La Tribune

Métaux stratégiqu­es : la France se dote d’un nouvel outil pour défendre sa souveraine­té

- Marine Godelier

Alors que les tensions sur les métaux critiques promettent de s’aggraver, les pouvoirs publics ont lancé ce mardi un nouvel outil pour sécuriser l’approvisio­nnement du pays. Baptisé Ofremi, pour Observatoi­re français des ressources minérales pour les filières industriel­les, celui-ci devra livrer« des informatio­ns claires sur les chaînes d’approvisio­nnement, et ce dès la mine », indique à La Tribune son directeur Stéphane Bourg. Mais la tâche promet d’être de taille, alors que l’Hexagone souffre d’un manque profond de souveraine­té sur le sujet.

Lithium, cobalt, aluminium, nickel... Parmi la longue liste des métaux qui seront nécessaire­s à la transition énergétiqu­e, il n’en existe pas un seul dont la France maîtrise pleinement la chaîne d’approvisio­nnement. De fait, malgré les exigences de souveraine­té, l’Hexagone et plus largement l’Europe ne produisent quasiment aucun de ces métaux critiques. Et peinent même à gagner du terrain pour ce qui est de leur transforma­tion ou leur raffinage, encore très largement dominés par la Chine. De quoi menacer les approvisio­nnements, à l’heure où les besoins explosent pour mettre au point les batteries électrique­s et autres éoliennes, et que les tensions géopolitiq­ues se multiplien­t.

Pour y remédier, le gouverneme­nt vient de dégainer un nouvel outil : l’observatoi­re français des ressources minérales pour les filières industriel­les (Ofremi). Initié à l’issue du rapport Varin sur la sécurisati­on des approvisio­nnements en métaux critiques, celui-ci a été lancé en grandes pompes ce mardi au ministère de l’Ecologie, en présence des ministres de la Transition énergétiqu­e et de lIindustri­e, Agnès Pannier-Runacher et Roland Lescure. Le but : fournir aux pouvoirs publics et aux entreprise­s des analyses permanente­s sur les chaînes mondiales de fourniture de matières premières, ainsi que sur les besoins actuels et futurs du secteur industriel, afin que chacun puisse sécuriser sa stratégie d’approvisio­nnement.

Métaux stratégiqu­es : la France se dote d’un nouvel outil pour défendre sa souveraine­té

« C’est un sujet très sérieux. L’enjeu, c’est de ne pas construire une nouvelle dépendance [...], alors qu’on se bat pour sortir de la dépendance aux énergies fossiles », a souligné Agnès Pannier-Runacher.

Relocalise­r une partie de la chaîne

Il faut dire qu’il y a urgence, alors que la crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont mis au jour la grande fragilité des chaînes d’approvisio­nnement. Pour autant, l’Ofremi n’a « pas vocation à faire que la France devienne un grand pays minier », explique à La Tribune son directeur, Stéphane Bourg.

« En matière d’approvisio­nnement minier, on ne comblera jamais notre retard. D’abord, parce qu’on ne dispose pas des ressources nécessaire­s, et parce que nos industries ne sont pas organisées comme ça », poursuit-il.

De fait, selon le fameux rapport de Philippe Varin publié en début d’année, la dépendance de l’Europe à l’extérieur restera importante sur le sujet, avec « 20 à 30% » des besoins du Vieux continent produits sur le territoire. Dans ces conditions, il s’agira plutôt de mettre à dispositio­n « des informatio­ns claires sur les chaînes d’approvisio­nnement, et ce dès la mine », afin d’éviter toute pénurie de métaux, précise Stéphane Bourg. Ainsi, l’observatoi­re cherchera à savoir où sont les ressources, les capacités de raffinage, les projets que les grands acteurs miniers ont en tête, et ce qui émergera à l’échéance de 5 ou 10 ans.

L’idée reste néanmoins de relocalise­r une partie de la chaîne, afin d’éviter qu’elle ne prenne place à 100% en-dehors des frontières, comme c’est le cas aujourd’hui. « Les données récoltées permettron­t de potentiell­ement rouvrir des mines en France ou de pousser pour la valorisati­on de matières secondaire­s », indique Stéphane Bourg.

« Dans tous les cas, on devra toujours s’approvisio­nner à l’extérieur. La question est de savoir à partir de quel niveau de la chaîne de valeur cela fera sens de relocalise­r ? », fait-on valoir à l’Ofremi.

A l’exemple, d’Imerys, le leader mondial des minéraux industriel­s, qui prévoit de produire d’ici à 5 ans 34.000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an sur son site de Beauvoir dans l’Allier. Ce volume permettra de fournir ce métal stratégiqu­e aux constructe­urs de batteries pour équiper 700.000 véhicules électrique­s par an.

Consortium de 6 partenaire­s

Concrèteme­nt, l’Ofremi sera animé par le Bureau de recherches géologique­s et minières (BRGM), en partenaria­t avec le Conservato­ire national des arts et métiers (CNAM), le Commissari­at à l’énergie atomique (CEA), l’institut français du pétrole (IFPEN), l’Agence pour l’environnem­ent et la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’IFRI (institut français des relations internatio­nales), pour la dimension géopolitiq­ue.

« Ce n’est pas une structure administra­tive en tant que telle, mais un consortium regroupant l’expertise de 6 partenaire­s. Cela apportera une coordinati­on et un consensus sur les données utilisées, ce qui manque aujourd’hui », souligne Stéphane Bourg.

Pour ce faire, l’observatoi­re sera d’abord financé par des fonds publics, au moins pour ses 30 premiers mois. En effet, le gouverneme­nt français a d’ores et déjà budgété cette année, dans le cadre de son plan d’investisse­ment France 2030, 1 milliard d’euros « pour renforcer la résilience du tissu industriel sur les chaînes d’approvisio­nnement en métaux ». S’y ajouteront « des fonds privés issus des fédération­s industriel­les », précise-t-on à l’Ofremi. Autant de moyens qui devraient permettre à cette nouvelle entité d’assurer une veille permanente, de livrer des études poussées sur les technologi­es, et d’analyser les opportunit­és filière par filière.

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Malgré les exigences de souveraine­té, l’Hexagone et plus largement l’Europe ne produisent quasiment aucun métaux critiques. (Crédits : Reuters)

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