La Bourse vote Hollande... jusqu’à quand ?
Lundi 7 mai, Paris a salué l’élection de François Hollande par une nette hausse. Mais le chaos politique en Grèce et les incertitudes sur le dialogue à venir avec Angela Merkel alimentent une forte volatilité.
La gauche au pouvoir fait-elle encore peur aux marchés financiers ? La thèse d’une attaque spéculative contre la France dès le 7 mai au matin a été pour l’instant battue en brèche : l’indice phare de la Bourse de Paris a affiché une belle hausse de 1,65 % au lendemain de l’élection présidentielle française. Et les agences de notation Fitch et Standard & Poor’s n’ont pas prévu de baisse de la note française dans l’immédiat. Le mur de l’argent n’a donc pas frappé, en référence à ce qui s’était passé lors de l’élection de François Mitterrand en mai 1981. Malgré les rumeurs sur une fuite des capitaux provoquée par un exil fiscal des plus fortunés, rien de tel ne semble s’être produit, à ce jour. Le retour de la gauche en France n’a, il est vrai, pas vraiment surpris les investisseurs. Cela fait plusieurs semaines que les sondages donnaient François Hollande gagnant face à Nicolas Sarkozy. Laissant aux boursiers tout le loisir d’arbitrer leurs portefeuilles au gré de la campagne. De fait, si baisse des marchés il devait y avoir, elle s’est déjà produite : depuis la mi-mars, le CAC 40 a cédé près de 15 %.
« La finance, désignée comme le “véritable adversaire” de François Hollande, va maintenant regarder avec grand intérêt les premières décisions du nouveau gouvernement. Parmi les 60 propositions présentées lors de la campagne, sont prévues : la scission des activités de banque de détail et d’investissement ainsi que l’augmentation de l’imposition des bénéfices des banques de 15 %. Ces deux mesures viendraient amputer de manière significative l’organisation de nos banques ainsi que leur compétitivité » , estime Pierre-Antoine Dusoulier, président de Saxo Banque.
Pour autant, l a hausse du CAC 40 n’a pas résisté longtemps au retour de la crise politique en Grèce, devenue ingouvernable après la chute, dimanche dernier, des deux partis favorables à l’accord de rééchelonnement de dettes signé cet hiver. La crainte d’une sortie de la Grèce de la zone euro a mis, mardi 8 mai, les marchés dans le rouge, et le climat risque de demeurer très tendu au moins jusqu’à la première rencontre entre François Hollande et Angela Merkel à Berlin, le 16 mai. Dans cette période d’incertitude, les investisseurs ont privilégié les valeurs refuges, en particulier les obligations d’État allemandes, dont le rendement est tombé à un plus bas historique, à 1,51 %. L’euro a aussi payé cher les élections grecques, tombant sous la barre des 1,30 pour 1 dollar.
L’impasse politique en Grèce, qui risque de voir suspendue, voire supprimée, l’aide promise de 5 milliards d’euros et la pression d’Angela Merkel, qui a refusé toute renégociation du traité budgétaire européen, devraient continuer d’alimenter une forte volatilité sur les marchés au cours du mois de mai. L’indice CAC 40 devrait donc continuer de naviguer dans des
François Hollande veut être jugé sur la justice et la jeunesse. Les marchés le jugeront sur la croissance et la gestion budgétaire. »
patron de Saxo Banque eaux dangereuses, entre 3 000 et 3 100 points, tant que les investisseurs n’y verront pas clair sur le projet de pacte de croissance réclamé par François Hollande. Si le nouveau président ne bénéficie d’aucun état de grâce ( lire pages 4 à 11), les marchés sem blent néanmoins enclins à « accorder aujourd’hui sa chance » à la nouvelle équipe, quitte à la sanctionner tout aussi rapidement s’ils jugent que la direction prise n’est pas la bonne.
« Les marchés n’ont pas de parti pris politique, ils votent pour la hausse du PIB. Malheureusement, la campagne, focalisée sur des thématiques franco-françaises, nous a trop peu donné l’occasion d’aborder avec précision les vrais sujets économiques. Quid de l’entente francoallemande, du pacte de croissance, de la situation explosive en Grèce ? L’influence des événements internationaux n’a jamais été aussi grande sur notre économie, notre président ne pourra pas échapper à cette réalité. Saura-t-il tenir toutes ses promesses ? La croissance sur laquelle s’appuie son programme sera-t-elle au rendez-vous ? Lors de son premier discours présidentiel, dimanche 6 mai au soir, à Tulle, il a annoncé qu’il souhaitait être jugé sur deux axes : la justice et la jeunesse. Les marchés le jugeront sur la croissance et la gestion budgétaire », souligne le patron de Saxo Banque.
Paradoxalement, les marchés sont donc plutôt d’accord avec l’idée d’un pacte de croissance européen. Ils voient bien que l’austérité budgétaire mène à la récession, ce qui n’est jamais bon pour la Bourse. Mais, faute de visibilité, ils se focalisent actuellement sur la persistance des risques bancaires. Les banques sont en effet le maillon faible de la zone euro et la perspective d’un possible dépôt de bilan du Crédit immobilier de France n’a rien fait pour rassurer les investisseurs.