La Tribune

Biodiversi­té : ce qu’il faut attendre de la COP 15

- Flavie Camilotto

Du 7 au 19 décembre prochain débutera à Montréal la COP 15, la Conférence­s des Parties de la Convention sur la Diversité Biologique, sous présidence chinoise. Cet événement internatio­nal devrait permettre aux gouverneme­nts d’agir pour lutter contre la crise de la biodiversi­té. Toutefois, de nombreux points sont encore à discuter et trouver un accord s’annonce compliqué.

Après la COP 27 qui s’est déroulée du 6 au 18 novembre dernier en Egypte et dont le texte final a déçu l’Union européenne (UE) et l’Organisati­on des Nations Unies (ONU), c’est désormais au tour d’une autre COP de s’ouvrir. Moins connue et pourtant tout aussi fondamenta­le face à l’urgence environnem­entale, la COP 15 consacrée à la préservati­on de la biodiversi­té s’ouvrira le 7 décembre prochain pour une durée de près de deux semaines. Initialeme­nt prévue en Chine au printemps 2022, elle aura finalement lieu au Canada en raison des nombreuses restrictio­ns sanitaires en vigueur dans la seconde économie mondiale.

La première partie de cette quinzième édition s’était déroulée à Kunming en Chine en octobre 2021.

« Nous savons qu’il est nécessaire de mener de front les enjeux du climat et de la biodiversi­té. Or, nous sommes face à une érosion sans précédent de cette dernière », s’alarme le ministère de la Transition écologique de la Cohésion des territoire­s.

« La COP 15 est extrêmemen­t importante, car elle vise à adopter un cadre stratégiqu­e mondial pour la période 2020-2030 », résume-t-il. En effet, après les « objectifs d’Aichi » adoptés en 2010 au Japon pour la période 2011-2020, les 196 États se réunissent à nouveau pour adopter le prochain plan décennal dans le but de « stopper la perte de biodiversi­té » et d’ « engager la restaurati­on de la qualité de nos écosystème­s » d’ici 2030.

Biodiversi­té : ce qu’il faut attendre de la COP 15

L’objectif emblématiq­ue des « 30x30 »

La convention sur la biodiversi­té présente trois grands objectifs à atteindre. « La cible emblématiq­ue de la COP 15 est celle des 30% : 30% des terres et 30% des mers seraient préservées », annonce Sylvie Lemmet, ambassadri­ce pour l’environnem­ent au sein du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Par ailleurs, un autre point important de la COP 15 est la durabilité des activités : « nous devons veiller à ce que l’agricultur­e ou la pêche ne soient pas dommageabl­es pour la biodiversi­té », précise le ministère.

Dernier point clé de cette conférence des parties sur la biodiversi­té : le partage des avantages, aussi appelé DSI, soit données numérisées d’êtres vivants. Le protocole de Nagoya de 2010 prévoit que les entreprise­s rémunèrent les pays dans lesquels elles font de la recherche et en tirent des bénéfices commerciau­x.

Ainsi, les 196 États membres de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) devront se prononcer sur ces enjeux dans une semaine, alors que de nombreuses négociatio­ns ont déjà eu lieu. De fait, plusieurs « rounds » se sont tenus, dont un quatrième à Nairobi en juin dernier. Sylvie Lemmet concède que le texte n’était à l’époque pas encore prêt pour une négociatio­n de COP. Au vu de l’ampleur des éléments restants à étudier, une session supplément­aire se tiendra même du 3 au 5 décembre afin d’élaguer le texte en question. « Les négociatio­ns sont difficiles, car il y a des pays moins ambitieux et d’autres ambitieux, mais qui ont peur de ne pas y arriver », explique l’ambassadri­ce.

Blocages à prévoir, un accord sera-t-il trouvé ?

De nombreux points de tension sont effectivem­ent à prévoir, prévient-elle. Côté français, on s’interroge sur le niveau d’ambition global des pays sur cet accord : Répondra-t-il aux ambitions de l’Union européenne ? Rien n’est moins sûr, notamment après la « déception » de l’UE sur l’accord trouvé lors de la COP 27 sur le climat.

De plus, le montant financier de cet accord pourrait être une potentiell­e source de désaccords selon Sylvie Lemmet. Elle explique : « nous devrons nous prononcer sur deux éléments : l’ensemble des moyens que le monde entier souhaite mettre sur la biodiversi­té et l’ensemble des flux de financemen­ts vers les pays en développem­ent pour les aider à mettre en oeuvre les accords ». Bien que les Etats développés aient respecté leur engagement de doubler leur aide afin de renforcer la biodiversi­té, les pays en développem­ent attendent davantage. « Entre

5 et 10 milliards d’euros viennent des pays du Nord, de toutes les fondations, du secteur privé ou encore des banques multilatér­ales », indique l’ambassadri­ce, avant d’ajouter que « les pays en développem­ent en demandent plutôt 100 milliards, et des choses seront évidemment infaisable­s ».

Dernier blocage, l’accès et le partage des avantages tirés de la biodiversi­té, ces fameuses données numérisées d’êtres vivants (DSI). Avec la numérisati­on actuelle des documents, il existe de « très grandes bases de données dans lesquelles sont stockées des milliers d’informatio­ns sur les séquençage­s génétiques des ressources tirées de la biodiversi­té », indique l’ambassadri­ce, et cela n’est pas régulé par le protocole de Nagoya de 2010. Ce que dénoncent les pays en développem­ent, car les entreprise­s utilisent ces informatio­ns afin de commercial­iser des produits sans pour autant rémunérer le pays.

Finalement, si un accord est trouvé lors de la COP 15, celui-ci ne devrait pas convenir à tous les pays. Ceux « en développem­ent n’auront probableme­nt pas tout ce qu’ils souhaitent », signale l’ambassadri­ce pour l’environnem­ent. II s’agira plutôt de trouver un juste-milieu...

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COP. (Crédits : Blair Gable)
Après un quatrième « round » de négociatio­n à Nairobi en juin dernier, l’ambassadri­ce pour l’environnem­ent concède que le texte n’était pas prêt pour une négociatio­n de COP. (Crédits : Blair Gable)

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