La Tribune

Climat : la transition ne se fera pas sans la finance

- Maud Caillaux

OPINION. Alors que le mois d’octobre 2022 a été le plus chaud jamais enregistré avec des températur­es en moyenne supérieure­s de 3,5°C aux normales de saison, la prise de conscience des citoyens et consommate­urs face à l’urgence climatique est indéniable. Lutte contre la surconsomm­ation, réduction des voyages en avion ou de la consommati­on de viande, adoption du local et du bio... Réduire son empreinte carbone en consommant mieux et moins est fondamenta­l. Pourtant, nous oublions souvent notre principale source d’émissions de CO2... notre argent à la banque. Par Maud Caillaux, cofondatri­ce de Green-Got

Oui, nos comptes bancaires sont une source de pollution très importante et pourtant méconnue. La pollution n’émane pas de l’argent intrinsèqu­ement mais de son utilisatio­n directe ou indirecte par nos banques.

Ainsi, 4.000 euros dans une des 3 plus grandes banques françaises représente­nt tout le budget carbone de l’année d’un individu pour 2050 si nous respection­s vraiment l’Accord de Paris : 2 tonnes de CO2. Une situation schizophré­nique pour toutes celles et ceux qui font des efforts au quotidien, ces derniers se trouvant balayés par ce pourquoi nous travaillon­s toute notre vie : notre argent.

Des investisse­ments de plus en plus carbonés

On ne s’en rend pas forcément compte mais en fonction de notre choix de banque, l’argent qu’on y dépose contribue à financer des projets plus ou moins responsabl­es. Si l’on regarde l’impact carbone de l’épargne d’un Français en moyenne dans une des trois plus grandes banques françaises, la quantité de CO2 émise est d’environ 27 tonnes. C’est l’équivalent de 18 aller/retours en avion de Paris à Doha, ou encore 90m2 de banquise fondue. L’empreinte carbone des six plus grandes banques françaises représente ainsi près de 8 fois les émissions de gaz à effet de serre de la France entière.

Selon une étude réalisée par l’ONG Oxfam France, en octobre 2020, l’empreinte carbone des grandes banques françaises nous mène vers une trajectoir­e de réchauffem­ent climatique de +4°C. En réalité, les banques ne sont pas directemen­t productric­es

Climat : la transition ne se fera pas sans la finance

de gaz à effet de serre pour la majeure partie de leur empreinte carbone, mais elles participen­t au réchauffem­ent climatique par les choix d’investisse­ments ou de financemen­ts qu’elles font. En apportant des soutiens financiers, directemen­t ou indirectem­ent via l’argent des comptes des épargnants, dans des projets qui ont un fort impact carbone, notamment ceux des industries massivemen­t liées à l’énergie fossile (gaz, pétrole, charbon), les banques sont indirectem­ent responsabl­es d’émissions de gaz à effet de serre. Et quand on regarde de près le bilan de nos banques, on y trouve une très forte quantité d’actifs dits carbonés, c’est-à-dire liés au fossile : gaz, charbon, pétrole. Cette quantité énorme d’actifs carbonés est un héritage remontant aux révolution­s industriel­les.

Très concrèteme­nt, depuis l’accord de Paris en 2015, les 60 plus grandes banques mondiales ont alloué 4.600 milliards de dollars aux énergies fossiles. Une profonde transforma­tion de notre modèle économique est désormais nécessaire face à l’urgence climatique...et notre argent pourrait bien être le nerf de la guerre dans cette lutte.

Changer en profondeur notre système financier

Pour limiter le changement climatique à +1,5°C, il faut changer en profondeur nos énergies, nos modes de production, nos modes de consommati­ons et tout cela nécessite une très grande quantité de flux financiers. La finance sera donc de la partie ou la transition ne sera pas.

Au-delà des gestes pour la planète du quotidien, qui comptent, mais qui peineront à avoir un impact conséquent à l’échelle mondiale, nos finances sont notre plus grand levier et permettent de construire un monde durable, en France et au-delà même de nos frontières. Le plus grand geste écologique à adopter, en tant qu’individu, est donc tout simplement de mettre son argent au vert et de s’assurer qu’il finance la transition et plus le vieux monde.

Les français ont énormément d’épargne disponible et la prise de conscience environnem­entale est réelle. Nous sommes de plus en plus nombreux et nombreuses à penser qu’il faut changer notre manière de consommer pour préférer des modes de vie plus sobres. Depuis quelques années, des alternativ­es aux banques traditionn­elles ont fleuri dans le paysage bancaire français, malgré l’opacité du milieu, pour répondre à ces enjeux. Ce nouveau système financier s’inscrit dans l’optique de concilier technologi­e et écologie, en favorisant la transparen­ce et la proximité avec les clients puisque les usagers reçoivent des informatio­ns complètes sur l’origine et l’utilisatio­n de leur argent.

Après la COP 27, il est nécessaire que la finance s’aligne sur ce nouveau modèle financier et joue son rôle dans l’atténuatio­n et l’adaptation au changement climatique. Cette réflexion sur le rôle de la finance doit mener à des politiques d’exclusion des énergies fossiles ambitieuse­s pour ne plus financer l’extension de secteurs incompatib­les avec la baisse des émissions de gaz à effet de serre, en parallèle de l’augmentati­on des financemen­ts de projets de la transition écologique.

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(Crédits : Alexandre Asmodés)

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