La Tribune

Sécheresse : pluie de projets de sécurisati­on de l’accès à l’eau dans les Pyrénées-Orientales

- Yann Kerveno

En attendant la nouvelle visite de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, annoncée dans les Pyrénées-Orientales pour la deuxième semaine d’avril, le départemen­t tout entier peaufine ses projets d’adaptation à la sécheresse.

Une cinquantai­ne. C’est globalemen­t le nombre de projets en lien avec la question de l’eau qui ont émergé depuis un an dans les Pyrénées-Orientales. Une liste dans laquelle l’État va piocher « six ou sept projets », selon Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique. « A condition qu’ils soient mûrs, consensuel­s et prêts à démarrer », a précisé Yohan Marcon, secrétaire général de la préfecture des Pyrénées-Orientales lors de l’assemblée générale de la FDSEA locale...

Dans un contexte de crise agricole aggravée par la sécheresse exceptionn­elle que connaît l’Occitanie, une première réunion de travail autour de l’eau agricole s’est tenue à l’initiative de la Région Occitanie le 5 février dernier, à l’issue de laquelle 79 projets de sécurisati­on de l’accès à l’eau portés par la profession agricole et jugés prioritair­es ont été transmis par la profession. Le préfet de la région Occitanie Pierre-André Durand, la présidente de la Région Carole Delga et le président de la chambre régionale d’agricultur­e Occitanie Denis Carretier réuniront, lundi 8 avril, les représenta­nts des profession­nels agricoles, les potentiels maîtres d’ouvrage et les financeurs (Direction régionale de l’alimentati­on, de l’agricultur­e et de la forêt et agences de l’eau) afin d’échanger sur cette liste.

Amener l’eau du Rhône par Aqua Domitia

Dans les Pyrénées-Orientales, toutes les pistes sont envisagées, depuis la réutilisat­ion des eaux de station d’épuration jusqu’à, vieux serpent de mer, amener l’eau du Rhône jusque dans les Pyrénées-Orientales. Ce projet fera d’ailleurs l’objet d’une étude, l’annonce en a été faite par Agnès Langevine, conseillèr­e régionale d’Occitanie, lors de la visite de Christophe Béchu,

Sécheresse : pluie de projets de sécurisati­on de l’accès à l’eau dans les Pyrénées-Orientales

cofinancée par l’État et la Région, pour évaluer la faisabilit­é et le coût d’un tel projet. Aujourd’hui, Aqua Domitia, nom de ce tuyau convoité, s’arrête au niveau de l’agglomérat­ion narbonnais­e. Le monde agricole pousse le projet et propose la création d’un vaste stockage, au nord du départemen­t, pour y stocker l’eau en période hivernale quand les autres départemen­ts (Gard, Hérault) n’ont pas besoin de la ressource.

Pour les autres stockages, le ministre de l’Agricultur­e Marc Fesneau a appuyé un vieux projet de 121.000 m3 de retenues de type collinaire dans les Aspres pour développer l’irrigation de 350 hectares et sauver la vigne, tandis que d’autres projets, plus modestes, sont à l’étude. Soit pour servir de « tampon » et sécuriser les réseaux d’irrigation sous-pression en cas de fermeture temporaire des canaux (c’est le cas du côté de Thuir), soit pour stocker à proprement parler de l’eau le long du Tech et dans la basse vallée de l’Agly.

Réutiliser l’eau traitée

Le seul dossier qui ait véritablem­ent avancé depuis un an est celui de la réutilisat­ion des eaux des stations d’épuration. Sept stations ont obtenu l’autorisati­on de mettre ces eaux à dispositio­n. Le ministre a estimé le chantier à 50 millions d’euros. Reste, sur ce sujet, à savoir quoi faire avec ces eaux : s’en servir pour recharger des stockages, développer des réseaux d’irrigation dans le périmètre des principale­s stations sur la côte ? Avec un frein majeur, « le coût de cette eau qui peut-être trois à six fois supérieur à ce qu’il est aujourd’hui » selon Jean Bertrand, en charge du dossier Eau à la Chambre d’agricultur­e des Pyrénées-Orientales.

Le projet le plus conséquent en matière de réutilisat­ion de l’eau est porté par l’agglomérat­ion de Perpignan Méditerran­ée et son président Robert Vila qui veut faire « remonter » l’eau de la station de Perpignan en amont dans la Têt. Il s’agit de 10 millions de mètres cubes, soit entre 500 et 600 litres secondes.

« C’est une eau que nous remettons dans le fleuve à l’aval de Perpignan, donc il y a une certaine logique à cette idée, et cela pourrait permettre de consolider l’alimentati­on des canaux qui servent à l’irrigation et à la recharge de certaines nappes », plaide-t-il.

Optimiser l’existant

Deux autres voies sont proposées par le monde agricole : l’optimisati­on des installati­ons existantes (canaux, réseaux sous pression) pour gérer l’eau plus finement et faire encore plus d’économies, et le maillage des ressources. Plusieurs projets d’origines différente­s sont évoqués, comme le raccordeme­nt du lac de Vinça à celui de Villeneuve-la-Raho, voire à celui sur l’Agly, ou encore l’interconne­xion des canaux pour pouvoir basculer de l’eau d’une zone à une autre, ce qui aurait pu sauver une partie des arbres du secteur le plus touché cette année autour d’Espira de l’Agly.

Président de l’associatio­n des maires du départemen­t,

Edmond Jorda plaide pour que l’État accompagne fortement les communes dont les réseaux sont en mauvais état - le départemen­t des Pyrénées-Orientales faisant partie des mauvais élèves en matière d’efficacité des réseaux d’eau potable - et estime qu’il ne faut pas se priver de regarder du côté de la désalinisa­tion de l’eau de mer.

Bulletin hydrologiq­ue : « en crise »

Dans son bulletin hydrologiq­ue du 25 mars dernier, la préfecture des Pyrénées-Orientales faisait le point sur la situation des cours d’eau et des nappes phréatique­s en ces premiers jours de printemps. Pour les cours d’eau, elle indiquait que « les précipitat­ions neigeuses des dernières semaines sont en train de fondre avec la rehausse des températur­es moyennes, ce qui entraîne des débits plus ou moins soutenus en montagne. On retrouve par exemple près de 5 m3/s en amont de la Têt. Malgré cela, les débits en rivière demeurent très faibles pour la saison. La situation reste ainsi tendue sur tous les bassins versants du départemen­t ».

Concernant les nappes, le bulletin indiquait « une absence de recharge hivernale, ou du moins très faible, sur la grande majorité des secteurs (en CRISE), sans réelle dynamique positive observable, et au mieux une stabilité toute relative ».

 ?? ?? Dans les Pyrénées-Orientales, où la sécheresse sévit, toutes les pistes sont envisagées pour sécuriser les accès à l’eau. (Crédits : Yann Kerveno)
Dans les Pyrénées-Orientales, où la sécheresse sévit, toutes les pistes sont envisagées pour sécuriser les accès à l’eau. (Crédits : Yann Kerveno)

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