La Tribune

RER métropolit­ain : « Mais de qui se moque-t-on ? »

- Hervé Maurey et Stéphane Sautarel

OPINION. Les Sénateurs Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, rapporteur­s spéciaux de la commission des finances du Sénat en charge des crédits des transports terrestres et maritimes et auteurs en mars 2022 d’un rapport sur la situation financière du système ferroviair­e français et de la SNCF, réagissent aux annonces du Président de la République relatives au développem­ent du transport ferroviair­e du quotidien de type RER dans dix métropoles françaises afin de favoriser la transition écologique.

« Pour tenir notre ambition écologique, je veux qu’on se dote d’une grande ambition nationale : qu’il y ait dans dix grandes agglomérat­ions, dix grandes métropoles françaises, un réseau de RER, de trains urbains (...) Là où il y a thromboses, où il y a trop de circulatio­n, où les déplacemen­ts sont compliqués, on doit se doter d’une vraie stratégie de transports urbains et c’est un super objectif pour l’écologie, l’économie, la qualité de vie », a exposé ce dimanche le Président de la République dans une séquence postée sur YouTube.

Si nous ne pouvons tous que partager l’idée que le RER n’est pas que pour Paris, et que les grandes métropoles françaises, aujourd’hui congestion­nées, doivent engager une démarche de décarbonat­ion grâce à des RER métropolit­ains, nous ne pouvons ignorer que ces annonces s’inscrivent en totale opposition avec les actes du gouverneme­nt depuis des mois, des années, malgré les semonces que nous lui avons adressées.

Tous les acteurs du secteur : Régions, Métropoles, Parlementa­ires, SNCF, Fédération­s de transports et Associatio­ns d’usagers... tous ont découvert ce projet, ou plutôt ces annonces ! Alors même que par ailleurs SNCF Réseau est en panne de financemen­t !

Si nous sommes favorables au développem­ent des transports en commun, de tous les modes de transports, et pour tous les territoire­s, urbains comme ruraux, si nous ne pouvons que souscrire à un « new deal » ferroviair­e pour notre pays, que nous avons même sollicité, nous ne pouvons accepter cette posture descendant­e et ces effets d’annonce déconnecté­s de toute réalité, qui font perdre à nos concitoyen­s toute confiance dans la parole publique.

RER métropolit­ain : « Mais de qui se moque-t-on ? »

De qui se moque-t-on ?

Alors que nous nous apprêtons à examiner cette fin de semaine au Sénat les budgets transports de la mission « Écologie, développem­ent et mobilité durables » dans le cadre du PLF 2023, les faits, les moyens, sont bien loin de l’ambition affichée :

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●●investisse­ments dans la régénérati­on notoiremen­t insuffisan­ts : 1 milliard de plus par an a minima sont nécessaire­s pour seulement remettre à niveau et interrompr­e la trajectoir­e de dégradatio­n du réseau,

●●un contrat de performanc­e de SNCF réseau que nous avons requalifié de contrat de « contre-performanc­e » puisqu’il ne répond en rien aux enjeux ni de régénérati­on, ni de modernisat­ion, des travaux que le Gouverneme­nt n’entend à ce jour pas achever d’ici 2050 dans l’hypothèse la plus optimiste,

●●un renvoi au Conseil d’orientatio­n des infrastruc­tures (COI) dont on sait déjà qu’il ne peut répondre aux enjeux au regard du grand nombre de projets à financer (ferroviair­es et routiers),

●●un contexte d’inflation qui se traduit par des surcoûts de l’ordre de 500 millions d’euros pour SNCF réseau qui ne connaitrai­t donc, en fait, aucune hausse de ses moyens mais bien au contraire une baisse de sa capacité d’investisse­ment,

●●zéro euro pour la modernisat­ion dans ce budget (comme dans le contrat) alors que les besoins pour la commande centralisé­e du réseau est de 15 milliards et que ceux pour l’ERTMS sont de 20 milliards.

Après l’annonce des nouvelles lignes LGV dans le sud et le sud-ouest, l’année dernière, toujours sans moyens et en contradict­ion avec les engagement­s du début du quinquenna­t de mettre fin aux investisse­ments sur les lignes à grande vitesse pour se concentrer sur le transport du quotidien, cette nouvelle annonce sur les RER métropolit­ains (pour 10 métropoles, lesquelles ?), n’est ni concertée, ni financée une fois de plus. Pour le seul RER lyonnais par exemple, les besoins sont estimés à minima à 6 milliards d’euros.

Alors un peu de sérieux, nos concitoyen­s, sans parler de leurs représenta­nts, nécessiten­t davantage de considérat­ion !

Oui nous avons besoin, enfin, d’investisse­ments sur nos réseaux, faute de quoi non seulement nos lignes d’aménagemen­t du territoire mais toutes nos lignes sous 10 ans, sur tous nos réseaux, vont être en panne. Nous les avions estimés, comme le Président Farandou après nous, à environ 100 milliards d’euros. Ils sont avec le RER, encore bien supérieurs. Les besoins sont conséquent­s et nécessiten­t des engagement­s forts et concrets dans trois domaines :

●●des crédits complément­aires, a minima 1milliard de plus par an, et désormais avec l’inflation, la nécessité d’avancer sur la modernisat­ion et le financemen­t des annonces nouvelles, sans doute plus du double,

●●des capacités techniques à faire des travaux, puisque non seulement ceux-ci sont insuffisan­ts, mais pire en 2022 l’Agence de financemen­t des infrastruc­tures de transport de France (l’AFIT-France) n’est pas arrivée à les consommer,

●●des études sérieuses, notamment sur le plan juridique, pour imaginer des montages innovants, du type de la Société du Grand paris (SGP) par exemple, permettant une débudgétis­ation, une pluriannua­lité, la remise en cause de notre système de péages, une mobilisati­on de crédits européens et de fonds verts, des moyens affectés, un partenaria­t public privé renforcé... avec un examen sérieux de la question de l’indépendan­ce de SNCF Réseau pour bénéficier de moyens publics conséquent­s.

Mais tout cela ne se décide pas un dimanche soir à l’Élysée devant la chaine Youtube ! On ne peut se moquer ainsi des Français. Cela se construit avec le Parlement, avec les partenaire­s, pour répondre au double objectif que nous poursuivon­s :

●●la décarbonat­ion de la mobilité, et le maillage intermodal,

●●le soutien au pouvoir d’achat par un vrai travail sur l’offre de mobilité pour tous, à des tarifs soutenable­s et lisibles pour chacun.

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(Crédits : Reuters)

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