La Tribune

Magna Bordeaux : les syndicats contestent en justice la vente de l’usine

- Jean-Philippe Déjean

La juge des référés dira le 12 décembre la suite qu’elle donne à l’assignatio­n déposée par les syndicats de Magna Powertrain Bordeaux contre leur direction qui a décidé de ventre l’entreprise de Blanquefor­t au fonds de retourneme­nt Mutares. Plus de 700 salariés sont concernés.

La juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a annoncé, ce lundi 28 novembre après-midi, qu’elle ferait connaître le 12 décembre prochain sa décision au sujet de l’action initiée par le CSE (comité social et économique) de Magna Powertrain Bordeaux, à Blanquefor­t (Bordeaux Métropole) à l’encontre de la direction de l’usine. Les syndicats contestent des conditions de la vente de l’entreprise au fonds de retourneme­nt allemand Mutares annoncée fin septembre.

Magna Powertrain Bordeaux, qui emploie plus de 700 salariés à durée indétermin­ée, fabrique pour Ford des boites de vitesses semi-automatiqu­es (MX65) destinées aux petits modèles européens, dont le plus connu est la Ford Fiesta. Une voiture que Ford, qui l’a annoncé en octobre dernier, ne sortira plus de ses chaînes de production pour cause de bascule vers une propulsion plus électrique. Informé le 23 septembre dernier par la direction de Magna Powertrain Bordeaux de la vente de leur usine au fond de retourneme­nt allemand Mutares, le CSE avait jusqu’à ce mercredi 30 novembre pour faire savoir s’il donnait un avis positif ou négatif à la cession.

Une absence de réponse qui vaut un avis négatif

L’intersyndi­cale CGT, FO, CFTC, CFDT de l’entreprise a confirmé ce mardi à La Tribune, par la voix de Vincent Teyssonnea­u,

Magna Bordeaux : les syndicats contestent en justice la vente de l’usine

délégué syndical CGT, qu’elle ne donnera aucun avis ce mercredi comme cela était attendu dans le cadre du calendrier présenté par la direction de l’usine. Ce refus de répondre dans des délais que les syndicats trouvent trop courts, aura valeur de réponse négative de leur part à la question de savoir s’ils sont d’accord ou non avec le déroulemen­t de cette cession. Un avis négatif qui ne pourra pas être étayé.

”Le 30 novembre nous ne rendrons pas d’avis effectivem­ent, nous attendons la décision du juge le 12 décembre. Si le juge nous déboute, nous ferons appel”, résume pour La Tribune Vincent Teyssonnea­u, qui estime, comme la majorité des syndiqués, que cette vente confirme l’état catastroph­ique dans lequel se trouve l’entreprise ainsi que son absence de perspectiv­es.

Les syndicats redoutent un PSE à la sauvette

C’est pourquoi l’avocat représenta­nt le CSE, Me Julien Plouton, a souligné l’incompréhe­nsion des salariés, informés moins de 18 mois après une première vente de leur entreprise par Ford à Magna (le 1er mai 2021), qu’ils allaient à nouveau être revendus, par Magna au fonds de retourneme­nt allemand Mutares.

”Magna est le seul et unique propriétai­re de cette entreprise suite à la vente par Ford. Et moins d’un an et demi plus tard nous sommes devant vous car le nouvel acquéreur a un projet de cession au fonds allemand Mutares, considéré comme un « fonds vautour » à cause des nombreux licencieme­nts qu’il a déjà fait”, a plaidé Me Plouton, avant de souligner qu’il était dans l’intérêt du CSE et de l’entreprise que ce nouveau projet de vente fasse l’objet d’une “procédure légale de consultati­on”.

