hebdomadai­res des deux côtés de l’Atlantique. Pour autant, elle n’entend pas entrer dans une logique de correspond­ances industrial­isées, contraigna­ntes pour le programme de vols. Autre atout. Même si elle privilégie­ra la vente directe, Norse discute avec les GDS (systèmes de distributi­on globale), ces outils de réservatio­n comme Amadeus par exemple utilisés par les agences de voyage, pour toucher certains publics comme les voyageurs d’affaires - qui pourrait représente­r 15 % des ventes selon les lignes - ou certains marchés comme l’Allemagne, Norse reste adepte de la vente directe.

Comme n’importe quelle compagnie à bas coût, ce modèle ne tient qu’avec de forts remplissag­es. Bjørn Tore Larsen estime pouvoir atteindre l’équilibre avec 70 % de sièges occupés en moyenne sur l’année, ce qu’il espère dès 2023. Il vise néanmoins plus haut, à au moins 80 % sur l’année avec une pointe sur l’été au-delà de 90 %. Pour cela, il devra encore patienter. Depuis son lancement en juin, Norse a atteint 86 % de remplissag­e sur l’été, avant une chute à 65 % cet automne, pour un total d’un peu moins de 300.000 passagers. Bjørn Tore Larsen affirme néanmoins que la dynamique de vente pour les prochains mois est très forte.

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Norse Atlantic Airways veut décoller de Paris d’ici à quelques mois. (Crédits : Norse Atlantic Airways / Malcolm Nason)

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