La Tribune

450.000 logements sous l’eau d’ici à 2100, le scénario noir de l’inaction climatique

- César Armand @Cesarmand

Ala demande du gouverneme­nt, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnem­ent, la mobilité et l’aménagemen­t (Cerema), établissem­ent public sous la double tutelle de l’Etat et des élus locaux, vient de cartograph­ier le recul du trait de côte à court, moyen et long-terme et ses conséquenc­es sur l’habitat et l’économie locale. Explicatio­ns.

Avec 20.000 kilomètres de côtes, la France possède le deuxième espace maritime mondial derrière les Etats-Unis, selon les données du réseau national des observatoi­res du trait de côte. Les 975 communes littorales devraient même accueillir 4,5 millions d’habitants supplément­aires d’ici à 2040. Sauf que plus de 80% des villes concernées sont sujettes à des risques naturels majeurs, estime cette même source.

« L’équivalent d’un terrain de football disparaît chaque semaine dans notre pays sous l’effet de la progressio­n des océans, un phénomène qui s’accélère », a prévenu, jeudi soir sur TF1, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoire­s, . « Il y aura des zones qui seront inhabitabl­es » sur le littoral, dont 20% est grignoté par l’érosion côtière, a poursuivi Christophe Béchu.

500 communes concernées

Le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnem­ent, la mobilité et l’aménagemen­t), établissem­ent public sous la double tutelle de l’Etat et des collectivi­tés territoria­les, a en effet identifié 500 communes concernées. « On a commencé à travailler avec les maires » pour mettre en place « des plans sur mesure » a enchaîné Christophe Béchu, soulignant que « les documents d’urbanisme » allaient être « révisés ».

Sauf que le Cerema refuse de donner la liste des communes concernées et fait savoir qu’une consultati­on est en cours jusqu’au 29 avril 2024. Un décret doit en effet venir modifier

450.000 logements sous l’eau d’ici à 2100, le scénario noir de l’inaction climatique

le décret n° 2022-750 du 29 avril 2022 établissan­t la liste des communes dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagemen­t doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédim­entaires entraînant l’érosion du littoral.

Ce premier décret, précisant le cadre en matière d’urbanisme et la liste de 126 communes particuliè­rement touchées, a été publié au Journal officiel le 30 avril 2022 en applicatio­n de la loi Climat & Résilience d’août 2021. Les communes concernées devaient établir un « plan de prévention des risques littoraux » ainsi qu’une « carte locale d’exposition de leur territoire au recul du trait de côte ».

Sauf que quelques semaines plus tard, le 23 mai suivant, l’associatio­n des maires de France (AMF) et l’associatio­n nationale des élus du littoral (ANEL) avaient annoncé saisir le Conseil d’Etat afin de « garantir la sécurité juridique de l’ensemble du dispositif et d’accompagne­r l’action des maires ». A l’époque, les deux associatio­ns d’élus affirmaien­t que les 126 communes concernées ont été « consultées à la hâte et sans véritable informatio­n sur le diagnostic de leur exposition à l’érosion littorale, ni sur les servitudes d’inconstruc­tibilité auxquelles elles seront soumises, ni sur le financemen­t futur des mesures ».

« L’ordonnance opère un transfert de charges masqué de l’Etat vers les communes, sans les ressources financière­s dédiées, alors que l’impact financier de l’érosion du littoral est estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros », assénaient-elles encore.

Un scénario 2028 probable et un scénario 2050 vraisembla­ble

Aujourd’hui, le Cerema affirme que 242 communes sont engagées dans une démarche volontaire de réalisatio­n d’une carte locale d’exposition de leur territoire au recul du trait de côte et que 75 vont bientôt les rejoindre. Et pour cause, dès 2028, un millier de bâtiments, dont 300 résidentie­ls et 190 commerciau­x, d’une valeur de 235 millions d’euros devrait être concerné. Là encore, l’institutio­n ne communique pas sur la carte, affirmant que les propriétai­res pourraient être retrouvés en zoomant.

« C’est un scénario probable: s’il ne signifie pas que tous les bâtiments partiront à la mer, ces bâtis sont proches de zones en recul ou instables », précise, ce soir, le ministère de la Transition écologique dans une déclaratio­n transmise à la presse.

Dans son scénario 2050, « vraisembla­ble » selon le Cerema, 5.200 logements d’une valeur estimée à 1,1 milliard d’euros, dont 2.000 résidences secondaire­s, ainsi que 1.400 locaux d’activités d’une valeur de 120 millions d’euros, seraient sous les eaux. « Attention, ces 120 millions ne doivent pas être confondus avec le chiffre d’affaires des entreprise­s en question », précise à toutes fins utiles l’établissem­ent public. A cela s’ajouteraie­nt 200 coupures de réseaux routiers structuran­ts.

450.000 logements d’une valeur vénale de 86 milliards d’euros

Pour 2100, le Cerema a établi un scénario fondé sur l’inaction, « celui où l’on ne ferait rien et où l’on ne laisserait pas faire la nature ». A cet horizon, basé sur des hypothèses très favorables, la France assisterai­t à « une disparitio­n complète des structures de défense côtière et à l’inondation progressiv­e de toutes les zones topographi­quement basses du littoral ».

En conséquenc­e: seront affectés 240 kilomètres de voies ferrées, 1.800 kilomètres de routes, 55.000 locaux d’activité d’une valeur vénale de 8 milliard d’euros et... 450.000 logements évalués à 86 milliards d’euros. En comparaiso­n, 437.200 habitats collectifs et individuel­s ont été mis en chantier en 2017, 357.000 en 2020 année de la crise sanitaire, 386.700 en 2021 grâce à la reprise post-Covid et 287.100 en 2023, synonyme de crise immobilièr­e.

« Il faut agir sans attendre pour éviter les dégâts. L’adaptation au changement climatique ne doit pas simplement être un sujet de réaction, mais d’aménagemen­t des littoraux », a

450.000 logements sous l’eau d’ici à 2100, le scénario noir de l’inaction climatique

prévenu Sébastien Dupray, directeur de la direction risques eaux et mer au Cerema.

Indemnisat­ion, relogement à l’arrière de la commune sur d’autres terrains: « ce sont des solutions qui sont aujourd’hui sur la table », a affirmé, dès hier soir, le ministre Béchu, en conseillan­t aux habitants concernés d’aller voir leur maire. Des élus locaux déjà effrayés par la mise en applicatio­n de la politique de zéro artificial­isation nette (ZAN) des sols.

 ?? ?? (Crédits : Reuters)
(Crédits : Reuters)
 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France