Quand la crise rapproche les entrepreneurs turcs et grecs
Des entreprises turques sont prêtes à investir dans les infrastructures portuaires grecques, comme celles du Pirée.
L’impensable se réalise. Aux prises avec une sévère récession, la Grèce se tourne vers la Turquie pour trouver des investisseurs. Ce phénomène accélère le rapprochement entre les deux pays, longtemps à couteaux tirés. Sur le papier, tout semble opposer les économies grecque et turque. La première a connu une contraction de 6,9 % de son activité en 2011, tandis qu’Ankara a battu tous ses records, avec 8,5 % de hausse de son PIB. Quant à l’année 2012, la Banque de Grèce estime à 5 % la chute de l’économie nationale, alors que le gouvernement turc table sur 4,5 % de croissance. Si loin, si proches, ces deux voisins minés par des décennies de tensions politiques se disent toutefois déterminés à faire de la crise grecque une occasion de rattraper leur retard en matière de coopération économique. Même si la Grèce n’est que le 25e partenaire commercial de la Turquie, le commerce bilatéral entre Athènes et Ankara est en constante hausse (+ 37% en 2011, passant de 2,9 à 4,1 milliards de dollars). Les importations turques ont crû de 66 %, poussées notamment par l’achat de viande de bétail. « Au-delà des divergences apparentes de destin entre nos deux pays, nous avons une grande occasion de renforcer la coopération de nos économies complémentaires » , déclarait, fin mars à Istanbul, Constantine A. Papadopoulos, membre du ministère grec des Affaires étrangères. Invité à une qu’elles explorent les occasions d’investissements l e s pl us rentables » . Pour cela, Athènes compte notamment sur son vaste programme de nationalisations destiné à rapporter 50 milliards d’euros dans les caisses vides de l’Etat. Lors de la rencontre organisée en mars à Istanbul, plus de 120 entreprises turques se sont renseignées sur les secteurs concernés par ces privatisations. « La compétition sera rude, mais les entreprises turques ont les reins solides » , commente Selim Egeli, président du Conseil d’affaires gréco-turc au sein du DEIK (Conseil des relations économiques extérieures). Selim Egeli confirme « l’énorme intérêt » de groupes turcs pour « tous les secteurs » avec une préférence pour les infrastructures (prise de participations dans les ports du Pirée et de Thessalonique), l’immobilier, le tourisme et la construction. « Nous recherchons des occasions d’investir en Grèce et notre priorité sera les ports » , confirme de son côtéAdnan Nas, de la branche turque de Global Investment holding. Autre signe de la vigueur de ces relations bilatérales, le nombre d’entreprises grecques enregistrées en Turquie a grimpé de 10 % l’an dernier. Car, avec 74 millions d’habitants, la Turquie représente un énorme marché pour le petit voisin grec. « En temps de crise, lorsque les consommateurs ne peuvent plus acheter, il est normal que les entreprises se tournent vers des marchés plus profitables » , explique Selim Egeli. « Cela explique l’intérêt actuel des entreprises grecques spécialisées dans la chimie, l’aluminium, ou les aliments pour bébé » , avance-t-il. Cet intérêt réciproque entre Ankara et Athènes marque une nouvelle étape dans le processus de réconciliation engagé après le tremblement de terre de 1999 qui avait durement frappé la région turque d’Izmit. En 2010, les deux pays avaient signé toute une série d’accords stratégiques historiques. « Nous avons pris du retard, reconnaît Selim Egeli, mais nous voyons que la stabilité politique entre nos deux pays se retranscrit sur le business. »