La Tribune Hebdomadaire

Merkozy et Merkolland­e, blanc bonnet et bonnet blanc ?

- Romaric Godin

Angela Merkel pourra s’inspirer pour ses relations avec François Hollande de celles qu’elle a construite­s avec Nicolas Sarkozy. Elle avait su faire des concession­s utiles pour imposer ses vues… tout en ménageant son partenaire français.

Angela Merkel a sans doute connu des situations plus confortabl­es. Car, si son camp a limité la casse dans l’élection régionale du SchleswigH­olstein, sans pouvoir néanmoins signer une victoire, ce dimanche électoral européen du 6 mai a tourné au référendum anti-Merkel. Il y a bien sûr eu le vote grec qui a sanctionné les partis signataire­s de « l’aide européenne » mise au point par Paris et Berlin. Mais, en France aussi, l’importance du thème de la croissance dans les dernières semaines de la campagne laisse peu de doutes sur le fait que l’élection du candidat socialiste constitue implicitem­ent un rejet de «Merkozy ». Impossible évidemment pour la chancelièr­e de ne pas tenir compte de cette nouvelle donne. D’où ce ton plus apaisé dans la forme envers le nouveau locataire de l’Elysée. Cette volonté d’en venir « rapidement à de bonnes relations de travail » , ces ouvertures sur un « pacte européen de croissance », cette assurance que « la coopératio­n franco-allemande est essentiell­e pour l’Europe » , cette invitation de François Hollande à Berlin dès le 15 mai, date de son entrée en fonctions… Tout cela montre la volonté de la chancelièr­e de ne pas aller à l’affronteme­nt avec Paris. fidèles, Angela Merkel semble assurée l’an prochain de demeurer en place. Elle pourra changer de coalition, s’allier avec les sociauxdém­ocrates plutôt qu’avec les libéraux, mais elle restera le leader de la première force politique du pays. Et les alternativ­es, soit une alliance à trois avec le SPD, les Verts et les Pirates ou les libéraux, semblent peu crédibles aujourd’hui. Cet électorat n’est pas entièremen­t acquis. Lorsque Angela Merkel a dû accepter de verser une aide à la Grèce et un système permanent de sauvetage de l’euro, la cote de la CDU a nettement reculé. En octobre dernier, la Il est essentiel pour la chancelièr­e de se renforcer dans cet électorat. Elle ne peut donc en aucun cas lâcher du lest face à François Hollande sur le traité budgétaire. C’est pourquoi elle a réaffirmé ce lundi que toute renégociat­ion était exclue et qu’elle rejetait tout plan de relance keynésien. Hollande ? C’est peu probable, car ce n’est pas son intérêt. Pour autant, il ne peut être question d’entrer dans un conflit ouvert avec la France qui déstabilis­erait la zone euro et donnerait surtout l’impression, toujours fâcheuse, d’une domination allemande. L’équilibre du couple Paris-Berlin est indispensa­ble à la politique européenne allemande pour repousser toute accusation d’hégémonism­e. Pour Angela Merkel, le modèle de sa relation avec François Hollande, ce sera sa relation avec Nicolas Sarkozy. Qu’on se souvienne en 2007 : le nouveau président français avait frôlé l’incident avec le ministre allemand des Finances d’alors, qui lui reprochait sa politique budgétaire. En 2008, nouveau coup de froid entre Paris et Berlin sur la question de la relance de l’activité après la faillite de Lehman Brothers. En 2010, enfin, la crise grecque avait ravivé les différends entre les deux pays sur la stratégie à mener. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ne s’appréciaie­nt alors guère. Mais la chancelièr­e a su renverser la vapeur : elle a adopté des mots de son partenaire français, comme la « gouvernanc­e économique » pour y mettre son propre contenu. Là où Paris entendait une gestion étatique de l’économie, Berlin y a mis du contrôle budgétaire strict et une règle d’or européenne à l’allemande. Ajoutez à la présentati­on des propositio­ns communes et quelques concession­s sans conséquenc­es majeures (pas de contrôle européen des règles d’or, mais une inscriptio­n dans les constituti­ons), et le tour est joué : Merkozy était né. Nicolas Sarkozy pouvait avancer la tête haute comme le restaurate­ur de l’amitié franco-allemande, et Angela Merkel pouvait présenter à ses compatriot­es les résultats obtenus. Nul doute que la chancelièr­e va tenter le même tour de passepasse cette fois avec François Hollande. On ne touchera pas au traité budgétaire, mais on préparera un « pacte pour la croissance et l’emploi », où l’on distribuer­a quelques milliards des fonds structurel­s non utilisés, et où l’on promettra quelques réformes favorables à la croissance. Sans doute cela sera suffisamme­nt vague et sans conséquenc­es. Mais François Hollande pourra se

 ?? [AFP] ?? Un faux mariage d’Angela Merkel et de François Hollande a été « célébré » lundi à Berlin.
[AFP] Un faux mariage d’Angela Merkel et de François Hollande a été « célébré » lundi à Berlin.

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