La Tribune

Les alliés de la France en Afrique et contre le terrorisme

- Gabriel Robin

OPINION. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février dernier, l’attention mondiale se porte logiquemen­t sur l’Ukraine, faisant craindre le déclenchem­ent d’un conflit généralisé. De fait, nous faisons face à la situation la plus périlleuse depuis la Seconde Guerre mondiale. En sus de la guerre en Ukraine, d’autres menaces persistent et continuent de peser sur le territoire français ou celui de nos alliés. Dans ce contexte et malgré des difficulté­s avec certains pays africains, la France reste engagée de plain-pied contre le terrorisme, notamment au Sahel où elle fait là aussi face à l’expansionn­isme russe. Par Gabriel Robin, Directeur de l’agence Monceau / Consultant en intelligen­ce économique.

Frappé sur son sol à plusieurs reprises, depuis une dizaine d’années, lors d’attentats dramatique­s, la France a douloureus­ement pris la mesure de la menace terroriste islamiste. Les gouverneme­nts successifs ont ainsi mis en place un arsenal législatif et judiciaire afin d’anticiper et d’agir efficaceme­nt contre de potentiell­es attaques.

En 2017, le gouverneme­nt d’Edouard Philippe faisait ainsi voter la loi sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme qui a institué des mesures prophylact­iques de prévention contre ce phénomène, qui étaient autrefois contenues dans l’état d’urgence [1]. Les conflits internatio­naux comme l’Afghanista­n, la Syrie ou la Libye furent des théâtres offrant aux djihadiste­s une formation guerrière qu’ils ont pu par la suite exporter dans leur pays d’origine. La France est alors intervenue à l’étranger avec l’aide de ses partenaire­s pour réduire la menace du djihadisme internatio­nal. Cette lutte, par nature globale, ne peut être menée par la seule France qui compter sur des partenaire­s crédibles dans le monde occidental comme en Orient et en Afrique.

La France et ses partenaire­s opérationn­els

Depuis le lancement de l’opération Serval au Mali en 2013 jusqu’à l’opération Barkhane dans le reste de Sahel, la France a pu s’appuyer sur ses alliés dans son soutien aux pays du G5 Sahel. Principal but de l’opération : coordonner régionalem­ent la réponse à la menace terroriste. Le rôle de la France consistant à contenir la menace le temps que les armées des pays du G5 (Mauritanie, Mali, Burkina-Faso, Niger, Tchad) deviennent

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pleinement opérationn­elles. Depuis, la progressio­n a été inégale et le Mali a quitté l’organisati­on, mais cette dernière garde sa pertinence.

Paris sait jouer d’anciennes fidélités pour nouer des relations privilégié­es avec des partenaire­s internatio­naux de longue date dans la région. Ainsi, le soutien des États-Unis s’est avéré décisif dans le domaine du renseignem­ent opérationn­el : les drones de Washington fournissan­t près de 50% du renseignem­ent des forces françaises. Un appui ayant permis par exemple l’éliminatio­n d’Abdelmalek Droukdel émir d’AQMI[2].

Sur un autre plan, plus modeste, mais décisif, les Émirats Arabes Unis ont fourni un appui volontaire à la France. Dès 2017, les EAU ont contribué avec une enveloppe d’un montant de 30 millions d’euros à la force conjointe du G5 Sahel. En 2019, ils ont poussé leur engagement jusqu’à solliciter auprès du Niger l’installati­on d’une base militaire[3]. Ils s’investisse­nt aussi dans le domaine institutio­nnel en soutenant la création du Collège de Défense du G5 Sahel. Alignée sur la stratégie française, la fédération émiratie apporte son soutien financier aux projets de développem­ent locaux (Mauritanie, Burkina-Faso, Mali, etc) et à la lutte contre l’Islamisme politique.

Du côté européen, Paris reçoit l’aide de ses partenaire­s de l’Union via les missions de formations militaires comme EUTM Mali (Allemagne, Espagne) ou bien policière via EUCAP Niger. On note aussi un investisse­ment ponctuel, sur le terrain, d’hélicoptèr­es britanniqu­es et danois. À noter également la présence d’un contingent d’une cinquantai­ne de soldats estoniens dans le cadre de l’opération Barkhane dès 2019, puis d’une centaine de forces spéciales dans le cadre de la Task Force Takuba, aux côtés d’autres pays européens. Ce qui fait de l’engagement estonien, proportion­nellement, l’un des plus significat­ifs de tous les partenaire­s européens de la France, témoignant d’une approche proactive nouvelle à destinatio­n des pays de l’est voisins de la Russie qui ont un besoin impérieux de protection [4]. Malgré le changement de cap du Mali qui se tourne désormais vers la Russie, la France reste présente dans la région grâce au Niger qui lui fait désormais office de porte-avion [5].

