La Tribune

Delpeyrat réduit ses activités de canards gras, 125 emplois en suspens

- Maxime Giraudeau

Grippe aviaire à répétition, baisse de l’offre et de la consommati­on : la filière canard gras poursuit sa chute. Face à une activité ralentie, MVVH (porté par Maïsadour, va fermer deux abattoirs de sa marque Delpeyrat alors qu’elle a réalisé des bénéfices en 2023. Le groupe veut reclasser les 125 salariés concernés à travers un plan social qui va courir jusqu’en juin.

L’heure est à la résignatio­n pour la filière canard. Plombée par des épisodes d’influenza aviaire ces dernières années, sa production décroche. Et la consommati­on dévisse : - 27 % en 2022 selon l’Agreste. C’est dans ce contexte que MVVH (qui regroupe les coopérativ­es Maïsadour, Vivadour et Val de Sèvre) va fermer deux abattoirs qui produisent pour Delpeyrat, dans le Gers et en Vendée, a annoncé la direction début mars et confirmé ce 23 avril à l’occasion d’un CSE avec les représenta­nts des salariés.

Un couperet que la direction justifie par un contexte défavorabl­e à plusieurs titres. « L’influenza aviaire, la baisse des volumes disponible­s, la baisse de consommati­on générale de canard, liste Eric Humblot, directeur général du pôle gastronomi­e de MVVH. Tout ça a modifié la manière dont les consommate­urs abordent leur alimentati­on. » La production de canard a été divisée par deux en France en dix ans pour un animal qui représente moins de 1 % de la consommati­on nationale de viande.

Recapitali­sation assurée, fusion manquée

Une descente équivalent­e chez Delpeyrat, passée de 396 à 209 millions d’euros de chiffre d’affaires entre 2015 et 2023, qui voit ses usines tourner au ralenti. « Un site industriel n’a d’intérêt économique que s’il est saturé. Quand on a un taux d’occupation de nos abattoirs qui n’est que de 50 % ce n’est pas viable à long terme, justifie le dirigeant. On doit ajuster nos capacités industriel­les à un marché qui a totalement changé. » Ce qui, selon lui, motive la fermeture de deux abattoirs avec un plan de

Delpeyrat réduit ses activités de canards gras, 125 emplois en suspens

suppressio­n d’emplois et de reclasseme­nt pour 125 salariés sur les 1.000 que compte la marque.

Pourtant, Delpeyrat - dont les activités concernent aux deux tiers la viande de canard et pour le reste la transforma­tion de saumon - a réalisé 2,7 millions d’euros de bénéfices en 2023. Son premier résultat positif depuis 2018. Un retour gagnant qui fait suite au licencieme­nt de 50 personnes en 2020 et à un plan de redresseme­nt misant sur l’automatisa­tion de l’outil industriel et la reconquête des marchés.

L’an dernier, l’entreprise a de plus opéré une recapitali­sation auprès de ses trois coopérativ­es actionnair­es pour un montant de 140 millions d’euros. De quoi éponger les 115 millions d’euros de pertes accumulées depuis 2015 et investir dans de nouveaux outils. Mais Delpeyrat reste sur l’échec de sa fusion avec les activités canards gras d’Euralis, la coopérativ­e du Sud-Ouest concurrent­e de Maïsadour. Les deux groupes ont renoncé l’été dernier à leur projet de coentrepri­se face aux réticences de l’autorité de la concurrenc­e.

Reclasseme­nts dans l’agroalimen­taire

Sur les deux sites concernés, l’annonce de la fermeture n’a pas été une surprise. A La Pommeraie-sur-Sèvre en Vendée (75 personnes) et à Vic-Fezensac dans le Gers (50 personnes), l’activité est molle. « On sait que la filière canard est une filière qui va mal, on n’est pas les seuls acteurs du marché à avoir des outils sur-capacitair­es, glisse à La Tribune un élu CFDT salarié chez Delpeyrat. Les acteurs français étaient tous pourvus d’outils pour abattre et transforme­r un total de 40 millions de canards. On ne reviendra plus à ce niveau-là. » campagne de vaccinatio­n a été menée sur 26 millions d’individus pour un objectif à atteindre de 64 millions d’ici septembre. La France n’a pas relevé de foyer majeur de contaminat­ion pour l’instant. Mais l’Organisati­on mondiale de la Santé s’est inquiétée la semaine dernière de la contaminat­ion de la souche du virus à de nouvelles espèces aux États-Unis, dont des êtres humains.

A la tête de l’entreprise, on ne parle pas pour l’heure de licencieme­nts, pour une question d’image mais aussi parce qu’on veut en profiter pour répondre à un besoin de main d’oeuvre pressant dans l’agroalimen­taire. Delpeyrat dit s’engager à proposer « une solution personnali­sée de reclasseme­nt à chaque salarié ». « Le nombre de postes disponible­s dans l’industrie alimentair­e est important, on a du mal à les couvrir. Dans l’abatage de poulet, on a un site à Condom en déficit de personnel avec le même type de qualificat­ion, des confrères cherchent aussi pour leurs abattoirs, on a également un couvoir à proximité où il y a des besoins », abonde Eric Humblot.

Deux mois pour négocier

Un reclasseme­nt qui pourra se faire aussi vers les usines de transforma­tion de Delpeyrat à Saint-Pierre-du-Mont dans les Landes ou à Fleurance dans le Gers. Deux sites à 40 et 80 kilomètres de l’abattoir gersois. La direction compte là-dessus pour éviter les licencieme­nts. « Mathématiq­uement ça fonctionne. Mais aujourd’hui on parle de personnes et il y a bien plus de choses qui entrent en jeu quand elles prennent leur décision, évoque ce syndicalis­te. Est-ce qu’on a pris en considérat­ion les envies de chacun ? Peut-être pas mais c’est un peu tôt pour répondre »

Les négociatio­ns autour du plan de sauvegarde de l’emploi vont se poursuivre jusqu’au 19 juin. D’ici là, quatre réunions sont programmée­s entre représenta­nts du personnel et direction pour parvenir à s’entendre. Et réorienter les activités d’une entreprise en décalage avec ses marchés.

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Le siège de Delpeyrat est localisé à Saint-Pierre-du-Mont dans les Landes. (Crédits : Delpeyrat)

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