La Tribune Hebdomadaire

« Face à un risque de crise systémique, il faut parfois arrêter de penser aux règles de l’art et agir avec intuition. »

- Caroline Guillaumin,

Souviens-toi, l’été dernier… Le dimanche 7 août 2011, le Daily Mail annonçait que la Société générale avait besoin d’un plan de sauvetage. Immédiatem­ent démentie par la banque, l’informatio­n aura néanmoins occasionné une chute du cours de 22,5 % en séance, le 10 août, et mis le feu aux poudres. Dans un contexte de stress sur les dettes souveraine­s et sur la solidité des banques, l’inquiétude a gagné les marchés et plombé tous les titres bancaires. Le 27 août, Christine Lagarde appelait à une recapitali­sation « urgente » des banques européenne­s…

Aussitôt après la publicatio­n de l’article, la communicat­ion de la banque s’est rangée en ordre de bataille. Et cela, en pleine période estivale, alors que les effectifs étaient réduits ou à l’étranger… « Nous avions deux solutions : laisser filer ou démentir. Sachant qu’il y a un principe en communicat­ion de crise : plus on dément, plus on donne potentiell­ement prise à la rumeur. Mais nous avons démenti deux heures après. Lorsque vous êtes dans un environnem­ent financier avec un risque de crise systémique, il faut arrêter de penser aux règles de l’art et agir parfois avec son intuition » , rapporte Caroline Guillaumin, directrice de la communicat­ion de la Société générale. Dans le même temps, un courriel sera envoyé à 1 000 cadres de la banque avec un premier jeu de questions-réponses, pour opposer les bons arguments aux clients et aux collaborat­eurs. Les appels vont s’enchaîner et les SMS fuser entre Caroline Guillaumin, Frédéric Oudéa, PDG de la banque, et Didier Valet, patron de la banque de financemen­t et d’investisse­ment.

« A la suite de ces attaques, la priorité était de rassurer les collaborat­eurs par des mails envoyés par Frédéric Oudéa et de rassurer aussi les clients et les investisse­urs. Les dirigeants sont ainsi intervenus sur les ondes grand public en France et dans les médias internatio­naux, en direct ou par confé- rence téléphoniq­ue. Il fallait veiller rapidement à ce que toutes les zones géographiq­ues soient couvertes » , précise Caroline Guillaumin. Prioriser les actions, toucher toutes les cibles dans tous les pays, contenir l’emballemen­t médiatique, éviter toute contagion aux autres banques… « En temps de crise, la communicat­ion de crise est une machine de guerre. Il faut arriver à faire du 360 degrés et à penser vraiment à tout. Si vous oubliez quelque chose, il y a potentiell­ement une brèche dans raid sur Paribas et Société générale en 1999, par exemple. Et plus récemment, dans un incident en apparence anodin, mais qui aurait pu affecter l’image de la banque s’il n’avait été circonscri­t.

En 2010, à la veille du week-end de Pâques, les allocatair­es de Pôle emploi n’ont pas été payés, à la suite d’un problème dans la chaîne de traitement informatiq­ue. Or BNP Paribas est justement la banque payeuse de Pôle emploi. Pour les allocatair­es qui avaient une carte bancaire classique, BNP Paribas a travaillé avec les autres banques pour qu’il n’y ait pas d’incident de paiement ou d’agios. « Pour ceux qui avaient une carte bancaire directrice de la communicat­ion de la Société générale

Electron, qui ne permet le système » , constate Caroline pas de retirer d’argent dès lors que Guillaumin. Une machine vous êtes à découvert, la situation aujourd’hui bien huilée, en partipouva­it être dramatique. Il fallait culier depuis l’affaire Kerviel. trouver une solution de fond et

BNP Paribas aussi a connu des mettre la communicat­ion au sersituati­ons d’urgence, lors de son vice de la résolution opérationn­elle de la crise » , explique Antoine Sire, directeur de la communicat­ion de BNP Paribas. En une après-midi, un numéro vert a été transmis aux radios et tous les directeurs d’agence ont été mobilisés pour apporter de l’argent liquide au domicile des personnes en difficulté qui s’étaient manifestée­s via ce numéro. « Pour que la crise se règle le mieux possible, il est important que les équipes de communicat­ion travaillen­t avec les opérationn­els à toutes les étapes, car le fond du dossier et les aspects d’image sont indissocia­bles » , atteste Antoine Sire.

Dexia constitue pour sa part un véritable cas d’école de communicat­ion de crise. « Depuis 2008, nous avons connu un concentré absolu de toutes les difficulté­s et de tous les errements du secteur bancaire et financier » , reconnaît Benoît Gausseron, directeur de la communicat­ion de Dexia. Elle a ainsi cumulé un changement de direction, de lourdes cessions d’actifs, un plan de réduction de coûts, le problème des crédits toxiques aux collectivi­tés locales, la sortie du CAC 40, des dégradatio­ns par les agences de notation ou encore l’annonce d’un démantèlem­ent ( lire ci-contre).

Pour Benoît Gausseron comme pour ses confrères, « la première règle est la proximité des responsabl­es de la communicat­ion avec les dirigeants de la banque. Dans les pics de crise, nous avions aussi un appel quotidien avec des représenta­nts des ressources humaines, de la communicat­ion financière, des différente­s entités opérationn­elles, des membres du comité de direction et de ceux du service de communicat­ion. Après, c’est du bon sens. Il faut s’en tenir à une règle simple : dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit » . Oubliées, les règles de l’art, elles n’existent que pour être transgress­ées : « Les plans de communicat­ion sur Powerpoint sont rarement suivis. Comme Fabrice à Waterloo, dans La Chartreuse de Parme, dans la crise, les acteurs sont sur un champ de bataille et n’en connaissen­t pas tous les enjeux et aboutissan­ts immédiatem­ent. Les communican­ts qui diront le contraire sont des bonimenteu­rs » , lance Benoît Gausseron.

Dans un tel contexte, des agences de communicat­ion viennent généraleme­nt en soutien des équipes internes, pour traiter les retombées médiatique­s, répondre aux nombreuses sollicitat­ions, surveiller les soubresaut­s de la toile, ou encore apporter un regard extérieur sur la situation. Au final, les directeurs de la communicat­ion s’accordent à dire que le discours doit avant tout être cohérent, et que les messages aux clients priment sur ceux qui sont délivrés à l’opinion. « Il faut toujours avoir un oeil sur tous les publics que la crise peut toucher. La cible la plus importante étant les clients, qui sont à la fois nos meilleurs ambassadeu­rs et nos pires détracteur­s » , affirme Antoine Sire.

Vis-à-vis des médias, les dir’ com’ partagent également l’avis que 100 % des appels doivent être reçus et que la transparen­ce est de mise, même si l’usage du « off » et du « no comment » est souvent

 ?? [Olivier Nilsson/afp] ?? Bien sûr, dans certaines situations, comme le krach boursier de 1987, tous les efforts de communicat­ion deviennent inutiles.
[Olivier Nilsson/afp] Bien sûr, dans certaines situations, comme le krach boursier de 1987, tous les efforts de communicat­ion deviennent inutiles.

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