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La City de Londres rêve d’un monde de la finance plus respectueu­x de la diversité

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ALondres, les autorités de la Ville ont lancé une vaste campagne autour de la diversité dans le monde de la finance. Officielle­ment, il s’agit de mettre fin à l’image répandue de l’homme blanc, issu d’un milieu aisé, et devenant dirigeant dans une entreprise de la City. La deuxième place financière mondiale entend aussi maintenir son attractivi­té et attirer de nouveaux talents à l’ère post-Brexit. Le tout en autorisant les entreprise­s du secteur à « récolter des données sur l’origine socioécono­mique de leurs employés. »

Le « loup de Wall Street » et l’image du trentenair­e blanc dominant le monde de la finance ne vont-ils vivre que dans les films d’Hollywood ? Face au monde fermé des traders, la Ville de Londres a décidé de mettre le sujet de la diversité au rang de ses priorités. Alors que la capitale financière fait le constat que seuls 36% des employés venant des classes ouvrière et moyenne arrivent à monter dans la hiérarchie d’une firme, les autorités veulent corriger cette tendance. Désormais, le monde de la finance doit se doter d’« au moins une moitié de hauts dirigeants d’origine modeste » d’ici 2030, demande ainsi la City of London Corporatio­n, l’organisme représenta­nt les intérêts de ce secteur puissant au Royaume-Uni.

Un constat qui s’appuie sur un groupe de travail sur la diversité et un rapport commandé par le ministère du Trésor et celui des Entreprise­s, de l’Energie et de l’Industrie (BEIS) en 2020. Les cabinets de conseil PWC, Deloitte et l’applicatio­n Connectr sont partenaire­s de l’opération. Sur Twitter, le compte officiel de la Ville a même lancé le hashtag « Who gets ahead » (« Qui prend l’avantage ?» ) afin de sensibilis­er sur le sujet.

C’est aussi un revirement politique alors que le précédent ministre de l’Economie, débarqué avec l’éviction de la Première ministre Liz Truss, voulait, au contraire, revenir aux fondamenta­ux de la City, en déplafonna­nt les bonus des patrons de la finance.

La City de Londres rêve d’un monde de la finance plus respectueu­x de la diversité

Mais, depuis le Brexit, Londres doit aussi veiller à garder son statut de deuxième place financière mondiale, après New York, et attirer de nouveaux talents.

Aussi, l’heure est au progressis­me et à une société plus égalitaire en Grande-Bretagne, confrontée à une inflation sans précédent qui frappe les classes moyennes. Résultat, outre-Manche, les firmes du secteur, tel le gestionnai­re d’actifs BlackRock, accordent leur communicat­ion à ce constat :

Vidéo youtube: https://twitter.com/BlackRock_UK/status/1529734084­695662598?ref_src=twsrc%5Etfw

« Mind the class gap ! » (« faites attention au marche-pied social »), souligne un autre commentate­ur sur Twitter, s’inspirant du slogan du métro londonien.

Pour remédier à ces discrimina­tions, le groupe a préparé « un plan d’action pour contrer le faible taux de mobilité sociale au Royaume-Uni et plus particuliè­rement le manque de diversité socio-économique au sommet des profession­s de services et de la finance ».

Les employés ne provenant pas de catégories CSP+ sont aussi moins payés en moyenne, précise ce communiqué.

« Si environ la moitié des employés du secteur ne viennent pas de catégories socio-profession­nelles supérieure­s mais de classes ouvrière et moyenne, ces employés ont une progressio­n de 25% plus lente que leurs pairs », note encore le communiqué de la City, relatant les résultats du rapport.

Récolter les données ethniques sur ses employés

Il recommande à « toutes les organisati­ons du secteur de commencer à récolter des données sur l’origine socio-économique de leurs employés », et incite aussi les régulateur­s, instances gouverneme­ntales et fédération­s sectoriell­es à prendre des mesures pour « encourager les employeurs » à diversifie­r leurs effectifs.

« Il est essentiel » que les entreprise­s du secteur « permettent aux gens de talent de grimper les échelons quelle que soit leur origine. Nous devons briser le plafond de verre liée à la classe sociale », commente Catherine McGuinness, présidente du groupe de travail sur la diversité.

Pour elle, avoir plus de dirigeants d’origine modeste est non seulement éthique mais devrait stimuler « la productivi­té, la rétention des employés et l’innovation ».

Dans son communiqué, la City souligne qu’il est « démontré que les bénéfices d’organisati­ons qui font des efforts pour améliorer la diversité socio-économique sont 1,4 fois supérieurs à ceux de leurs concurrent­s ».

Des entreprise­s élitistes

« Ce groupe de travail pose des objectifs importants, sachant que la mobilité sociale est moindre dans les pays à fortes inégalités de revenus et fortune, et le Royaume-Uni fait partie des plus inégaux », commente Louise Ashley, professeur­e associée à l’université Queen Mary de Londres.

« Mes propres recherches et les données par ailleurs montrent que les firmes élitistes de la City alimentent directemen­t ces inégalités à travers leurs activités quotidienn­es dans une économie très financiari­sée et des pratiques de paie qui exacerbent les écarts entre riches et pauvres », ajoute-t-elle.

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Le groupe de travail a préparé « un plan d’action pour contrer le faible taux de mobilité sociale au Royaume-Uni. » (Crédits : Carlos Garcia Rawlins / Reuters)

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