La Tribune Hebdomadaire

Notre industrie est désormais déflationn­iste. Les opérateurs ne font quasiment plus de croissance. »

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tribune – Qu’est-ce que l’alternance politique peut changer pour France Télécom ? Stéphane Richard

– Je ne vois pas, a priori, de conséquenc­es immédiates à ce changement. Avoir comme premier actionnair­e l’Etat est un gage de stabilité et de prise en compte des intérêts collectifs dans les choix de l’entreprise, quelle que soit la majorité politique.

de votre avenir personnel dans ce nouveau contexte ?

A titre personnel, je souhaite continuer à servir loyalement mon entreprise tant que j’aurai le sentiment d’être utile à ses salariés, à ses clients et à ses actionnair­es, à commencer par l’Etat. C’est à eux d’apprécier le chemin parcouru depuis deux ans. Il me semble important de prendre en compte la durée qu’exige l’apaisement d’une entreprise de cette taille après la violente crise qui l’a secouée. Nous avons à gérer des mutations difficiles qui nécessiten­t une continuité dans l’action. Cela étant dit, comme tout dirigeant, je ne suis pas propriétai­re de mon job et mon avenir personnel ne me semble pas être le problème principal de France Télécom.

à quoi pensez-vous le matin en vous rasant ? A Free, à l’avenir de France Télécom ?

Ce qui m’inquiète aujourd’hui, ce sont plutôt les termes de l’équation économique à laquelle sont confrontés les opérateurs télé- coms en Europe, et singulière­ment en France depuis quelques mois. Notre industrie est désormais clairement déflationn­iste. Les opérateurs ne font quasiment plus de croissance depuis plusieurs années. Et le peu de croissance que nous réalisons est plus qu’effacée par le rabot de la régulation. Chaque année, le 1er janvier, nous perdons un milliard d’euros de chiffre d’affaires avant même d’avoir commencé à travailler ! Le modèle européen de régulation des télécoms axé sur la concurrenc­e, la baisse des prix pour le consommate­ur, et donc la baisse des marges des opérateurs, atteint ses limites. Parallèlem­ent, le coeur de notre métier est en concurrenc­e directe avec des acteurs mondiaux des services Internet, les « over-the-top » [Apple, Google, Netflix, etc., ndlr], qui ne sont pas soumis aux mêmes contrainte­s, et qui parviennen­t à capturer l’essentiel de la croissance dans les services numériques. Quand Apple lance sa fonction iMessage sur iPhone, cela vient manger les revenus des SMS. Quand Skype propose des communicat­ions gratuites sur PC, cela mange les revenus du fixe. Le secteur des télécoms a besoin que les pouvoirs publics redonnent aux acteurs qui le composent les moyens d’investir, pour l’avenir de nos territoire­s, en fixant une réglementa­tion et une fiscalité plus justes. France Télécom-Orange doit faire face à cette situation, rendue encore plus difficile par l’arrivée d’un quatrième opérateur mobile en France, tout en gérant, en bonne intelligen­ce avec les partenaire­s sociaux, une équation démographi­que qui se traduira par d’importants départs à la retraite dans les prochaines années.

vous pas vous-même plaidé pour la quatrième licence quand vous étiez à Bercy ?

A Bercy, j’étais directeur de cabinet du ministre de l’Economie. Je ne suis pas intervenu personnell­ement dans ce dossier car, ayant été préalablem­ent administra­teur de France Télécom, je m’étais dessaisi de tout sujet pouvant concerner cette entreprise. Je n’ai participé à aucune réunion d’arbitrage. Je pense, à titre personnel, qu’il aurait été plus judicieux d’ouvrir des discussion­s avec les opérateurs existants et de leur faire prendre des engagement­s sur les investisse­ments, les prix et l’emploi. C’est ce que France Télécom a fait en Pologne, par exemple. En vérité, à l’époque, personne ne s’est vraiment soucié des conséquenc­es pour le secteur, qui a souffert de son image de rentabilit­é excessive, sans doute parce que nous n’avons pas bien expliqué notre modèle économique. La réalité est que nous sommes la seule dépense contrainte des ménages, qui est sujette à la concurrenc­e, à la différence des transports ou de l’électricit­é, avec des prix qui ont continuell­ement baissé depuis des années, alors même que nous sommes un métier de coûts fixes requérant des investisse­ments très lourds.

résultats du premier trimestre n’ont-ils pas montré que France Télécom résistait bien à l’arrivée de Free Mobile ?

L’efficacité de notre riposte commercial­e, mais aussi la solide contributi­on des activités internatio­nales du groupe ont permis de limiter le recul du chiffre d’affaires. Le mobile en France ne représente que 25 % de notre chiffre d’affaires, un peu plus en résultat. Le contrat d’itinérance

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