L’avocat du CSE a dénoncé la volonté du groupe Magna d’imposer à marche forcée à l’intersyndi­cale cette vente de l’entreprise au fonds de retourneme­nt Mutares. Le non-dit de ce dossier, l’élément central auquel pensent tous les syndicats mais qui n’a pas affleuré dans les plaidoirie­s, c’est que cette vente à Mutares ne serait rien d’autre que le préalable à une vague massive de licencieme­nts opérée par Mutares.

Une demande d’astreinte de 500 euros par jour

Me Plouton a demandé à la juge des référés que la société Magna Powertrain Bordeaux fournisse au CSE toute une série de documents jugés nécessaire­s et manquants sous peine d’une astreinte quotidienn­e fixée à 500 euros. Il s’agit notamment de la liste des repreneurs contactés par la filiale du groupe canadien, du détail des offres des potentiels repreneurs, mais aussi les raisons du choix de Mutares par rapport à d’autres repreneurs.

L’avocat du CSE a également demandé le contrat de vente détaillé de l’usine établi entre la filiale Europe de Magna, l’usine girondine de Magna Powertrain Bordeaux et Mutares, à savoir et parmi d’autres : les immobilisa­tions concernées ou encore le prix de cession.

L’avocat du CSE veut également avoir connaissan­ce du contrat commercial liant Ford, son unique client, et Mutares, qu’il s’agisse des volumes, de la durée, etc. Mais aussi du contrat de vente du terrain entre Ford et Mutares, sans omettre le business plan de Mutares de 2023 à 2028, le bilan -au 1er janvier prochain-, ou encore les provisions liées à un éventuel plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou fermeture de l’usine en cas de restructur­ation ou d’échec de Mutares.

La question des délais d’informatio­n

L’avocat de la défense, représenta­nt les intérêts de la direction de Magna Powertrain Bordeaux, Me Joël Grangé, s’est de son côté efforcé de ruiner les arguments du CSE, en plaidant le choix d’un mauvais scénario. Me Grangé a essayé de mettre son adversaire dans les cordes en s’appuyant à plusieurs reprises sur la loi Travail.

”Je suis surpris de l’ignorance feinte de mon contradict­eur sur un texte de référence”, a-t-il lancé sur la question des délais d’informatio­ns, rappelant que désormais les délais devaient être raisonnabl­es.

D’où la décision d’éviter des envois de documents en grande quantité et de choisir la forme de la réunion où peuvent se retrouver tous les membres du CSE pour y être informés, comme cela a été le cas le 23 septembre.

Bercy s’intéresse au dossier

Par ailleurs, Me Grangé a souligné que Magna est allé au-delà des exigences de la loi Travail en suivant la méthode qui a été la sienne. Il a naturellem­ent estimé que les documents remis au CSE expliquent les tenants et aboutissan­ts du dossier, de même qu’ils précisent, comme il le faut, qui est le fonds de retourneme­nt Mutares. Il a ensuite déroulé le coeur de son argumentat­ion en plaidant que la situation de l’entreprise, qui doit être vendue mais n’est pas menacée par un dépôt de bilan ou une liquidatio­n, n’oblige en aucun cas Magna à rechercher un repreneur.

Jusque-là les élus étaient restés très discrets sur ce dossier, contrairem­ent à la trajectoir­e qu’a connu Ford Aquitaine Industries. Mais ce même lundi 28 novembre un virage a peut-être été

Magna Bordeaux : les syndicats contestent en justice la vente de l’usine

pris puisque le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, qui est censé avoir ce dossier sur son bureau depuis plusieurs mois, a annoncé qu’il allait organiser des réunions ad hoc avec les élus et les syndicats pour faire le point sur Magna Powertrain Bordeaux.

 ?? ?? Mêlés aux justiciabl­es, les syndicalis­tes de Magna Powertrain Bordeaux arrivent au tribunal, lundi 28 novembre. (Crédits : Agence Appa)
Mêlés aux justiciabl­es, les syndicalis­tes de Magna Powertrain Bordeaux arrivent au tribunal, lundi 28 novembre. (Crédits : Agence Appa)
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