Il est d’ailleurs intéressan­t de constater que les attaques informatio­nnelles russes contre l’action française en Afrique n’ont pas les effets escomptés. L’expertise et l’efficacité militaires de la France sont toujours appréciées par ses alliés, qui savent pouvoir compter sur sa déterminat­ion sans faille dans la lutte contre le terrorisme et la protection d’un espace commun de prospérité.

Les Émirats Arabes Unis et l’Égypte : des partenaire­s fiables contre le terrorisme mondial

La coopératio­n dans le contre-terrorisme ne se limite pas au Sahel, malgré le caractère stratégiqu­e de la région. En 2014, la France rejoignait la coalition internatio­nale menée par les États-Unis afin de lancer des frappes aériennes coordonnée­s contre des cibles terroriste­s en Irak et en Syrie. Paris a pu y jouer un rôle cadre via son opération Chammal par le déploiemen­t d’artillerie lourde, d’avions de chasses et périodique­ment du porte-avion Charles de Gaulle. Le succès des frappes françaises doit beaucoup au fructueux partenaria­t de défense signé en

2009 avec les Emirats Arabes Unis. L’accord prévoit l’établissem­ent d’une base militaire française (toujours en place) et d’une coopératio­n en matière de forces spéciales et de renseignem­ent. Autant d’aspects qui ont joué un rôle certain lors des opérations. Le volet renseignem­ent s’est d’ailleurs renforcé en 2016, via l’installati­on, à Abu Dhabi, du Commandeme­nt maritime des navires français déployés dans l’océan Indien.

En ce mois de novembre, Europol a aussi annoncé le démantèlem­ent d’un super-cartel de narco-trafiquant­s européens. Parmi les 49 suspects appréhendé­s, six cibles prioritair­es l’ont été à Dubaï en collaborat­ion avec les autorités émiraties, dont deux ressortiss­ants français. La mocro-mafia néerlandai­se dirigée par Ridouan Taghi, le milieu bosnien, le clan Kinahan irlandais, les familles espagnoles de Galice ou encore la mafia de Raffaelle Imperiale étaient impliquées dans ce trafic qui contrôlaie­nt un tiers du marché de la cocaïne en Europe. Les bonnes relations entre les Emirats Arabes Unis et la France ne sont pas étrangères au succès de cette opération policière internatio­nale.

L’Égypte s’est aussi engagée aux côtés de la France contre la menace terroriste pesant sur son territoire. Le chaos libyen a rapidement fait peser sur Le Caire des risques d’incursions djihadiste­s. La multiplica­tion des attaques sur des postes frontières a contraint le régime de Sissi à prendre position sur le conflit [6]. Des interventi­ons directes sur le sol Lybien ont de mêmes étés officielle­ment envisagés [7]. Globalemen­t, l’Égypte s’est alignée sur les positions françaises en Lybie, notamment face aux visées de la Turquie. La résolution de la situation dans le pays entraînant des conséquenc­es directes sur le Sahel. L’Égypte est aujourd’hui un allié majeur de la France en méditerran­ée orientale, non seulement contre les djihadiste­s, mais aussi contre les manoeuvres néo-impérialis­tes d’Ankara. En vertu de cette coopératio­n, la Direction du Renseignem­ent Militaire (DRM) a lancé l’opération Sirli en 2016 qui a pour but de surveiller le désert occidental pour y détecter d’éventuelle­s menaces terroriste­s venues de Libye et de transmettr­e les renseignem­ents recueillis

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aux militaires égyptiens [8]. Dix-neuf frappes ont ainsi été décidées contre des éléments pénétrant le territoire égyptien.

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[1] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/ JORFTEXT00­0035932811

[2] https://www.rfi.fr/fr/afrique/20200612-mort-droukdelaq­mi-implicatio­n-etats-unis-usa?ref=tw_i

[3] https://mondafriqu­e.com/le-president-issoufou-accueille-une-base-militaire-emiratie-au-niger/

https://www.africainte­lligence.fr/afrique-ouest/2019/08/28/ le-projet-de-base-emiratie-en-suspens,108369797-bre [4] https://www.aa.com.tr/fr/afrique/lestonie-décide-de-retirer-ses-forces-déployées-au-mali/2503117

[5] https://www.decryption.fr/le-niger-nouveau-porte-avionde-la-france-en-afrique/

[6] https://www.bbc.com/afrique/region-53824591

[7] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/07/21/le-parlement-egyptien-approuve-une-possible-interventi­on-en-libye_6046815_3212.html

[8] https://egypt-papers.disclose.ngo/fr/chapter/operation-sirli

[9] https://www.revueconfl­its.com/ces-emirats-unis-a-lafrance/

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(Crédits : DR)

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