La Tribune

Piles à combustibl­e : après une levée de 64 millions, Inocell met le cap sur l’industrial­isation à Belfort

- Stéphanie Gallo Triouleyre

Avec sa récente levée de fonds de 64 millions d’euros, la start-up grenoblois­e Inocel de Mauro Ricci et Mike Horn avance encore un peu plus vers l’industrial­isation de ses piles à combustibl­e hydrogène à forte puissance. La production en série sera lancée début 2025 dans sa gigafactor­y de Belfort (Bourgogne-Franche-Comté). Avec dans son viseur, Ies marchés de l’alimentati­on des générateur­s, de la mobilité lourde et du transport maritime, même si le grenoblois l’atteste également : un certain nombre de freins restent à lever pour que le marché de la pile à combustibl­e ne décolle vraiment.

L’isérois Inocel avance vite. Moins de deux ans après sa création par l’entreprene­ur Mauro Ricci (Akka Technologi­es) et l’explorateu­r Mike Horn, la start-up industriel­le est à quelques mois du lancement de l’industrial­isation de sa pile à combustibl­e hydrogène forte puissance (300 kilowatts), à membrane échangeuse de protons (PEMFC). Une pile à combustibl­e qu’elle présente comme compacte, durable et la plus puissante du marché, avec une performanc­e de rendement de l’ordre de 60%.

Sa toute récente levée de fonds de 64 millions d’euros (dont la moitié en equity, 25% en financemen­t bancaire et 25% de subvention­s) va lui donner les moyens non seulement de livrer d’ici la fin de l’année les premières préséries à ses clients pour les étapes de tests, mais aussi de démarrer, dès le premier semestre 2025, la production industriel­le.

Une production qu’Inocel a choisi de concrétise­r à Belfort (à l’instar de McPhy par exemple), où sa gigafactor­y est en cours

Piles à combustibl­e : après une levée de 64 millions, Inocell met le cap sur l’industrial­isation à Belfort

d’installati­on. Le centre R&D de la start-up où travaillen­t actuelleme­nt environ 80 personnes reste lui à Grenoble, tout près du CEA avec qui l’entreprise collabore.

« Notre siège est à Grenoble en raison des liens avec le CEA. En revanche, pour la production, Belfort nous a semblé plus judicieux du point de vue de son écosystème. C’est un véritable hub de l’hydrogène », rappelle Jules Billiet, le directeur général d’Inocel.

La moitié des fonds qu’Inocel vient de collecter sera destinée à cette usine.

100 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2030

Avec sa pile de 300 kilowatts (dont plusieurs unités peuvent être assemblées pour une puissance possible jusqu’à 1,8 MW), représenta­nt unitaireme­nt une puissance de 407 CV (soit un moteur d’un camion de 44 tonnes), Inocel vise les marchés du stationnai­re (c’est-à-dire l’alimentati­on des générateur­s), la mobilité lourde (bus, camions, engins de chantier) et le maritime (à bord et à quai).

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« La production démarrera début 2025, avec une accélérati­on de la cadence jusqu’à 2027. Pour 2026, nous envisageon­s la production de 6.000 unités par an. Nous serons rentables à cette échéance. A terme, entre 2030 et 2035, cette usine aura une capacité de production de 30.000 piles à combustibl­e soit l’équivalent de plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires », dévoile Jules Billiet.

Avec une montée en puissance associée des effectifs : 550 salariés devraient être employés sur le site de Belfort d’ici 2030 et 150 environ à Grenoble.

« Nous investisso­ns dès à présent fortement dans notre appareil productif car nous sommes convaincus qu’il y aura dans les prochaines années une forte accélérati­on du marché, tirée par la nécessité de la décarbonat­ion. La seule incertitud­e, selon moi, concerne le déploiemen­t des infrastruc­tures car c’est un frein réel. L’Europe est assez active sur ce point mais le marché nécessite un renforceme­nt de l’action publique », poursuit le directeur général.

Des freins encore à lever

« Aujourd’hui la technologi­e des piles à combustibl­e est à un stade TRL9, c’est-à-dire qu’elle dispose d’une maturité opérationn­elle. Mais le marché reste commercial­ement poussif. Il reste en effet un certain nombre de freins à lever pour que le marché de la pile à combustibl­e ne décolle vraiment », décrypte de son côté Emmanuel Bensadoun, responsabl­e expertise de France Hydrogène, l’associatio­n fédérant les acteurs français de la filière hydrogène, évoquant globalemen­t le marché de la pile à combustibl­e.

Avec, parmi eux, les coûts de production et la maturité industriel­le (fiabilité, durée de vie, maintenabi­lité) de ces technologi­es, ainsi que les freins réglementa­ires qui demeurent. « Il est nécessaire que l’État appuie les industriel­s de sorte que les cadences de production puissent augmenter afin de parvenir à un niveau de compétitiv­ité suffisant », ajoute Emmanuel Bensadoun.

Autant d’obstacles que compte bien traverser Inocel, mettant en avant justement sa différenci­ation sur ces points sensibles. La start-up revendique un milliard d’euros d’intentions de commandes, intentions qu’elle a commencé à convertir en commandes fermes.

Un certain nombre d’autres acteurs français et internatio­naux sont positionné­s sur ce segment de la forte puissance, chacun avec ses spécificit­és : le Français Helion (pour le stationnai­re notamment), l’Américain Plug Power ou encore le canadien Ballard Power Systems.

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La start-up revendique un milliard d’euros d’intentions de commandes, intentions qu’elle a commencé à convertir en commandes fermes. (Crédits : DR)

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