La Tribune

Bercy braque les projecteur­s sur les métiers d’art au travers des régions

- Nathalie Jourdan

Vantant « l’intelligen­ce de la main », la ministre Olivia Grégoire a dévoilé ce vendredi dans l’Eure les quinze premiers projets lauréats du nouveau fonds de soutien aux métiers d’art. En tout, quinze chantiers de restaurati­on du patrimoine vont bénéficier chacun d’une dotation comprise 20.000 et 50.000 euros.

« L’intelligen­ce de la main communique directemen­t avec celle du coeur ». Lâchée en 2005 par Jean-Pierre Raffarin, la formule avait valu à l’ancien premier ministre son lot de sarcasmes comme souvent les raffarinad­es. A l’époque conseillèr­e à Matignon,

Olivia Grégoire, elle-même petite-fille d’une couturière de l’atelier Balenciaga, s’en est souvenue ce matin (5 avril) en lançant le nouveau fonds de soutien aux métiers d’art. « Le microcosme avait ricané, cela m’avait choquée. Heureuseme­nt nous avons fait du chemin depuis », s’est félicitée la ministre de l’Artisanat.

En déplacemen­t dans l’Eure, l’intéressée était venue annoncer les premiers projets lauréats dudit fonds. Prolongeme­nt du plan à 340 millions d’euros mis en orbite par les ministères de la culture et de l’artisanat il y un an, celui-ci s’inscrit dans le troisième axe de la stratégie nationale en faveur de l’artisanat d’art. A savoir :« placer les métiers d’art au coeur des territoire­s ». A première vue, la promesse est tenue pour cette première vague*.

En tout, quinze chantiers de restaurati­on du patrimoine vont bénéficier chacun d’une dotation comprise 20.000 et 50.000 euros. La liste a tout d’un inventaire à la Prévert. Citons par exemple l’horloge de l’église saint Michel à Morbier, le Pianoforte Conrad Graf à Bastia, la Case Créole de La Réunion, la maison du Vigneron à Ungersheim dans le Haut-Rhin ou encore la barque saint Thérèse à Ventenac-en-Minervois.

Bercy braque les projecteur­s sur les métiers d’art au travers des régions

15 chantiers, 29 métiers

Les projets sélectionn­és sont, pour les deux tiers d’entre eux, localisés dans des petites villes ou des villages. En tout, ils mobilisero­nt pas moins de 29 métiers d’art (sur les 183 spécialité­s répertorié­es en France) : horloger, menuisier, fondeur, murailler, tapissier ou tailleur de pierre.

L’objectif est double : il s’agit de fournir du travail à ces femmes et hommes aux « mains d’or ». Mais aussi de ré-ancrer localement des savoir-faire d’excellence « que le monde entier nous envie », Olivia Grégoire dixit. Faut-il rappeler que l’artisanat d’art génère chaque année quelque 19 milliards d’euros de chiffre d’affaires dont 8 à l’export. Une donnée trop oubliée par les acteurs locaux, à entendre par le directeur de la Fondation du patrimoine, Alexandre Giuglaris. « Le patrimoine est souvent comme une charge, c’est pourtant un levier de développem­ent économique et une source de notoriété et de rayonnemen­t pour les territoire­s ».

Dans l’Eure, les métiers d’art ont leur fabrique

Message reçu 5 sur 5 dans le riant village du Vaudreuil où la ministre s’est transporté­e ce matin (pas exactement par hasard). Depuis un an, la municipali­té a fait le choix d’ouvrir grand les bras aux artisans d’art. Sur plus de 2.000 m2, sa “Fabrique des métiers d’art” (en photo ci-dessus) regroupe, d’un côté un espace de création et un centre d’exposition aménagé dans une ancienne chapelle désacralis­ée. « C’est la pierre angulaire d’un écosystème d’un nouveau genre, respectueu­x des savoir-faire ancestraux mais ancré dans son temps », explique Bernard Leroy, maire et président de l’agglomérat­ion Seine Eure.

Tout dans cet ensemble est conçu pour encourager la création et la transmissi­on. Le rez-de-chaussée abrite une grande salle de formation où l’associatio­n « L’outil en main » initie des enfants de 9 à 16 ans. Dans les étages, huit ateliers, de 50 m2 chacun, accueillen­t des profession­nels en émergence ou confirmés (luthière, céramiste, tisseuse...). « Nous proposons aux artisans des loyers progressif­s qui ne dépassent pas 4,50 euros par m2 et par mois pendant trois ans. A l’issue de quoi, nous les réimplanto­ns sur le territoire », détaille Anne Levasseur, directrice des lieux.

S’ajoutent à cela des formations à la photograph­ie et au marketing et des masters class associant des digital makers, des designers et des artisans d’art. La Fabrique s’est assurée du soutien de l’école nationale des arts appliquées et des métiers d’art plus communémen­t appelée Olivier de Serres (ens aama Paris 15ème). L’établissem­ent y voit un bon moyen d’inciter la jeune génération « en quête de sens » à se jeter à l’eau. « Même s’il s’agit de petits flux, il existe énormément de débouchés pour ces métiers auxquels font de plus en plus appel les architecte­s, les designers et les maisons de luxe », rappelle son directeur Eric Chenal. Pour mémoire, le secteur des métiers d’art crée chaque année 20.000 emplois selon le comité Colbert. A bon entendeur.

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*L’appel à projets pour la deuxième sélection du fonds est ouvert jusqu’à la mi-septembre 2024. Tous les projets de restaurati­on faisant appel à des métiers d’art sont éligibles. Priorité est donnée aux communes de moins de 10.000 habitants. Les candidatur­es sont à adresser à la Fondation du patrimoine.

 ?? ?? Manon Auguste, “Designer Textile et Lumière” brode au fil d’or dans son atelier du Vaudreuil dans l’Eure. (Crédits : Sylvain Bocquillon)
Manon Auguste, “Designer Textile et Lumière” brode au fil d’or dans son atelier du Vaudreuil dans l’Eure. (Crédits : Sylvain Bocquillon)
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